Pr J. Nitzkin : Quelles sont les croyances contre la réduction des risques des projets de lois sur le tabac ?
Le Pr Joel L.
Nitzkin est spécialiste des questions de santé publique concernant
le tabagisme. Il a dirigé différents organismes de santé publique
depuis les années 1970 (Rochester, New-York, Louisiana...). Il est
président de la Task force sur le tabagisme de l'American
Association of Public Health Physicians (AAPHP).
Notre traduction,
non révisée par l'auteur et qui ne l'engage pas en cas d'erreur de notre part, du manuscrit accepté le 19 avril 2016
par la revue Nicotine & Tobacco Research d'Oxford, et en ligne en version originale.
Cette intervention
répond à la présentation du Dr David Ashley du Centre sur les
Produits du Tabac (CTP) de la Food and Drug Administration (FDA) lors
de la réunion en Mars 2016 de la Société de Recherche sur la
Nicotine et le Tabac (SRNT). Le Dct Ashley a partagé des doutes sérieux quant
à savoir si huit produits de Snus de la marque Swedish Match
devraient avoir un statut de Produit de Tabac à Risques Modifiés
(MRTP) (1). Tel que publié dans la revue Nicotine and Tobacco
Research (NTR) (2), et de nouveau souligné à cette réunion de la
SRNT, la FDA affirme être engagée dans un programme de
réglementation fondé sur la science, plutôt que sur des
préoccupations politiques ou d'intérêt particulier. Certains
doutent sérieusement de cette affirmation de la FDA.
Il n'y a guère de
sens d'imposer aucun ou très peu de fardeau réglementaire sur les
cigarettes actuellement sur le marché, tout en essayant de faire
disparaître les appareils de vapotage et de vaporisation d'un risque
extrêmement plus faible et moins addictifs. Tout comme d'hésiter à
accorder aux produits de Snus de Swedish Match le statut de MRTP. Il
y a encore moins de sens de considérer les produits pharmaceutiques
nicotinés (patchs, gommes, etc.) comme s'ils ne contenaient pas de
nicotine.
Un problème majeur
avec la loi sur le tabac de la FDA concerne l'exigence de
documentation par les fabricants de nouveau produit à risques
réduits qu'il ne nuirait pas à des non-utilisateurs du produit
(interprété comme devant prouver qu'aucun non-utilisateur ne sera
amené à une dépendance à la nicotine). Malheureusement,
l'interprétation de la FDA de cette formulation impose un fardeau
financier si important que, si elle reste inchangée, elle éliminera
toutes les petites entreprises et tous les produits personnalisables
(customisables) du marché du vapotage (3).
On pourrait penser
que la publicité d'un produit à risques réduits, par rapport aux
cigarettes, pourrait amener des adolescents non-fumeurs à une
dépendance à la nicotine. L'expérience récente avec le vapotage,
tant au Royaume-Uni qu'aux États-Unis, fournit des preuves
convaincantes que cette publicité, alors qu'elle peut amener
certains à expérimenter le produit, recrute très peu de jeunes
pour une utilisation au long court, tout en attirant un grand nombre
de fumeurs adolescents à sortir du tabagisme (4-6).
Permettre aux
fabricants de la vape à faire référence à cette expérience de ce
type de produit pour satisfaire la disposition de la loi sur les
dommages pour les non-utilisateurs, éliminerait le fardeau
insurmontable des coûts telle qu'elle est proposée actuellement. Si
la FDA détermine qu'il n'y a pas la souplesse administrative de
ré-interpréter cette disposition de la loi, les autorités de santé
publique pourraient pousser le Congrès à un amendement.
La cigarette est le
produit le plus addictif et dangereux du tabac, et le produit
dominant de délivrance de nicotine aux États-Unis. Toutes les
données actuelles américaines sur les maladies et la mortalité
liées au tabac se rapportent à ce produit (7). Malgré des
déclarations contraires, le Snus et les autres produits sans fumée
largement disponibles sur le marché américain depuis une très
longue période ne montrent aucune augmentation mesurable de risque
de quelconque maladie potentiellement mortelle attribuable au tabac
(8,9).
Ainsi, il y a une
grande opportunité pour un examen sérieux d'ajouter une composante
de réduction des risques au tabac (THR) au programme actuel de la
lutte antitabac. Une telle initiative comparerait
publiquement les risques du vapotage et d'autres produits sans fumée
aux cigarettes. Cela encouragerait
les fumeurs incapables, ou qui refusent, de quitter à passer à un
produit à risques réduits. Comme constaté par le présent auteur,
la THR engendrerait très probablement des réductions des maladies
et de la mortalité du tabagisme impossibles autrement. Tout en
continuant à réduire le recrutement d'adolescents à la dépendance
à la nicotine.
Les croyances qui
sous-tendent le refus de la FDA d'envisager la réduction des méfaits
du tabac semblent inclure les éléments suivants :
1. Les produits avec
nicotine non-pharmaceutiques ne sont considérés que sous l'angle de
leurs inconvénients, mais en ignorant tout avantage.
