La dernière de Macron : tenter d’interdire la vape avec arômes à l’échelle de l’Union européenne

La dernière de Macron : tenter d'interdire la vape avec arômes à l'échelle de l'Union européenne

C’est probablement la dernière décision de Macron avant les élections législatives : la France s’est s’associée à la demande présentée au Conseil européen ce 21 juin d’interdiction de la vape avec arômes dans toute l’Union européenne (UE). En dépit du fait établi qu’une telle interdiction favorise le tabagisme, notamment des jeunes, et que la demande court-circuite les processus d’évaluation en cours. Si une majorité des 27 dirigeants des pays membres accepte, le Conseil européen donnerait mandat à la Commission pour imposer « dans les plus brefs délais » cette interdiction à travers la révision de la directive tabac (TPD), bien que le sujet soit du domaine des prérogatives nationales. Le Parlement européen pourrait encore tenter d’infléchir le texte lorsque la Commission lui soumettra son projet de révision par la suite.

Le gouvernement danois a vendu la mèche en publiant sur son site sa demande au Conseil européen [copie en fin d'article] d'interdire les arômes de vape, ainsi que d'autres produits de réduction des risques comme les nicotine pouches. Depuis l'alerte lancée en France la semaine dernière par l'association Sovape, la liste des États cosignataires a été mise à jour le 17 juin. Le texte est à présent soutenu par la France et l'Allemagne, en plus d'autres pays initialement impliqués comme l'Estonie, Malte, la Pologne, le Luxembourg, la Finlande, l'Espagne, l'Irlande et la Slovénie.

Interdire la vape pour faire place nette au tabac

Les dirigeants des dix pays veulent « une interdiction des arômes dans les produits contenant de la nicotine, une limitation de la teneur en nicotine dans ces produits et, le cas échéant, une interdiction de certains produits ». Ils justifient cette exigence pour « protéger nos [!] enfants de la dépendance à la nicotine », bien que tous les pays de l’UE interdisent déjà la vente de ces produits aux mineurs, comme ils en ont la compétence souveraine. L’enquête Health Behavior School-aged Children (HBSC) évoquée dans le texte des 10 pays en faveur de la prohibition ne distingue pas l’usage ou non de nicotine chez les jeunes qui déclarent avoir utilisé le vapotage. Elle est tout simplement hors sujet.

La raison invoquée est d’autant plus peu crédible que les études sérieuses existent et montrent que l’interdiction des arômes de vape provoque une nette hausse du tabagisme, y compris concernant les jeunes. Aux États-Unis, les interdictions d’arômes de vape ont été suivies de la baisse du vapotage et de l’augmentation du tabagisme dans les États les ayant adoptées. Pour l’équivalent de chaque fiole de 10 ml d’e-liquide de moins vendue, ce sont huit paquets de cigarettes vendus en plus en moyenne après l’interdiction. Cette hausse du tabagisme consécutive à l’interdiction de la vape aromatisée frappe particulièrement les jeunes : les États prohibitionnistes ont vu, chez les moins de 21 ans, l’usage de vape réduit de 1,2 à 2,5 points de pourcentage, tandis que le tabagisme a augmenté de 2,2 à 2,6 points.

Les jeunes pris en otages par les profiteurs du tabagisme

Ces effets concrets confirment les données françaises qui montrent, sur un panel de plus de 27 000 jeunes de 17 ans, que les adolescents qui expérimentent en premier la vape ont près de 40 % moins de risques de devenir fumeurs que les autres jeunes. En somme, lorsque les États faillissent à appliquer l’interdiction de vente du tabac aux mineurs, le vapotage, dans neuf dixièmes des cas une expérimentation sans nicotine et sans lendemain, apparait avoir un effet « divertisseur », évitant à une partie conséquente des jeunes d’essayer de fumer.

Ce phénomène est l'explication la plus plausible de la chute accélérée du tabagisme adolescent depuis 2014 et l'apparition de la vape. Ces éléments, parmi de nombreuses données, invalident la justification douteuse de la protection de la jeunesse avancée par le groupe de pays signataires de la demande d'interdiction au niveau européen.

Au Danemark, le tabagisme est déjà reparti à la hausse

À l’origine de cette demande de prohibition à l’échelle de l’UE, le Danemark a d’ailleurs vu sa prévalence tabagique augmenter en passant de 18 % en 2020 à 20 % en 2022, une année seulement après son interdiction locale. Malgré la prohibition, 79 % des vapoteurs danois qui ne sont pas retournés au tabagisme utilisent des arômes interdits. En bref, ils refusent d’obéir à la loi scélérate de leur gouvernement.

