#COP9 Comment Bloomberg et l'OMS se sont tirés une balle dans le pied aux Philippines
Inattendu. En ouverture de la COP 9 anti-tabac, le discours de Teodoro Locsin, Secrétaire d’État et chef de la délégation des Philippines, insiste sur l’importance de donner accès au vapotage aux fumeurs. « Nous reconnaissons les différences fondamentales entre les différents produits de tabac et de nicotine », déclare-t-il dans sa courte allocution aux délégués de la Convention-cadre pour la lutte anti-tabac (CCLAT) le 8 novembre. Anticipant ainsi la légalisation, avec interdiction de vente aux mineurs, du vapotage aux Philippines, dont le projet de loi est en 2e lecture au Sénat (projet 2239).
Pourquoi favoriser les États -cigarettiers ?
Teodoro Locsin précise que le vapotage serait taxé aux Philippines. Mais en proportion de ses risques réduits par rapport aux cigarettes. « Il n’y aura ni prohibition ni fiscalité extrême. Les interdictions ne feraient que pousser les opérateurs dans la clandestinité et la contrebande. Cela enrichirait davantage les pays qui ont fait du tabac un monopole d’État. Pourquoi permettrions-nous cela ? », se permet de tacler le Secrétaire d’État aux Affaires étrangères, repris par la presse locale. Les États -cigarettiers concernés se seront probablement reconnus.
Fureur chez Bloomberg
En tout cas, sa déclaration a déclenché la fureur d’influenceurs financés par le milliardaire Bloomberg. « Les déclarations du secrétaire Locsin à la COP 9 font écho aux faux récits colportés par les compagnies de tabac. Ces récits vont à l’encontre de l’opinion médicale et scientifique écrasante sur les dommages réels des vapes et des cigarettes-électroniques », déclare Sophia San Luis, directrice d’ImagineLaw et bénéficiaire de plusieurs financements par Bloomberg Philanthropies et Vital Strategy appartenant toutes deux à Bloomberg, au média Vera Files, lui-même financé par Bloomberg Philanthropies.
Le lendemain, le Département de la Santé (DoH) publiait un communiqué non signé pour se distancier. Le DoH reproche à Teodoro Locsin d'avoir souligné que les taxes perçues sur les ventes de tabac contribuent à l'action de l'Etat, y compris pour des programmes sociaux et sanitaires. J'ai aussi tendance à y voir du cynisme. Cependant, ce sont bien la CCLAT et l'OMS qui promeuvent les taxes sur le tabac, en faisant miroiter des rentrées d'argent aux Etats.
Pour le DoH, la délégation philippine à la COP 9 a décrit « les produits de vapotage et les produits de tabac chauffé comme “salutaires” et “source de bien” ». Le communiqué du DoH s’y oppose. « Le DOH a ajouté que donner des informations trompeuses qui diluent les risques des produits du tabac et une reconnaissance indue aux industries du tabac, y compris celles des produits de vape et des produits de tabac chauffé, est préjudiciable », précise le communiqué parlant du DoH à la troisième personne.
En sens inverse, Deogracias Victor Savellano, vice-président de la Chambre, et Ace Barbers, représentant de Surigao del Norte, ont regretté les « critiques extrémistes » et félicité Teodoro Locsin d’avoir adopté une position « équilibrée et fondée sur des preuves », selon le Manilla Bulletin.
Appel à l’inclusivité des débats à la CCLAT
A la COP 9, Teodoro Locsin a également appelé les États membres à « retrouver l’élan » de la lutte contre les méfaits du tabagisme en tenant compte des « évolutions et des recherches scientifiques ». Le Secrétariat de la CCLAT ayant fait le forcing pour repousser à la prochaine COP les discussions sur les produits à risque réduit, Teodoro Locsin se dit impatient d’aborder le sujet à la COP 10.
« Ces questions complexes exigent la participation active de toutes les parties et des consultations inclusives avec toutes les parties prenantes. Et nous voulons bien dire tout le monde », a insisté le Philippin. Semblant appeler à ouvrir la porte aussi bien aux usagers concernés qu’aux producteurs de produits à risque réduit, actuellement exclus des débats de la COP 9. Au contraire de 17 pays, dont la Chine, l’Inde, le Japon et la Thaïlande, participant à la COP 9 et qui détiennent des cigarettiers, et d'autres pays grands producteurs de tabac, comme le Brésil.
Trajectoire d’une balle dans le pied
La déclaration du représentant des Philippines peut surprendre en regard de la situation qui régnait encore dans l’archipel il y a à peine deux ans. En novembre 2019, le Président Rodrigo Duterte insultait les vapoteurs, menaçant de les tuer et ordonnait leur arrestation. En 2016, le despote avait déjà déclenché un massacre, de près de 30 000 personnes selon France Inter, au nom de la lutte contre la drogue.
Le faux bébé vapoteur de Ranti Fayokun
Cependant cette fois, les forces de police interprétèrent avec plus de distance le mot d’ordre du dirigeant, peut-être en perte de crédibilité. Il y eut des arrestations, mais le pire était évité. C’est à ce moment-là que Ranti Fayokun, cadre de l’Initiative sans tabac (TFI), le département anti-tabac de l’OMS financé par Bloomberg, intervint devant un comité du Sénat philippin.
Ce 10 décembre 2019 au slide 33 de sa présentation, Ranti Fayokun montre deux photomontages bidonnés comme « preuves » que l’industrie de la vape vise à pervertir les enfants. Un Sénateur est horrifié par la photo montrant un bébé en train de vapoter. Il fait une recherche sur internet avec son smartphone et découvre rapidement que c’est un photomontage ayant provoqué une controverse.
Confiance brisée
Face aux questions du Sénateur, Ranti Fayokun réaffirme la véracité des images pourtant bidonnées, avant de se perdre en explications incompréhensibles. La santé des « fumeurs n’est pas mon souci », fini par asséner la cadre de l’OMS. L’épisode est un tournant. Les élus viennent de perdre confiance dans le discours anti-vape des autorités de santé. À partir de ce moment-là, ils vont vérifier leur déclaration.
Par ricochet, un nouveau rebondissement survient en octobre 2020. La Sénatrice Estrellita Suansing a remarqué que le site d’une des organisations de Bloomberg annonce financer les autorités de santé des Philippines. Un tel financement d’organisme d’État par des organismes privés étrangers est formellement interdit par la loi philippine. La Sénatrice décide d’interroger l’administration.
L’administration prise la main dans le pot de Bloomberg
La session du 8 octobre 2020 en visioconférence entre Sénateurs et les fonctionnaires de la Food and Drug Administration (FDA-Ph) commence de manière surréaliste. Les fonctionnaires bloquent la diffusion des images et refusent de donner leurs noms. Les Sénateurs n’entendent que leurs voix anonymes. Estrellita Suansing questionne tout de même : est-il exact que la FDA-Ph a reçu des financements de la part de groupe privés étrangers ? « Dans un premier temps, les agents de la FDA, que le compte-rendu de séance n’a pas identifiés, nient avoir reçu des fonds », relate l’Inquirer du 14 octobre 2020.
Mis face aux documents montrant le financement de la FDA-Ph par Bloomberg et l’Union, une organisation basée à Paris et passée aux mains du milliardaire, les fonctionnaires finissent par admettre. Devant la commission d’enquête du Congrès le 16 mars 2021, ils avouent non seulement être financés par Bloomberg et l’Union depuis 2016, mais ils expliquent aussi avoir obéi aux directives des organisations contrôlées par l’affairiste.
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