[Media] Quatre ans après, l'arrivée de la Juul ultra-light est-elle un événement ringard?

Depuis plusieurs semaines, les médias mainstreams bombardent la Suisse d'articles sensationnalistes sur l'arrivée de la Juul. Une "tornade" va s'abattre sur le pays selon de la Tribune de Genève, tandis que le gratuit 20 Minuten a publié pas moins de six articles ces 3 dernières semaines sur la vaporette en forme de stick. La RTS, un autre média gratuit mais d'Etat, parle de "fureur" et "des craintes" de l'arrivée de la vaporette californienne.

 3 fois moins dosée qu'aux Etats-Unis

Aucun n'a pris la peine de se renseigner auprès de vapoteurs pour avoir une idée un peu plus éclairée que les fantasmes de politiciens en mal de buzz. Deux articles ont tout de même donné la parole à Jonathan Green, directeur Juul suisse. La NZZ commente tant et si bien que l'on ne sait pas ce qui appartient au représentant de Juul ou à la plume du journaliste.

Le 20 Minuten est plus clair précisant que la version vendue en Suisse est dosée à 17 mg/gr de nicotine*. Très loin donc de la version originale américaine concentrée à 59mg/ml (5% du poids). L'une et l'autre en sels de nicotine, c'est à dire de la nicotine extraite à laquelle est ajoutée un acide organique, comme l'explique le site de Stop-Tabac.ch.

*note : 17 mg/gr de nicotine soit 20mg/ml, édité grâce à Claude ;)

Le light reste dans l'obscurité

Y a t-il un intérêt à un produit ultra light dosé au tiers de sa version US? Celle-ci s'est montrée efficace pour tirer hors du tabagisme des fumeurs parce qu'elle est équilibrée entre un volume faible de vapeur et une concentration suffisante en nicotine. En version édulcorée, les utilisateurs de Juul ne vont-ils pas surconsommer pour compenser cette légèreté en nicotine, comme cela avait été imposé par les cigarettiers et les autorités de santé aux fumeurs avec les cigarettes lights? Sur ce point aussi, beaucoup de bruit et de fureur pour aucune information éclairante dans les médias conventionnels.

Beaucoup de bruit pour peu de vapeur

Mais, surprise positive hier avec un article de Nau, média en ligne suisse-allemand. Alexandra Aregger a fait le boulot basique de journaliste: elle a interviewé quelqu'un qui connait la question. Phil Scheck, vloggueur depuis sept ans et approchant les 100'000 abonnés, est un vapoteur expérimenté. "L'expert en vapotage trouve le battage médiatique autour de Juul injustifié", résume la journaliste.

"Phil Scheck a testé la Juul devant notre caméra: "C'est une vaporette comme il en existe des milliers d'autres." Son enthousiasme est limité. Parce que: "C'est très limité, ce n'est pas puissant, mais c'est beaucoup de marketing exploité", poursuit l'article accompagné d'une vidéo aux intonations "Schwyzerdütsch". "Il existe de bien meilleurs appareils sur le marché en Suisse", précise 'PhilGood'.

Un vieux produit plutôt dépassé

Quatre ans après sa sortie aux Etats-Unis, pays où tout développement technologique du vapotage a été gelé par la Food and Drug Adminsitration (FDA) à la date d'août 2016, la Juul apporte t-elle quelque chose dans cette version ultra-light? En appareil d'appoint discret pour des vapoteurs déjà sevrés? Peut-être... Mais comme le fait remarquer le Vaping Post dans son interview des représentants de Juul, lancée en France avec quelques jours de retard sur la Suisse, l'offre est déjà pléthorique sur ce segment. 

Avec notamment des appareils plus intéressants en étant rechargeables, ce qui laisse plus de maîtrise à l'usager pour choisir ses liquides (en goût et en dosage nicotinique). Reste le design de l'appareil. Ou pas.
Quand la page facebook pour ados du CHUV fait la promo d'un produit, ça sent le hasbeen

L'effet médiatique et de distribution

Le point positif pourrait être le réseau de distribution des kiosques Valora où va se trouver la Juul. De quoi offrir à des fumeurs rétifs ou éloignés de vapeshops l'opportunité à portée de main d'essayer un produit très simple d'usage. Peut-être ce premier test les amènera à chercher un produit plus efficace en magasin spécialisé ensuite? Le fameux effet commercial "du missionnaire" amenant les fumeurs à découvrir le nouveau mode de consommation à risque réduit de la nicotine. 

Commerce ou réelle mission anti-tabac ?

Reste la question qui dérange. Pourquoi Juul a décidé de ne pas commercialiser en Suisse la version américaine dosée correctement de son produit? Rien de formel ne l'empêche. Aucune décision administrative n'a été déposée par les autorités et contrairement à ce que prétend l'administration, le jugement du Tribunal administratif fédéral a abrogé la prohibition pour "faute grave", sans se prononcer sur la question du principe du Cassis de Dijon. Autrement dit, il n'y a aucune raison d'imposer aux Suisses la directive TPD dictée par les lobbys à l'Union Européenne. 

En suivant les préférences europhiles de l'administration, en dépit de l'absence de décision administrative qui serait contestable en justice le cas échéant, la marque américaine a clairement choisi de ne pas entrer en conflit avec celle-ci. Conflit qu'elle a probablement estimé peu profitable pour son image de marque. Mais qui laisse les fumeurs suisses avec un ersatz de Juul. 

Un choix politico-commercial peu raccord avec la mission prétendue et répétée à chaque interview des représentants de Juul d'aider un maximum de fumeurs à sortir du tabagisme. "Pour conduire les fumeurs vers des alternatives, la solution paraît évidente: élaborer une vaporette générant autant de satisfaction qu’une cigarette", expliquait James Monsees, cofondateur de Juul, lors d'une conférence TedX à Bruxelles en 2013. Difficile de croire que cette Juul allégée puisse le faire.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

La dernière de Macron : tenter d’interdire la vape avec arômes à l’échelle de l’Union européenne

Belgique: Les troupes de Maggie De Block vont-elles passer à tabac les vapoteurs ?

L’Alliance contre le tabac lance une opération troll durant les Jeux Olympiques pour 1,6 million d’Euros

Nombre de lectures