Interview de Corinne: «La nicotine me permet d'oublier que je suis malade de Parkinson»

Il y a tout juste deux siècles, un médecin britannique décrivait pour la première fois une maladie qui allait porter sous peu son nom. Aujourd’hui, la maladie de Parkinson est devenue le second trouble neurodégénératif le plus répandu après l’Alzheimer. Plus de 100 000 malades en France. Les causes de l’affection restent peu claires pour la science, et probablement renvoient à divers cas amalgamés sous ce nom. Paradoxalement, dès 1966 on constate que le tabagisme protège les fumeurs de Parkinson, qui réduisent de plus 50 % leurs risques d’en être atteints. Ce ne sont ni les toxiques ni le monoxyde de carbone dégagés par la fumée qui se trouvent être neuroprotecteurs, mais bien la nicotine contenue dans le tabac. Une étude montre d’ailleurs que les régimes riches en solanacées, des légumes contenant de la nicotine, préviennent aussi, à un moindre degré (autour de 20 %), du risque de Parkinson. Des recherches aux États-Unis, notamment du Pr Paul Newhouse, et en France à l’initiative du Dr Gabriel Villafane ont avancé sur les pistes mises en lumière depuis les années 1990'.

De cette vertu préventive de la nicotine, les chercheurs sont passés à expérimenter des traitements palliatifs par nicotine transdermique (en patchs) pour les malades de Parkinson au tournant du siècle. Avec un certain succès sur une maladie où les thérapies ne progressent que très peu. Le traitement à la L-dopa, un précurseur de dopamine pour compenser son déficit chez les malades, étant utilisé de longue date malgré ses effets secondaires pénibles aux dires des malades. En dépit de résultats encourageants, permettant notamment de baisser les doses des autres médications, les recherches sur les nicotinothérapies ne sont pas soutenues par le cartel pharmaceutique qui n’y voit pas de rentabilité financière intéressante. Les dogmes obscurantistes assimilant la nicotine au tabac, et donc au Mal, sont aussi des freins puissants chez les autorités médicales. Alors qu’il dispense des soins à plus de 1300 malades avec la nicotine, sous forme de patchs, la situation du Dr Villafane est aujourd’hui compromise à l’Hôpital Mondor de Créteil (France). Et le suivi des soins qu’il apporte à ses patients avec.

En 2013, sentant le vent venir, des malades créent l’Association Neurothérapie et Nicotine (A2N) dont est membre Corinne, alias Coco Dam sur les réseaux sociaux. Cette Grenobloise d’origine témoigne ici de son combat contre la maladie, contre les entraves à ses soins et aussi ses joies et ses victoires. Une usagère de nicotine d’un genre différent que le registre habituel de ce blog, mais à qui il m’a paru essentiel de donner la parole. Et hasard du calendrier, Corinne nous apprend, quasiment en primeur, que certaines choses se débloquent favorablement suite à la dernière rencontre ce 30 juin avec Benoît Vallet, Directeur de la direction générale de la santé (DGS)...
Salut Corinne. Tu es atteinte de la maladie de Parkinson, peux-tu expliquer quels troubles cela t’occasionne au quotidien?

Coco : Bonjour, voilà une entrée en matière directe! Avant d’être atteinte de Parkinson, j’étais très active. J’ai réussi à concilier mes études et mes quatre enfants. Ma première fille est arrivée dans les heures qui ont suivi mes écris de 4e année. Et j’ai eu mon cadet, le jour de remise de ma thèse à mon directeur. Ensuite, j’ai travaillé six ans puis la fatigue s’est installée. La marche où les pieds ne décollent pas du sol, une sensation de marcher avec des chaussures de ski. Chaque mouvement coûte de l’énergie comme si on a un sac de sable accroché au poignet.

On intellectualise chaque mouvement, car on sent chacun des muscles qu’on mobilise. Il y a aussi la perte des mimiques du visage. Ma sœur croyait que je lui faisais la tête. Par contre, j’ai quand même échappé aux rides! Alors, on compense. On use de stratagèmes pour pallier aux difficultés. Comme de sortir son porte-monnaie avant la caisse. D’autres signaux s’accumulent. Les enfants qui vous font répéter parce que vous n’articulez plus, votre copine qui vous offre des crocks pour qu’on entende moins vos pieds frotter au sol...

