A Zurich, 0,06% des adolescents vapotent quotidiennement, la NZZ hurle à la catastrophe
Hier, la NZZ a titré « le boom de la nicotine dans les écoles à Zurich ». L’article repose sur une étude, publiée en juillet dans Pediatric Pulmonology, de qualité si médiocre que j’avais abandonné le projet d’en parler. Mais même de faible qualité, l’enquête LuftiBus in the school (LUIS), menée de 2013 à 2016 dans 37 écoles du canton de Zurich, ne livre pas du tout des données validant le message de la NZZ. Cependant, il faut farfouiller dans les données complémentaires de la publication pour en savoir un peu plus que l’attrape clic mis en avant par les auteurs et la NZZ.
L’enquête n’a pas discriminé vapotage avec ou sans nicotine
L’enquête a interrogé 3488 écoliers, dont 1905 de 6 et 12 ans et 1583 de 13 à 17 ans. Le questionnaire a notamment demandé aux adolescents s’ils ont au moins une fois dans leur vie « fumé une e-cigarette ou une e-chicha (avec ou sans nicotine) ». Outre le terme ambigu de « fumer » (geraucht), la question vise l’expérimentation et, surtout, le contenu de la parenthèse est important. Sa précision interdit de conclure que les réponses correspondent à une consommation de nicotine comme le titre la NZZ.
Quiconque a contact avec des adolescents sait qu’une part importante expérimente le vapotage par curiosité, pour donner le change face à leurs amis, ou par inclinaison à tester l’interdit. L’extrême majorité le fait ponctuellement et sans nicotine. Amalgamer cette expérimentation du vapotage à une consommation dépendante de nicotine est au mieux une erreur stupide, ou un mensonge malveillant. C’est pourtant ce qu’a fait la NZZ, une vieille habitude chez eux.
Un seul jeune déclare vapoter au quotidien dans toute l’enquête
Malgré la publication très partielle des données, on peut trouver deux éléments plus éclairants dans l’étude, et ses données complémentaires (en particulier l’E-Table 3), pour déchiffrer ce qui se passe réellement. Le premier concerne l’usage fréquent. Parmi les 1583 adolescents de 13 à 17 ans sondés, il y a 10 jeunes qui vapotent au moins une fois par semaine, soit 0,69 % des 13 à 17 ans. Et parmi eux, un seul déclare vapoter quotidiennement, soit 0,06 % des 13 à 17 ans. (Précisons, il n’y en a aucun chez les moins de 13 ans)
L’enquête a malheureusement un panel extrêmement réduit du groupe d’âge de 17 ans. Ce qui a obligé les chercheurs à regrouper les 93 adolescents de 16 et 17 ans pour avoir un chiffre statistique. Un nombre qui ne permet pas de conclusions solides. Il y a là un gros problème de conception de la recherche.
Avec la prudence qui s’impose, les données sur les 16-17 ans montrent :
- 25 % ont essayé la cigarette, 14 % fument occasionnellement et 15 % fument quotidiennement ;
- 35 % ont essayé la vape, 8 % vapotent occasionnellement et 0 % vapotent au quotidien (Note : le seul vapoteur au quotidien de toute l’enquête était âgé de 15 ans).
Il est surprenant que les chercheurs et la NZZ sonnent l’alarme sur le vapotage, sans savoir s’il contient ou non de la nicotine, et alors que son usage quotidien est quasi nul. Tandis qu’ils ne semblent pas très inquiets des 29 % de 16-17 ans qui fument. Qui fument de « vraies » cigarettes, avec le monoxyde carbone et les goudrons. Et dont 69 % des jeunes qui en essaient une deviennent consommateurs à long terme. Allô ?!
Le discours de la passerelle, mais des indices de détournement
Pourtant, l’essentiel du papier publié par les chercheurs et le message repris par la NZZ est consacré à la terrible menace du vapotage et en particulier d’un présumé effet passerelle vers le tabagisme adolescent. Le problème à la lecture du papier, c’est que la très longue et laborieuse litanie des auteurs sur ce soi-disant effet passerelle n’est pas illustrée par leurs propres données.
En premier lieu, leur étude n’est pas un suivi longitudinal des élèves. Mais plus que cela, on peut voir que 41 % des 15-17 ans qui ont expérimenté le vapotage n’ont jamais essayé de fumer une cigarette. Cela représente 16 % de l’ensemble des 15 à 17 ans de l’enquête. Ce n’est pas conclusif, mais c’est un sacré indice pour prospecter sur un possible effet de détournement de la cigarette grâce au vapotage chez les adolescents. A l’opposé de l’idéologie préétablie à laquelle s’accrochent les auteurs et la NZZ.
Presque failli être intéressant
La recherche est médiocrement conçue et l’interprétation inepte. Point qui aurait pu être positif, les auteurs ont tenté d’évaluer le facteur du tabagisme parental (mais pas celui des amis). Un facteur de risque ignoré par les études américaines, référencées sans avoir été correctement lues par les auteurs zurichois, qui prétendent montrer l’effet passerelle du vapotage vers le tabagisme.
On peut voir que le tabagisme fréquent du père ou de la mère augmente significativement la proportion de fumeurs ou vapoteurs occasionnels ou fréquents chez les adolescents zurichois. Mais les auteurs n’ont pas présenté les données de manière claire en distinguant les différentes catégories de consommation des adolescents, ce qui rend la donnée peu utile.
Par pitié, les jeunes : éduquez vos pédiatres !
Dans l’ensemble, le travail n’a pas pris conscience des différences de signification entre les usages. La vape occasionnelle notamment n’est pas comprise comme une possible manière d’éviter la cigarette. L’a priori de l’interprétation et de la présentation des données sont pris dans un cadre hermétique de 'tout est tabagisme', sans aucune intelligence des pratiques. La lecture du travail est assez déprimante sur l’incapacité de professionnels de santé à comprendre leurs patients adolescents.
Une seconde partie du travail présenté analyse les ratios de risques de maladies respiratoires en fonction des données sur les consommations de cigarettes, vape et chicha. Mais comme cette première partie n’est pas maitrisée, la seconde est assez inintéressante à discuter. Elle amalgame de manière infondée les quelques vapoteurs aux statistiques concernant les fumeurs.
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