Puisque les produits sont déjà interdits aux mineurs, la conséquence, et le but véritable, de la demande au Conseil européen serait d'interdire aux adultes de toute l'UE le moyen le plus efficace et populaire d'arrêter de fumer. Plus de neuf dixièmes des utilisateurs de vape l'utilisent avec des arômes autres que le tabac. En France, 88 % des vapoteurs ayant arrêté de fumer attribue un rôle clef à la diversité des arômes de vape dans leur arrêt tabagique, selon l'enquête Merci la vape auprès de près de 40 000 personnes en 2023.

Dans les États ayant adopté la prohibition des arômes de vape, les mêmes conséquences sont systématiques. Une partie des vapoteurs retournent au tabagisme et la prévalence tabagique augmente, tandis qu'une autre partie se tourne vers les marchés parallèles ou préparent eux-mêmes leur e-liquides avec des arômes alimentaires, sans vision sur leur sécurité pour le vapotage. Au Québec, 36 % des vapoteurs sont ainsi redevenus fumeurs six mois après la prohibition.

Qu'est-ce qui motivent les prohibitionnistes ?

Alors pourquoi ce coup de force pour tenter d'imposer la prohibition des arômes de vape ? La raison la plus évidente est financière. En France, la destruction de l'intégration du vapotage aux outils d'arrêts tabagiques a permis de briser la chute du tabagisme tout en augmentant les taxes, offrant près de 4 milliards € de revenus fiscaux annuels supplémentaires, pour atteindre près de 19 milliards avec TVA afférente, depuis 2019. Si la prohibition des arômes de vape avait un effet similaire à l'exemple québécois, avec 30 à 40 % de vapoteurs de retour au tabagisme, l'État français peut espérer augmenter ses revenus de près de trois milliards € par an.

Parmi les pays cosignataires, ce calcul est encore amplifié pour un pays comme le Luxembourg dont les ventes de cigarettes dépassent largement ses seuls fumeurs locaux. L'Allemagne et la Pologne, deux des principaux pays producteurs de cigarettes au niveau mondial, y ajoutent la défense de leur industrie tabagique. Concernant le royaume de la corruption de Malte, on ne se demande même pas. Depuis plusieurs mois, les cigarettiers multiplient les pressions pour cette interdiction des arômes alors que l'accélération ces deux dernières années de la baisse de leur volume de ventes de cigarettes entame sérieusement leurs profits.

Bloquer la sortie du tabagisme aux plus démunis

Cette mesure a par ailleurs la particularité d’être violemment antisociale. Les bas revenus sont en proportion plus nombreux à fumer, ils ont près de trois fois moins de chance de réussir à arrêter de fumer à nombre égal de tentatives, et sont globalement frappés trois fois plus par les maladies liées au tabagisme que les plus aisés. Notamment la très invalidante bronchopneumopathie obstructive (BPCO) ou le cancer des poumons, comme le relate un récent rapport de la Cour des comptes. Interdire un moyen d’arrêter de fumer augmentant significativement les chances de s’en sortir est une manière assez simple de prolonger une taxation régressive des bas revenus au profit de baisse d’impôt pour les plus aisés.

Les bureaucrates contre les élus

Enfin, il y a possiblement une lecture plus politicienne de l'initiative, alors que les élections européennes ont renouvelé le Parlement. C'est d'une part une manière de prendre de court les nouveaux élus, en violant les processus d'évaluation d'impact prévu par les textes européens. C'est également une manière d'imposer la domination des bureaucraties, y compris de la Commission, sur les élus avec un texte qui ne respecte par les principes de subsidiarité, où la TPD actuelle laisse à discrétion des pouvoirs nationaux la question des arômes de vape. Cette possible explication d'un rapport de force politique entre bureaucraties et élus est renforcé par le fait que la plupart des pays signataires ont vu l'opposition réaliser de meilleurs scores que les partis au pouvoir lors de ces élections européennes.

Cette dimension est, dans le contexte d’explosion politique du pouvoir en place, d’autant plus prégnante en France. En dépit de ne plus représenter qu’une très faible minorité des électeurs, contre les données scientifiques, contre les associations d’usagers et des professionnels de santé de terrain, contre l’intérêt général, contre les dix millions de fumeurs qui désirent arrêter de fumer et les trois millions de vapoteurs qui ont réussi, contre les classes populaires, contre le Sénat qui a récemment livré un rapport beaucoup plus nuancé sur le sujet, contre l’intérêt économique du pays qui a l’industrie de vape la plus développée d’Europe, en somme, contre tout et tous, Macron réaffirme son pouvoir arbitraire jusqu’à l’absurde en réclamant la prohibition injuste et injustifiée des arômes de vape.

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