Puis un jour, impossible de finir de remuer une quiche. Là, j’ai dû consulter. Le neurologue m’a hospitalisé. Le chef du service m’a fait faire trois pas dans le couloir et a conclu que c’était psychosomatique. Finalement, je suis sortie avant le résultat du DAT Scan, mon dernier examen. Du coup, le neurologue m’a informé par téléphone que j’avais une Parkinson bilatéral de forme akinéto rigide, c’est-à-dire qui provoque la raideur et un ralentissement. Elle est moins connue que la forme tremblante. Voilà, j’ai appris ça comme ça, la veille de mes 37 ans. Je pense que je suis tombée sur un neurologue handicapé des relations humaines. Je te rassure, j’ai changé de neurologue!

Tu es relativement jeune. Comment concilies-tu tes activités avec ces troubles?

Coco : Les trois premières années, j’ai passé la plupart de mon temps dans le canapé. J’étais complètement HS. Aujourd’hui, j’arrive à assumer mon foyer avec mes quatre ados. Je suis maman à plein temps et je compte bien les mener tous quatre jusqu’à leur autonomie. Je peux passer la débroussailleuse dans le jardin. Bon, pas plus d’une heure... Mais quelle joie de le faire! Je joue aussi de la musique. J’ai appris à gérer ma fatigue, avec notamment une sieste par jour. Je le conseille à tout le monde. Là, je viens de me faire une rupture de tendon à la cheville due aux dystonies du Parkinson. Alors j’ai acheté un vélo d’intérieur et je pédale trois heures par semaine pour ma rééducation.

Il existe des traitements pour améliorer la situation des malades. Selon ton expérience, sont-ils efficaces?

Coco : Les traitements pallient le déficit en dopamine, mais ils ne guérissent pas. Je prends les mêmes que mon arrière-grand-mère au siècle dernier! La maladie évolue et alors s’ajoutent encore les effets indésirables des médicaments. Ces effets secondaires apparaissent après quelques années parce qu’on doit augmenter de plus en plus les doses. Ils sont vraiment très invalidants, comme des mouvements anormaux, de l’hypersexualité ou des conduites addictives au jeu, dont on ne parle pas pourtant certains malades ont tout perdu. Pour ce qui est de l’option chirurgicale, personnellement, je n’ai pas envie de me faire enfoncer des électrodes dans le cerveau. L’intervention dure huit heures en restant éveillée. Sans compter le risque opératoire. Quant à la thérapie génique, elle est loin d’être au point. Et il s’agit aussi d’une opération avec une injection dans le cerveau, près du tronc cérébral, je crois.

Et c’est aussi pour préserver une bonne qualité de vie que la nicotine peut être utilisée. Ce qui est ton cas. Quels constats fais-tu de la prise de nicotine sur ton état ?

Coco : J’ai été diagnostiquée en 2010 et j’ai commencé à prendre de la nicotine en 2012. Il a fallu quelques mois pour vraiment voir une amélioration. Ce qui est normal, car on commence avec des petites doses. J’avais donc un traitement médicamenteux pour ma maladie déjà depuis 2 ans et demi. Je suis sortie de mon canapé. Ma sœur ne croit plus que je lui fais la tête! Et je marche normalement… enfin, quand je n’ai pas un tendon pété! Il y a trois ans, ma neurologue a pu diminuer ma dose d’agonistes et depuis je n’ai pas modifié mon traitement. J’ai vraiment repris ma vie en mains.

Je n’ai pas une vie normale, mais une vie adaptée. Je peux faire des activités avec mes enfants sur des périodes de temps raisonnables. Ce que j’ai du mal à respecter, et parfois je le paye par des contrecoups. Mais j’arrive à oublier que je suis malade dans la journée et ça, c’est génial! Si tu me croises dans la rue, tu ne devines pas que je suis malade. Mais si je suis mal, je ne sors pas, il faut dire. Je fais partie des personnes chez qui la nicotine marche très bien. Je la supporte très bien aussi, même quand je suis montée à 63 mg de nicotine par jour.

