Consultation TPD : Plainte contre les manipulations du questionnaire de la Commission

Au moins une plainte a été déposée contre le questionnaire de la Commission européenne concernant « l’évaluation du cadre législatif pour la lutte antitabac » ouvert jusqu’au 16 mai prochain. « Le formulaire ne donne pas aux citoyens une chance équitable d’exprimer leur point de vue. Il est extrêmement biaisé de manière évidente », explique Markus Lindblad, responsable de la communication du groupe Haypp, au site suédois Vejpkollen. La Commission européenne n’a pas répondu à nos questions sur le traitement et les suites de cette plainte, tandis que la Médiatrice européenne nous a expliqué la démarche à suivre pour la saisir. 

Ce questionnaire est la dernière occasion pour la population de s’exprimer avant les propositions de la Commission européenne de révisions de la directive TPD, qui régit les produits du tabac et le vapotage au niveau de l’Union européenne, annoncées à l’automne. Jusqu’ici la participation à la consultation est faible, avec moins de 10 000 réponses, alors que plus de 24 000 Européens avaient participé au précédent volet. Pour comparaison, plus de 37 000 Européens avaient répondu à l’enquête de l’European Tobacco Harm Reduction Advocates (ETHRA), organisée sans budget et en toute indépendance des autorités européennes. Cela laisse songeur sur la représentativité et la légitimité de la Commission. 

Un questionnaire biaisé comme dernière occasion de s’exprimer

La plainte contre le questionnaire de la Commission du groupe Haypp, vendeur en ligne nordique de produits nicotinés sans fumée, dénonce ses amalgames abusifs entre cigarettes et produits à risques réduits, tels que les nicotine pouches, et les implicites orientés des questions. Les formulations « expriment des prémisses sous-jacentes qui peuvent manipuler les croyances, les attitudes ou les actions des gens », souligne la plainte déposée auprès de la Commission.

« Les questions concernant les nouveaux produits nicotinés sont loin d’être neutres. Le questionnaire postule que les nouveaux produits nicotinés sont “une menace pour la santé publique” et demande ensuite comment la réglementation devrait contrecarrer la “menace”. Il ne demande pas si cela est perçu comme une menace, ou si la législation actuelle fonctionne bien. Inventer “une menace” de cette manière et la présenter en fait indiscutable est un signe clair de propagande », explique Markus Lindblad à Vejpkollen, le site suédois sur la réduction des risques.

La Médiatrice peut enquêter si le plaignant a déjà interpellé la Commission

La Commission européenne n’a pas daigné répondre à nos questions, envoyées par mail, concernant la suite qui sera donnée à la plainte. 

« Le public est en droit d’attendre un service de qualité et une administration ouverte, accessible et gérée correctement. Un service de qualité implique que la Commission et son personnel fassent preuve de courtoisie, d’objectivité et d’impartialité », Code de bonne conduite administrative annexé au Règlement intérieur de la Commission européenne.

De son côté, le bureau de la Médiatrice européenne nous explique ne pas pouvoir intervenir dans le déroulement d’une consultation en cours. Cependant, « si vous considérez que la consultation ne répond pas aux règles de bonnes pratiques administratives vous pouvez déposer une plainte sur le lien suivant: https://www.ombudsman.europa.eu/fr/home Veuillez noter cependant, que la Médiatrice ne peut enquêter que si le plaignant a au préalable soulevé la question auprès de l’organe concerné (dans ce cas, la Commission) », nous précise le bureau de la Médiatrice [notre emphase].

Pour déposer plainte

En principe donc, les participants qui ont signalé leurs critiques des biais du questionnaire dans le court espace réservé à un commentaire en fin de consultation, pourraient saisir la Médiatrice. Indépendamment d’une réponse au questionnaire, il est aussi possible de déposer une plainte à la Commission concernant une mauvaise conduite administrative :

  • soit en ligne sur la page dédiée
  • soit par mail à SG-Code-de-bonne-conduite@cec.eu.int
  • soit par lettre adressée au : Secrétariat général de la Commission européenne, Unité SG/B/2 « Transparence, accès aux documents, relations avec la société civile », rue de la Loi 200, B - 1049 Bruxelles [fax (32-2) 296 72 42]. 

À propos des plaintes, le Règlement intérieur de la Commission prévoit que le « directeur général ou chef de service répond au plaignant par écrit dans un délai de deux mois. Le plaignant dispose alors d’un délai d’un mois pour solliciter auprès du secrétaire général de la Commission le réexamen de sa plainte. Le secrétaire général répond à cette demande de réexamen dans un délai d’un mois ».

Consultation ou manipulation publique ?

Questions biaisées, amalgames douteux et implicites manipulatoires. Le dernier volet de la consultation publique de la Commission européenne avant ses propositions de révisions de la directive TPD, concernant le tabac et le vapotage, atteint des sommets en matière de manipulation, notamment dans la version réservée aux citoyens. En effet, de manière inédite, le dispositif impose des questionnaires distincts selon le statut des répondants. Ce traitement différencié est douteux, mais ce n’est pas le pire.

« Nous pensons que le terme de “propagande politique” décrit correctement le questionnaire », souligne la plainte déposée par le groupe Haypp. Qui rappelle que la « propagande est l’effort systématique pour manipuler les croyances, les attitudes ou les actions d’autrui au moyen de symboles (par exemple, des mots). L’accent mis sur la manipulation distingue la propagande de la conversation informelle ou de l’échange libre et facile d’idées. Les propagandistes ont un objectif précis ou un ensemble d’objectifs ».

Manque de transparence et infiltration

Au-delà du groupe Haypp, les critiques du caractère manipulatoire du questionnaire de la Commission sont nombreuses sur les réseaux sociaux. En parallèle, la Médiatrice vient de publier ce 19 avril une lettre adressée à la Commission. Ses conclusions préliminaires d’une enquête menée depuis 2021 déplorent le manque de transparence des contacts entre les services de la Commission avec l’industrie du tabac. 

Une autre affaire, révélée par l’European Tobacco Harm Reduction Advocates (ETHRA) en février, n’a de son côté reçu que peu d’attention. Elle est pourtant très problématique, puisqu’un contrat avec un consortium, concernant le travail d’élaboration des politiques antitabac de la Commission, impliquerait, sans le mentionner dans le contrat publié par l’HaDEA, des parties liées financièrement à des intérêts politiques partisans, extraeuropéens, et en affaire avec des pays détenant des cigarettiers. Mais cette infiltration discrète au sein même du travail de la Commission n’a pas pour le moment éveillé la curiosité.

Références :

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