Plus de 11 millions d’arrêts tabagiques dans l’UE grâce à la vape, mais elle est en danger

Plus de 11 millions de personnes, représentant près de 15 % de tous les ex-fumeurs de l’UE, déclarent avoir réussi leur arrêt tabagique grâce à la vape, selon l’Eurobaromètre publié le 24 juin. Pourtant, trois jours plus tôt au Conseil européen, le vapotage était la cible de 12 pays, dont la France, qui exigent des mesures contre les moyens de réduction des risques.

À sa session du 21 juin, le Conseil européen a vu les représentants de douze pays demander des mesures contre les produits de réduction des risques, dont la vape. « La France soutient la régulation pouvant aller jusqu’à l’interdiction », annonce Cyril, le représentant français qui n’a pas décliné son nom de famille. Avant de préciser « pour le vapotage, il apparait essentiel de restreindre l’utilisation des arômes qui incitent les jeunes à l’expérimentation ». Pourtant tous les pays de l’Union européenne (UE), y compris la France, ont déjà interdit la vente des produits de vapotage aux mineurs. L’exigence est donc en réalité de restreindre le choix de produits de vape aux adultes, sans même faire semblant de songer à faire appliquer correctement les lois existantes.

Outre l’interdiction des arômes, l’interdiction de vente à distance des produits de réduction des risques dans toute l'UE est aussi évoquée. Toutes ces mesures sont actuellement du ressort de la souveraineté des États, comme l’a rappelé le représentant de la Hongrie lors du Conseil. Elles sont d’ailleurs malheureusement déjà en vigueur dans plusieurs pays de l’UE (dont la Hongrie). Les autres moyens de consommer à faible risque de la nicotine, notamment les nicotine pouches, sont aussi dans le collimateur des dirigeants des 12 pays hostiles à l’approche de réduction des risques.

Cacher la réalité qui dérange le discours antivape

Trois jours après ce Conseil européen, l’Eurobaromètre, enquête auprès de plus de 26 000 citoyens de l’UE commandée par la Commission européenne, a publié discrètement ses données récoltées en 2023 sur le tabagisme et l’utilisation de produits connexes, notamment la vape, les nicotine pouches (voir le billet du Daily Pouch) et le tabac chauffé. Sa principale donnée est que le tabagisme atteint 24 % des personnes de plus de 15 ans, tandis que 3 % vapotent. Le Vaping Post en présente un résumé.

À la réunion du Conseil européen, pas un mot n’a été dit de cette enquête, y compris par la Commissaire à la Santé Stella Kyriadides. Pourtant - ou peut-être parce que, comme le suggère un article de Clearing the air -, ces données indiquent, d’une part, un fort ralentissement de la baisse du tabagisme, et, d’autre part, que le vapotage reste, malgré cela, le moteur principal de cette baisse. La corrélation de cette triste dynamique avec la montée des politiques de restrictions contre la vape dans plusieurs pays de l’UE - interdiction d’arômes dans 7 pays, surtaxe dans 19 pays - et les campagnes de dénigrement de la réduction des risques paraît tomber sous le sens. Insister dans une orientation antivape, ou pire la durcir, est inconciliable avec une politique antitabac efficace, qui viserait une UE sans fumée d’ici 2040, objectif annoncé du Plan cancer adopté en 2021 par le parlement européen.

Récapitulatifs de quelques repères et données d’intérêt issues de l’Eurobaromètre 2023
Habitants de plus de 15 ans dans l’UE100 %379,9 millions
Fumeurs24 %91,2 millions
Ex-fumeurs20 %76 millions
Vapoteurs actuels3 %11,4 millions
Ex-vapoteurs3 %11,4 millions
A juste essayé le vapotage8 %30,4 millions
Déclarent avoir arrêté de fumer grâce à la vape21 % de tous ceux qui utilisent, ont utilisé ou juste essayé la vape11,2 millions
Déclarent avoir réduit leur consommation de tabac grâce à la vape23 % de tous ceux qui utilisent, ont utilisé ou juste essayé la vape12,2 millions
Déclarent avoir arrêté de fumer grâce à la vape, mais rechuté ensuite - pas précisé s’ils fument moins ou non qu’avant leur arrêt momentané (?!?)6 % de tous ceux qui utilisent, ont utilisé ou juste essayé la vape3,2 millions

La baisse du tabagisme malade des politiques antivapes dans l'UE

Première grande tendance qui se dégage des données du nouvel Eurobaromètre : un fort ralentissement de la dynamique de baisse du tabagisme dans l’UE, avec un rythme trois fois moins rapide que la période couverte par la précédente enquête. Le rythme de la période 2017-2020 était une baisse de 1 point de pourcentage par an, passant d’une moyenne de 26 % en 2017 à 23 % en 2020 avec les Britanniques. Sans ceux-ci, la période 2020-2023 suit un rythme trois fois moins rapide, avec une baisse de seulement un point en trois ans en passant de 25 % à 24 %. La dynamique précédente permettait d’espérer que le tabagisme dans l’UE passe sous la barre des 5 % d’ici à 2040, objectif voté par le Parlement européen dans le Plan Cancer. Au rythme de 2020-2023, la cible s’éloigne au mieux à la fin du siècle et un tabagisme stagnant aux alentours de 18 % en 2040.

