Chiffres contre narratif: comment le faussaire Stanton Glantz enfume des médias sur la vape et les risques respiratoires

Le risque de maladies respiratoires est similaire pour les vapoteurs que pour les autres ex-fumeurs. Un risque supérieur d'environ 30% par rapport aux personnes qui n'ont jamais fumé, mais de moitié inférieur à ceux qui continuent de fumer. Ce sont à peu près les seuls chiffres fiables, avec une valeur de probabilité (p-value) sérieuse, que l'on trouve dans l'étude de Stanton Glantz et Dharma Bhatta publiée hier dans l'American Journal of Preventive Medicine (AJPM)

Mais ce que les médias, notamment en français par l'AFP et C-News, ont mis en avant sont une suite d'autres résultats aberrants, avec des indices de probabilité indignes de confiance, en les prétendant issus d'un suivi de 32'000 personnes entre 2013 et 2016. C'est simplement faux. Glantz et Bhatta n'ont fait que calculer des ratio de risques à partir d'enquêtes annuelles transversales, sans aucun suivi individuel. Les médias ont brodé la nouvelle avec un sensationnalisme tapineur sur les pneumopathies liées aux produits frelatés à la vitamine E du marché noir du THC aux Etats-Unis.

Narratif mythomane

Cette narration médiatique "d'une grande étude de suivi" est de la pure mythomanie. Pour le répandre, les auteurs ont utilisé une tactique de communication consistant à diffuser un communiqué à des contacts de presse choisis avec un narratif imaginaire sur ce pseudo-suivi, ceci avant que l'étude ne soit publiée et accessible. Une série de médias ont ainsi imposé un discours sur ce travail sans que d'éventuels experts aient pu le lire pour l'analyser et le critiquer. C'est comme ça qu'ils ont installé ce discours dans les médias hier. A noter que publier un article à propos d'une étude sans avoir lue cette étude relève de la faute professionnelle grave pour un journaliste. 

Ce timing de publication a aussi permis aux auteurs de l'étude de passer sous silence une donnée gênante pour leur narration. Les données de l'enquête PATH prises en compte dans l'étude montrent que dans près de 69,44% des cas de maladies respiratoires chez des vapoteurs, la maladie a précédé leur passage au vapotage. Une donnée dont l'éditeur a probablement forcé l'intégration pour se couvrir, mais dont les auteurs n'ont pas tenu compte dans leur analyse (sic!).

Médicalement absurde

Un élément médical simple et connu infirme toute pertinence au récit médiatisé de la prétendue mesure d'une augmentation du risque de maladies respiratoires à cause du vapotage dans les trois années des enquêtes transversales prises en compte. "Trois des maladies étudiées par Glantz - la BPCO, la bronchite chronique et l'emphysème - mettent des décennies à devenir cliniquement apparentes et auraient été présentes, même non diagnostiquées, dans plusieurs des cas bien avant le début de son étude en 2014, et même avant que les e-cigarettes soient disponibles aux États-Unis depuis 2007 environ", réagit le Pr John Britton dans une lettre au Times.

Le Directeur du Centre britannique d'études sur le tabac et l'alcool à l'Université de Nottingham ajoute que les conclusions de l'étude de Glantz et Bhatta "sont également faussées par le fait que la plupart des vapoteurs ont été fumeurs. Or le tabagisme est une cause importante de maladies pulmonaires chroniques, les vapoteurs ont inévitablement un risque accru de maladies pulmonaires longtemps après avoir cessé de fumer". La méthode statistique de l'étude ne permet pas de dépasser ce point: "elle est simpliste : il n'a pas le détail de la durée de vie et de l'intensité du tabagisme requise. Pour ces seuls motifs, sa conclusion est spécieuse".

Méthodologiquement pourri

En somme, Glantz et Bhatta ont aggloméré des données d'études transversales pour prétendre avoir fait un suivi longitudinal qui n'a jamais eu lieu en réalité. Un signe de leur bricolage inconsistant est le fait que ce soi-disant suivi voit des malades disparaître entre les vagues 2 et 3. Or, on ne peut pas prétendre établir une relation de causalité à partir d'une simple corrélation. "Il n'y a absolument aucun moyen de conclure, ou même de spéculer, sur la base des résultats d'une étude transversale, que le vapotage est une cause de maladie pulmonaire obstructive chronique (BPCO)", rappelait le Pr Michael Siegel, de l'Université de Boston et spécialiste du domaine en santé publique, dans un commentaire sur le sujet en février dernier.

De véritables suivis dans le temps de vapoteurs malades montrent que l'abandon du tabagisme au profit du vapotage réduit, voire dans certains cas permet d'inverser, l'évolution de la BPCO. La prétention de Glantz et Bhatta d'avoir isolé le facteur de risque propre au vapotage dans leur étude est ahurissant de stupidité, et leur addition des risques qui s'ensuit est ridicule. Ils n'ont mis en place aucun moyen pour s'assurer que les maladies respiratoires sont liées au vapotage et non pas à une autre cause, dont la plus probable est le tabagisme passé, pour 99,4% des vapoteurs qui ont répondu aux enquêtes utilisées par l'étude. 

Faussaires et pervers notoires

Il est troublant que deux chercheurs déjà co-auteurs d'une fraude manifeste, et précédemment mise à jour, soient de nouveau publiés avec une étude aussi faible méthodologiquement. N'importe qui avec quelques notions sur les maladies respiratoires évoquées par le communiqué de presse de l'étude est capable de rejeter un tel enfumage. Les articles de presse publiés hier sont l'oeuvre de journalistes soit d'une incompétence inquiétante, soit de corrompus.

La tactique médiatique pour répandre ce qui est une fakenews caractérisée montre l'importance pour un réseau de médias de projeter le thème du vapotage comme enjeu politique et émotionnel dans le public. Je pense que ce n'est pas seulement pour vendre du clic et du papier, cette campagne fait partie d'une stratégie électorale d'un politicien multi-milliardaire et magnat des médias.

Tweet du Pr Bertrand Dautzenberg en réaction à l'étude:
[Add.] Tweet de la Dre Ute Mons, du Centre de recherche sur el cancer en Allemagne (DKFZ) [ma traduction: Cher @tagesschau, avez-vous lu l'étude? Depuis quand 1,3 (facteur de risque pour les e-cigarettes) est-il égal à 2,6 (facteur de risque pour les cigarettes de tabac)? En outre, l'étude donne des indications claires de causalité inverse: les problèmes pulmonaires conduisent à passer aux e-cigarettes.]




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