Pourtant, le programme de thérapie avec la nicotine du Dr Villafane se retrouve fragilisé. Que disent les autorités sanitaires françaises à ce propos?

Coco : L’hôpital Henri Mondor de Créteil a brutalement décidé d’arrêter la nicotinothérapie et, il semblerait, aussi de se séparer du Dr Villafane en septembre prochain. Les patients ont vu leurs rendez-vous annulés sans consigne ni même d’indication de conduite à tenir. La plupart continuent la nicotine en auto-médication.

En août 2016, nous avions alerté la Ministre d’alors, Marisol Touraine. Devant son absence de réponse, nous avons fait une « opération patchs ». Des dizaines de lettres contenant un patch ont été envoyées au Ministère. Comme tu t’en doutes, tout leur courrier est passé aux rayons X et les patchs sont radio-opaques... Nous avons fini par avoir une réponse et un premier rendez-vous en janvier dernier avec Benoît Vallet, le Directeur de la direction générale de la santé (DGS). Suivi de deux autres rencontres, en avril et il y a tout juste quelques jours, le 30 juin. Jacques le Houezec nous a accompagnés à chaque rencontre en tant qu’expert scientifique sur la nicotine.

Benoît Vallet a sensibilisé les autres centres experts Parkinson à la situation des patients. Avec la possibilité pour le neurologue de prescrire la nicotine hors Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) dans un cadre compassionnel. Le dispositif devrait se mettre en place maintenant.

Par contre, il laisse à Martin Hirsch, Directeur de l’Assistance Publique et Hôpitaux de Paris (AP-HP), la gestion de la situation complexe à l’hôpital Mondor. La difficulté est qu’à l’heure actuelle seul le Dr Villafane sait manipuler la nicotine en thérapie pour le Parkinson. Nous sommes dans des dosages plus élevés et des manières d’administrer différentes que les consommations de nicotine courantes de fumeurs ou de vapoteurs.


D’ailleurs vous lancez un groupe Facebook « Parkinson Nicotine ». De quoi s’agit-il ?

Coco : Ce groupe a pour but de fédérer les patients sous nicotine. Nous sommes éparpillés dans toute la France et au-delà. Cela permettra de se tenir au courant et éventuellement de lancer des actions. Si la situation se débloque, j’ouvrirais le groupe à toute personne intéressée par le sujet, mais pour le moment cela reste un groupe « fermé ».

Merci. Veux-tu ajouter quelque chose?

Coco : Mon père est trachéotomisé suite à un cancer du larynx dû au tabac. Pour vous donner une idée, il parle en rotant. Alors je vous encourage tous dans vos démarches de défume avec la vape, et même si ça ne marche pas complètement de suite, même si vous rechutez, réessayez pour vous, pour votre santé. Votre corps est votre meilleur ami, il est avec vous de la naissance à la mort alors prenez en soin !



Commentaires

  1. Depuis que je me traite à la nicotine, tout mon entourage pense que je ne suis pas malade tellement je me sens mieux, un vrai miracle...

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  2. ou trouver un medecin a marseille qui prescrit les patchs pour parkinson?
    Merci

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    1. Bonjour, je ne sais pas vous renseigner. Vous pouvez essayer de contacter l'association Neurothérapie et nicotine dont le site est http://neuronicotine.eu/
      Ils sauront peut-être mieux vous aider que moi. En vous souhaitant le meilleur

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  3. umer tue. C’est écrit sur tous les paquets de cigarettes. Sans remettre en question la dangerosité avérée du tabac pour la santé, des chercheurs de l’Institut Pasteur de Paris viennent de découvrir, https://www.arsenevalentin.com/blog/la-nicotine-protege-contre-la-maladie-d-alzheimer-n19 contre toute attente, que l’un de ses composants, la nicotine, pourrait protéger contre la maladie d’Alzheimer.

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  4. Bonjour, je commence la nicotine en patch grâce à Carine
    Moi aussi atteint de cette maladie
    Moi j'ai 46 ans
    Ma question serait à quel dosage commencé
    Merci corine

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