La sortie des Britanniques de l’UE, et de leur politique antitabac efficace intégrant le vapotage comme outil de réduction des risques, explique en partie cette régression. Cependant, ce résultat, incompatible avec les objectifs que l'UE s'est fixé en matière de réduction de tabagisme, est surtout le fruit de la montée de politiques antivapes et de leur effet de protection du tabagisme. Sept pays de l'UE ont interdit des arômes pour le vapotage, 19 surtaxent le moyen de réduction des risques et à peu près toutes les populations subissent un déferlement de propagande contre le vapotage.

Les politiques antivapes sont toxiques

Exemple de politique hostile à la réduction des risques, l’Estonie a vu son tabagisme grimpé de 18 % à 25 %. Une hausse de 39 % du tabagisme en trois ans corrélée à l’interdiction d’arômes pour le vapotage. Les autres pays répressifs voient leur tabagisme plus ou moins stagner. Poids lourd en population, l’Allemagne et la taxe antivape d’Olaf Scholtz aurait maintenu son tabagisme à 24 % selon l’Eurobaromètre. Bien que de son côté, le système de monitoring allemand Debra a mesuré une forte hausse durant cette période, portant le tabagisme en Allemagne à plus de 30 %.

A l'opposé, deux pays connaissent une chute importante de tabagisme selon l'Eurobaromètre. La tchéquie, un des rares pays de l'UE ouvert à la réduction des risques, a réduit sa part de fumeurs de 30 % à 23 %. La Grèce, dont le représentant était le seul au Conseil européen a rappelé la nécessité de procéder à une évaluation d'impact avant de décider d'éventuelles mesures antivapes, a vu son tabagisme baissé de 6 points, restant tout de même à près de 36 %.

Le vapotage reste le moteur de la baisse de tabagisme malgré les entraves

La tendance à la baisse du tabagisme au fil de l’essor de la vape a particulièrement bénéficié aux jeunes. Selon les Eurobaromètres au fil des années, plus de 32 % des 15 à 24 ans fumaient en 2008, ils ne sont plus que 22 % en 2023, un chiffre qui était même descendu à 20 % en 2020. Cette chute d’un tiers du tabagisme chez les jeunes durant l'essor de la vape est incompatible avec un prétendu effet passerelle.

Tandis qu’en passant de 31 % à 24 %, le tabagisme s'est réduit d'environ un quart dans l’ensemble de la population des plus de 15 ans depuis 2008. Si au niveau des jeunes, le vapotage a un effet d'évitement réduisant massivement l'entrée en tabagisme, au niveau des plus agés, la vape est utilisée pour arrêter de fumer.

De 2020 à 2023, plus de 2 % des fumeurs ont arrêté grâce à la vape

Malgré les entraves des interdictions d’arômes et les surtaxes de certains pays et les campagnes de dénigrement partout, le poids du vapotage dans les arrêts tabagiques des fumeurs de l’UE se réduit, mais reste prédominant. Selon l’Eurobaromètre, 10 % des fumeurs de l’UE ont récemment (dans l’année précédente) essayé d’arrêter de fumer à l’aide du vapotage, 15 % sans aide, tandis que 64 % des fumeurs n’ont pas essayé.

Pour saisir sa portée, ce taux de recours au vapotage doit se conjuguer à son efficacité. L'enquête a mesuré à 21 % l'efficacité du vapotage pour arrêter de fumer, que l'utilisateur ait eu ou non l'intention d'arrêter de fumer lorsqu'il a commencé à utiliser ou même seulement essayé la vape. Cela fait environ 11,2 millions de personnes ayant arrêté de fumer grâce à la vape dans l'UE, alors qu'ils étaient environ 9 millions en 2020. Le rythme des arrêts tabagiques à l'aide du vapotage a sensiblement ralenti, passant d'environ 1,2 millions par an à environ 700 000 arrêts annuels. Ce ralentissement s'est évidemment reporté sur la baisse du tabagisme en général.

Efficace et populaire, la vape est efficiente

Il est essentiel de comprendre que pour avoir un impact de santé publique significatif, un moyen d’arrêt tabagique doit conjuguer à la fois efficacité et popularité. L’arrêt franc, sans aide, est extrêmement populaire. Près de la moitié des fumeurs qui tentent d’arrêter de fumer, le font sans aide. Mais cette démarche se solde par près de 96 % d’échecs. Au niveau populationnel, l’impact de cette voie d’arrêt est donc faible. À l’opposé, le Champix (varénicline) a une efficacité plutôt élevée, à peu près similaire à la vape, mais une popularité si faible qu’il n’a aucun impact significatif sur les taux de tabagisme. A fortiori depuis 2020, puisque Pfizer ne le distribue plus.