Ainsi, la preuve que
la nicotine auto-administrée offre des avantages cognitifs et
comportementaux pour les personnes atteintes de schizophrénie, de
dépression ou de troubles bipolaires n'a pas été pris en compte.
Cette absence d'examen des avantages potentiels entraîne que
l'approbation des produits à faible risque comme substituts de
cigarettes est écarté de la table de discussion sur la politique de
prévention du tabagisme.
2. L'usage du tabac
est considérée comme une maladie, et non pas un comportement. Cette
conception des études ne prend donc pas en considération les
changements de comportement à long terme. Cela exclut aussi l'examen
des produits à faible risque comme substituts des cigarettes.
3. Le principal
déterminant de risque considéré est la composition chimique du
produit. Cette croyance contredit le fait établi que la classe de
produit du tabac, brûlé ou au contraire sans fumée, détermine à
la fois ses risques de dépendance et de maladies attribuables au
tabac potentiellement mortelles. Cette croyance impose des exigences
inutilement détaillées, d'analyses chimiques des produits
spécifiques et des études de population, aux fabricants demandant
l'approbation d'un nouveau produit ou demandant le statut de MRTP
(Produit du Tabac à Risque Modifié). De telles contraintes
réglementaires ne sont pas imposées aux grandes marques de
cigarettes.
4. Les produits
pharmaceutiques de délivrance de nicotine (patchs, gommes, etc.)
sont traités par la FDA comme si elles
ne contiennent pas de nicotine. Ce sont les produits nicotinés les
plus facilement accessibles aux mineurs. Ils sont vendus sur des
étagères ouvertes en une variété de bonbons aux arômes de fruits
sans application de restrictions d'âge. Ils sont approuvés pour une
utilisation illimitée en dose et en durée, et dans une utilisation
simultanée de plusieurs produits et pour une utilisation par ceux
qui continuent de fumer. Leur publicité passe à la télévision.
Les systèmes de surveillance liés au tabac ne suivent pas
l'utilisation de ces produits.
Malgré l'absence de
combustion et de goudron, la faible concentration des autres toxines
de la fumée de cigarette, ainsi que l'échec de recrutement
d'adolescents non-fumeurs à l'usage au long court du vapotage avec
nicotine, les réglementations proposées considèrent le vapotage
comme aussi dangereux et addictif que les cigarettes de tabac. En
dépit des preuves du contraire (4, 11), les autorités de santé
publique continuent de prétendre que ces produits augmentent le
tabagisme adolescent (6).
Le Pr Joel Nitzkin |
Un programme de
réglementation fondé sur la science ne supprimerait pas les
produits à faible risque du marché en imposant des coûts
réglementaires insupportables. Il les prendrait sérieusement en
considération et financerait la recherche sur les avantages
possibles de produits à faible risque, envisagerait des approches
possibles de réduction des dommages du tabac, et éviterait
d'induire en erreur le public par des déclarations trompeuses.
References :
1. Ashley DL. How science informs FDA's regulatory decisions: Deeming, PMTA
and MRTPA. In: Special Symposium. Chicago, Ill. 2/March; 2016. Society for
Research on Nicotine and Tobacco, 2016 Program.
2. Ashley DL, Backinger CL, van Bemmel DM, Neveleff DJ. Tobacco regulatory
science: Research to inform regulatory action at the Food and Drug
Administration's Center for Tobacco Products. Nicotine Tob Res. 2014;16(8)
(August):1045-1049.
3. Mickle T. FDA Cloud Hangs Over Vape Shops. The Wall St J. 2015 7 July.
4. Centers for Disease Control and Prevention. National Youth Tobacco Survey;
2015. November 11, 2015.
5. McNeill A, Brose L, Calder R, Hitchman S. E-cigarettes: An Evidence Update
Plus Policy Implications. A report commissioned by Public Health England.
London, England. August; 2015. Public Health England. 19 August 2015.
6. Sandman PM. A promising candidate for most dangerously dishonest public
health news release of the year. The Peter Sandman Risk Communication
Website; 2015. 13 August 2015.
7. Office of the Surgeon General U. The Health Consequences of Smoking - 50
Years of Progress; 2014.
8. Rodu B. The Scientific Foundation for Tobacco Harm Reduction, 2006-2011.
Harm Reduct J. 2011;8(19):8-19.
9. Lee P. Epidemiologic Evidence relating snus to health - an updated review based
on recent publications. Harm Reduc J. 2013;10(36) (6/Dec).
10. Fucito L.M., Bars M, Forray A et al. Writing Committee for the SRNT Policy and
Treatment Networks. Addressing the evidence for FDA nicotine replacement
therapy label changes: a policy statement of the Association for the Treatment of
Tobacco use and Dependence and the Society for Research on Nicotine and
Tobacco. Nicotine Tob Res. 2014;7 (16, Jul):909-14.
11. Johnston LO PM, Bachman J, Schulenberg J. Teen smoking continues to decline
in 2013. In: Monitoring the Future.
http://monitoringthefuture.org/pressreleases/13cigpr_complete.pdf University of Michigan. 17
Jan 2014.
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