Covid et vape: une étude américaine très douteuse fait le buzz
Un sondage plutôt qu'une étude
13,7 % versus 13,1 % de tests positifs au Sars-Cov-2
[add 14-08-2020] "La proportion de personnes ayant donné un résultat positif était de 14 % chez les jamais-utilisateurs et de 13 % chez les personnes qui ont déjà utilisé une cigarette électronique. Plus de tests identifient plus de cas, mais les résultats de l’étude en fait ne suggèrent pas une augmentation du risque de Covid chez les utilisateurs de cigarettes électroniques", explique le Pr Peter Hajek, directeur de l’Unité de recherche sur la dépendance au tabac à l’Université Queen Mary de Londres sur le site du Science Media Centre UK. [/]
Le marketing vise d’autres objectifs que les études sur la santé
En premier lieu, le mode de recueil des données, par une entreprise spécialisée dans le marketing, n’est pas adéquat pour livrer une enquête de ce type. Les données indiquent un biais de sélection assez net. Par exemple, si les chiffres étaient représentatifs de la population alors cela signifierait que plus de 40 % des tests effectués à cette période (avant le 14 mai) aux États-Unis concernaient seulement les 13 à 24 ans. Ce serait très inquiétant pour les autres catégories d’âge, réputées plus sensibles au virus.
Ce biais de sélection semble fausser l’interprétation que donnent les chercheurs à leurs résultats à travers l’énorme écart du taux de test entre les différentes catégories (voir table 2 plus bas). Ce sont ces écarts de testing dans le panel sondé qui provoque les différences entre les groupes mises en avant par les chercheurs.
"La conclusion des auteurs est basée sur le diagnostic plus fréquent de Covid-19 chez les adolescents ayant vapoté une fois dans leur vie. Cependant, ils ont été testés de 3 à 9 fois plus souvent que le groupe contrôle [les jamais-utilisateurs]. Il n'y a pas eu de différence entre les tests (13.1% positifs chez les "vapoteurs" contre 13.7% chez les jamais-vapoteurs). Au moins, la question se pose pourquoi les "vapoteurs" ont été testés presque 10 fois plus souvent que les jamais-vapoteurs", remarque le Dr Bernd Mayer, de l'Université de Graz, sur son compte Facebook (en allemand, ma traduction).
Une présentation trompeuse des résultats
Une seconde raison est une incohérence majeure et inexpliquée par l’étude dans les données présentées. Dans les ratios de risque pondérés calculés par les chercheurs, les jeunes qui ont déclaré avoir vapoté dans le mois précédent ne présentent pas un risque significativement supérieur, contrairement à ceux qui ont vapoté une fois dans leur vie il y a au moins plus d'un mois.
« L’usage à vie, mais pas celui courant, du vapotage lié à la Covid-19. C’est comme dire qu’avoir mangé une fois dans sa vie du bacon, mais pas si c’est au quotidien est lié à l’obésité ! », ironise le Dr Konstantinos Farsalinos, de l’Université d’Athènes dans un tweet, commentaire plus développé sur son Facebook.
Ever (but NOT current) vaping linked to COVID-19. Similar to saying that ever (but not daily) eating bacon is linked to obesity! The study also suggests that approx 40% of all US diagnostic tests for COVID until May 14 were performed in 13-24 year olds!! https://t.co/osyUC8HbKh
— K. Farsalinos (@FarsalinosK) August 12, 2020
L’échantillon étant faible, la fourchette de risque avec un indice de confiance correct (à 95 %) pour ceux qui ont utilisé le vapotage dans le mois précédent s’étale de 0,77 à 4,73 fois le risque des jamais utilisateurs. Par contre, ce ratio de risque est plus élevé parmi les double-usagers (cigarette et vapotage) allant de 1,98 à 24,55 fois le risque des jamais vapoteurs. Il n’est pas cohérent d’accuser le vapotage d’être la cause du risque alors qu’un usage plus récent montre un ratio de risque plus faible qu’un usage qui remonte à plus d’un mois minimum.
L’absence de recherche de co-facteurs potentiellement confondants
Les incohérences auraient dû pousser les chercheurs, s’ils étaient vraiment intéressés par une démarche de connaissances scientifiques, à interroger les jeunes sur leurs pratiques sociales, pour corréler ou décorréler celles-ci des risques d’infection. Sur les 15 questions du sondage, une seule formulée de manière vague concerne s’ils ont suivi ou non les mesures de protection en place. Ce qui est très flou dans l’état de communication des autorités sanitaires américaines.
Au cas où les auteurs donnent accès aux données de manière plus transparente, d'autres analyses plus précises pourront être formulées. Mais en première lecture, cette publication n'est pas digne de confiance sur les conclusions qu'elle affirme sans fiabilité ni clarté. Elle ressemble plutôt à une pièce d'une opération de communication politicienne pour faire pression sur la Food and Drug Administration (FDA) dans le contexte américain de mise en place d'une quasi-prohibition du vapotage.
En résumé :
- L’étude publiée est de très mauvaise qualité. Son recueil de données confié à une entreprise de marketing n’est pas adéquat à une recherche de ce type, et a produit des données non représentatives au propos.
- La présentation des résultats est tendancieuse, puisqu’elle masque l’absence de sur-risque d’être infecté au Sars-Cov-2 entre les différents groupes de jeunes testés.
- Les sous-groupes sont de dimensions si restreintes que les ratios de risques à un indice de confiance suffisant ont une énorme fourchette.
- Les co-facteurs de risques, notamment des activités sociales des jeunes n’ont pas du tout été prises en compte. Ce qui est simplement ridicule pour une étude sur le sujet.
- Le plan de médiatisation me donne la sale impression que l’étude est une simple pièce pour une opération de comm' politique.
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