"20%, 50% ou 100% d'augmentation": les associations doivent-elles collaborer à la taxe anti-vapoteurs européenne ?

Bien que déjà rejeté par 89,9% des participants en 2017, la Commission européenne DG Taxud revient à la charge cette année pour un projet de taxe anti-vapoteurs dans le cadre de sa révision des taxes tabac. Une consultation publique de quatre pages a été ouverte sur laquelle nous reviendrons prochainement. En parallèle, la Commission a mandaté un cabinet italien d'économistes pour évaluer la réaction des consommateurs face aux divers taux de taxes envisagées sur la vape. "Ce bref questionnaire sert à recueillir des informations pour une analyse du marché de l'e-cigarette et le possible impact d'un hypothétique régime de taxe harmonisé au niveau européen", explique la lettre d'Economisti Associati. Parmi les associations contactés pour servir de sondeurs bénévoles envers leurs membres, l'association Sovape, dont je suis membre, a signifié dans une réponse publique son refus de collaborer.

Questionnaire à sens unique

"Les orientations paradigmatiques qui sous-tendent votre questionnaire ne nous semblent pas appropriées pour permettre l’expression la plus précise et intelligente des intérêts de défenseurs d’une approche globale de réduction des risques qui caractérise notre association. C’est pourquoi nous avons décidé de ne pas répondre aux questions posées et de vous exposer nos motivations", fixe Sovape, dont le but annoncé est "développer, défendre et promouvoir une culture de réduction des risques et des dommages associés aux usages des produits fumés". Comment exprimer cette approche à travers un questionnaire dont le seul soucis est de trouver le point d'optimisation fiscale pour les recettes des Etats sur le dos des usagers?  

Le questionnaire d'Economisti Associati propose ainsi trois scénarios aux vapoteurs: 20% d'augmentation des prix par la taxation, 50% ou 100%. Mais sur quelle base infliger une surtaxe, en plus de la TVA déjà en place, aux vapoteurs? "Nous ne comprenons pas l’origine des taux de taxation évoqués pour un produit de consommation courante, ne contenant pas de tabac et n’ayant pas l’impact sanitaire négatif des cigarettes", s'étonne Sovape. Les taxes "comportementales", qui visent à punir les mauvais comportements, sont justifiées en économie par les conséquences négatives de la consommation des produits visés, comme par exemple le tabac. Mais quand le produit permet d'améliorer la situation sanitaire et souvent sociale du consommateur, le punir se justifie t-il ? Le sujet n'est pas même évoqué par le questionnaire.

Une Europe à l'italienne?

L'association relève que le questionnaire ne permet aucune évaluation de l'impact social de l'introduction envisagée de taxe contre le vapotage. Le niveau de revenu ou même celui d'étude ne sont pas même demandé aux participants. "Évaluer les effets d’une répression taxative d’une alternative à risque réduit devrait prendre en considération son impact en termes de justice sociale", remarque l'association. "Des situations dramatiques qui nous ont été rapportées de pays ayant mis en place des taxations anti-vape, nous inquiètent", insiste Sovape. Les effets bénéfiques sur la santé, et les coûts qui sont liés, de l'arrêt du tabagisme en passant au vapotage sont tout autant ignorés par le sondage destiné aux vapoteurs. 

"La population et l’économie de l’Union Européenne souffrent de maladies, parfois lourdement incapacitantes, liées au tabagisme. Elles souffrent également d’un ensemble de troubles psychiques, de manière plus ou moins prononcée, dont une partie peut être soulagée par la consommation de nicotine. A commencer par le plaisir et la détente que procurent sa consommation. Ce sont des aspects qui nous paraissent incontournables pour évaluer avec rigueur ce dossier. Leur absence nous surprend", récapitule l'organisation qui édite un bulletin auquel contribuent des scientifiques, des acteurs de santé, des professionnels indépendants et des usagers.

L'Union Européenne veut-elle protéger son tabagisme ?

"Le risque d’une perte de confiance du public sur les motivations des autorités à introduire des taxes comportementales devrait également être évalué en cas de taxe punitive contre un produit considéré par beaucoup comme une aide à la sortie du tabagisme", pique Sovape. L'association s'étonne aussi que le message implicite d'une taxation assimilant le vapotage aux produits du tabac ne soit pas évalué. "Une telle mesure risque fortement de brouiller une compréhension claire des niveaux de risques relatifs entre les produits, et de tromper le public en assimilant le vapotage aux véritables produits du tabac. Les messages de santé publique concernant le tabagisme pourraient s’en trouver minés"

En définitive, Sovape préfére ne pas jouer le rôle d'Huggy 'les bons tuyaux' pour la Commission européenne et regrette l'absence de thématisation de mesures "pour soutenir le report modal du tabagisme vers des solutions à risque réduit dans une logique d’empowerment des usagers par les usagers, à travers leurs organisations de réduction des risques". Les élites de l'Union Européenne semblent loin, très loin, de saisir la lame de fond qui anime le mouvement de réduction des risques qui parcourt leurs populations. Des lacunes inquiétantes avant la révision de la directive sur la taxation mais aussi à quelques mois du lancement de la révision de la directive sur les produits du tabac et connexes (TPD), dans laquelle le vapotage a été mis de force en 2014.

Un dossier à suivre de près...
Résultats de la précédente consultation publique en 2017 de la Commission DG Taxud sur une taxe anti-vapoteurs



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