Enfin, 4 % des fumeurs de l’UE ont fait une tentative d’arrêt récente en s’aidant de substituts nicotiniques pharmaceutiques (NRT), selon l’Eurobaromètre. L’enquête européenne ne publie pas sa mesure de l’efficacité des NRT. Cependant, on sait, par les essais cliniques, qu’ils sont environ moitié moins performants que la vape ou le Champix pour arrêter de fumer. Une si faible utilisation avec une efficacité moyenne aboutit à un très faible impact au niveau de l’UE.

En France, le vapotage est responsable de la baisse du tabagisme

Les données de l’Eurobaromètre spécifiques à la France montrent un poids du vapotage sur la baisse du tabagisme encore plus important que la moyenne des pays de l’UE. Alors que le tabagisme en France serait passé de 28 % en 2020 à 27 % en 2023, selon l’Eurobaromètre. [Il est à noter que les données de Santé publique France montrent une stagnation du tabagisme en France entre 2019 et 2022. SPF n’a pas publié ses données concernant 2023, pour une raison qui m’est inconnue]

En France selon l'Eurobaromètre, la part de fumeurs à avoir tenté d’arrêter en s’aidant de la vape est de 17 %, tandis que le taux d’efficacité du vapotage pour arrêter de fumer atteint 25 %. Le vapotage est donc à l’origine de la sortie du tabagisme pour au moins 4 % des fumeurs en France sur cette période. Soit environ 1 % de la population générale, l’équivalent de la baisse de tabagisme enregistrée par l’Eurobaromètre. La part des fumeurs ayant arrêté avec la vape sans intention préalable d’arrêter de fumer échappe à la question de l’Eurobaromètre et s’ajouterait à ce nombre s’il était possible de la prendre en compte.

L’accès public aux données brutes de l’Eurobaromètre donné pour les deux précédentes éditions, mais pas encore pour celle-ci (?), pourrait permettre une évaluation plus fine. Dans l'attente, on peut estimer qu’au moins un demi-million de personnes sont sorties du tabagisme grâce à la vape entre 2020 et 2023 en France. Ceci malgré les violentes campagnes de dénigrement des médias et des organisations hostiles au principe de réduction des risques. Des restrictions antivapes supplémentaires, telles que celles demandées le 21 juin au Conseil européen par Cyril, au nom de la France, auraient pour conséquence très probable le maintien du tabagisme, ainsi que des maladies et morts évitables en découlant, en France.

Les trois quarts des non-fumeurs poussés au déni de la science

Les campagnes de dénigrement de la réduction des risques ne frappent pas uniquement la France. À la lecture de l’Eurobaromètre, elles semblent introduire un risque de fond inquiétant. La part de vapoteurs dans l’UE motivés par l’arrêt tabagique se serait écroulée de 56 % en 2020 à seulement 36 % en 2023 selon l’enquête. Cela pourrait être le signe d’une intériorisation de la propagande visant à égaliser vape et tabagisme, débouchant sur un possible abandon de tenter d’arrêter de fumer avec le vapotage et minant son efficacité antitabac.

Le bombardement de propagande anti-réduction des risques trouve un autre écho effarant. Une part de 75 % des non-fumeurs dans l’UE croit que la vape ne permet pas d’arrêter de fumer, malgré les preuves scientifiques établies de son efficacité. Seuls 12 % savent que la vape peut aider à arrêter de fumer, mais cette proportion, déjà faible en 2020, a chuté d’un quart en trois ans. Sur ce sujet, l’UE ressemble de plus en plus à une terre de désinformation digne de l'époque supersticieuse de l'Inquisition.

Le Parlement va-t-il défendre le droit à la réduction des risques ?

La publication des données de l’Eurobaromètre, trois jours après les demandes de mesures contre les moyens de réduction des risques face au tabagisme au Conseil européen, met à nu l’inconséquence complète de celles-ci. Le vapotage est le moteur de la baisse du tabagisme dans l’UE. Un moteur déjà affaibli et qui mériterait d’être soutenu.

En sens contraire, les demandes au Conseil européen donnent carte blanche à la Commission pour un projet de révision de la directive tabac (TPD) extrêmement hostile à la réduction des risques et au vapotage en particulier. L’absence de référence aux données de l’Eurobaromètre lors du Conseil européen laisse deviner que l’analyse des réalités et des données ne sera pas le souci principal de la Commission.

Le projet de révision de la TPD devra encore passer devant le Parlement européen. Cela laisse une chance de corriger ce qui serait une erreur manifeste de politique de santé publique concernant la principale cause de maladies évitables dans l’UE. Les plus de 91 millions de résidents de l’UE qui fument et les 11 millions qui vapotent devront espérer que le Parlement défende le droit fondamental à la santé en préservant la liberté d’opter pour des moyens de réduction des risques.

Références :

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