Le cynisme tabagique d'Alain Berset se fait allumer en Suisse-alémanique
«Trop
c'est trop». Daniel Rico, du
magasin E-Smoking,
ne tient plus. Dans
une lettre
ouverte
au
Conseiller fédéral Alain Berset, il hurle son exaspération devant
le «scandaleux
cynisme»
de
l'interdiction de vente des liquides de vapotage nicotinés
en
Suisse. Alors que le tabagisme fait des ravages, le rapport
scientifique
du
Collège Royal des médecins britannique estime à au moins 95% la
réduction des méfaits du passage au vapotage pour les fumeurs.
Ignorant
les faits scientifiques,
la Suisse reste le dernier pays prohibitionniste
d'Europe de l'ouest. La Confédération protège t-elle les 2,2 milliards de FS que lui procurent par an les taxes sur le tabac? Toujours est-il qu'en
novembre dernier, l'Office de sécurité alimentaire et vétérinaire
(OSAV) a officialisé cette prohibition, jusque-là sans base, par
une décision de portée générale. Une interdiction qui a largement empêché les fumeurs suisses de passer au vapotage.
Il
court, il court, le recours
Daniel
Rico, en
tant que professionnel,
a
alors déposé un recours
au
Tribunal administratif fédéral (TAF) contre
cette
interdiction.
Tout comme Stephan Meile de la société Insmoke et président de la Swiss Vape Trade Association (SVTA), ainsi que l'association indépendante d'usagers Helvetic Vape (HV). En mars, le tribunal déboutait l'association des vapoteurs au motif de «l'absence d'un intérêt digne de protection». La juge Caroline Bisseger estime dans son arrêt que la décision de prohiber la vente de liquides nicotinés ne porte pas préjudice aux usagers helvètes car elle «ne modifie en rien la possibilité d'importer et/ou d'utiliser, à des fins privées, des produits de vapotage contenant de la nicotine». Autrement dit, cette liberté des citoyens suisses serait garantie par le bon vouloir des pays étrangers à leur fournir des liquides nicotinés… Une conception originale du droit des citoyens. Dont la liberté d'importer de liquides se trouve précarisée par les récentes réglementations européennes et américaines.
Tout comme Stephan Meile de la société Insmoke et président de la Swiss Vape Trade Association (SVTA), ainsi que l'association indépendante d'usagers Helvetic Vape (HV). En mars, le tribunal déboutait l'association des vapoteurs au motif de «l'absence d'un intérêt digne de protection». La juge Caroline Bisseger estime dans son arrêt que la décision de prohiber la vente de liquides nicotinés ne porte pas préjudice aux usagers helvètes car elle «ne modifie en rien la possibilité d'importer et/ou d'utiliser, à des fins privées, des produits de vapotage contenant de la nicotine». Autrement dit, cette liberté des citoyens suisses serait garantie par le bon vouloir des pays étrangers à leur fournir des liquides nicotinés… Une conception originale du droit des citoyens. Dont la liberté d'importer de liquides se trouve précarisée par les récentes réglementations européennes et américaines.
Extrait du guide fait par Helvetic Vape |
Depuis
mars,
les deux
recourants professionnels
attendent et
les
vapoteurs se démerdent.
Tandis
que
les
fumeurs continuent de mourir.
A
raison de 26 par jour, 9'500
par an.
Le
quart
de la population fume des
cigarettes en
vente libre avec
leurs 7000 substances toxiques dégagées dont 69 reconnues
cancérigènes. Pourtant,
au
moins 57%
des fumeurs
helvètes
ont
déjà
tenté
sans réussite de
se libérer
de cette addiction.
"Or
à présent, nous avons l'e-cig, ou
plus
exactement
le vapotage. Il est prouvé que ce produit est extrêmement moins
dangereux que le tabac fumé. Il
est
clair
qu'il offre
les
meilleures
chances
de sevrage tabagique et une vie plus saine aux
fumeurs qui passent au vapotage»,
explique
Daniel
Rico.
Hypocrisie
tabagique
Alors
qu'est-ce qui coince? Au
parlement, lors des débats sur le projet de Loi sur les produits du
tabac (LPTab), Alain
Berset
a assuré
qu'il n'y
aurait
pas de base légale pour légaliser la vente des liquides nicotinés
actuellement. Pourtant,
ceux-ci
ont été
interdits
sur la base d'une simple lettre (n°146)
de l'Office
fédéral de la santé publique, qui
elle-même se
réfère à
l'article 37 §3 de l'Ordonnance sur les denrées alimentaires et
produits usuels (ODAIOUs). Lors de sa
révision en
2005, le Conseil fédéral y
a
mentionné
la nicotine dans les substances interdites d'être
ajoutées
aux objets usuels entrant en contact avec les muqueuses. L'ajout
de
cette mention a tout du
bricolage à
la va-vite contre
l'apparition des
premières vapoteuses en Suisse
cette année-là,
selon le site de l'OFSP.
Dans
son avis de droit sur
la question,
Maître
Denis
Roulet,
du
cabinet BRS de Genève,
estime que cette mention, relevant d'une norme primaire, ne pouvait
être ainsi
ajoutée
arbitrairement par le Conseil fédéral. Par ailleurs, les technocrates chargés de la bricole n'ont
pas
exempté
les produits du
tabac de cet article. Rendant,
au moins virtuellement,
les cigarettes, cigares et compagnie passibles d'interdiction en
tant que
produits contenant de la nicotine en contact avec les muqueuses. On
peut imaginer la tête d'André Calantzopoulos, le PDG de Philip
Morris, si sa
nouvelle Marlboro iQos n'avait
pu profiter de la répression du vapotage lors de son lancement il y
a un an… Évidemment, personne n'a entrepris de
démarche en
ce sens.
Outre
l'interprétation des lois par l’exécutif
en faveur des produits les plus toxiques vendus par les
multinationales cigarettières, Daniel Rico pointe l'hypocrisie des
services du Conseiller fédéral. L'OSAV
prétend,
en s'appuyant sur l'article 19 de la Loi sur les entraves techniques
au commerce (LETC), qu'il est habilité à prendre une «mesure de
protection d'intérêt public prépondérant». Mais quelles sont les
éléments d'évaluation présentée
par
la bureaucratie bernoise pour la
justifier?
A notre connaissance, aucune étude, aucun
rapport
scientifique ni évaluation objective n'a été entrepris depuis 2005
par les autorités sanitaires sur la question. Pire, tenu informé
par Helvetic Vape de la parution du solide
rapport
scientifique du Public Health
England à l'été 2015, Pascal Strupler, directeur de l'OFSP,
s'était fendu d'une réponse d'un cynisme effarant
jugeant «problématique» de risquer de réduire par vingt la
mortalité liée à la consommation de nicotine.
Marlboro
rules
Alain
Berset suit donc ouvertement une politique du
deux poids, deux mesures. Laisser
libre cours aux produits les plus toxiques vendus par les
multinationales cigarettières et interdire les produits à risques
réduits de firmes indépendantes. L'interdiction de vente du Snus
réitérée la semaine dernière par l'OFSP confirme cette approche
condamnant
les consommateurs
de nicotine aux produits les plus délétères. Pourtant
les succès des politiques s'appuyant sur les moyens de réduction
des méfaits sont là. Le
Royaume-Uni en s'appuyant sur le vapotage a fait dégringolé sa prévalence tabagique à 17,5%. Une baisse de plus de 20% qui, à l'échelle helvétique, aurait permis à
350'000 fumeurs de se sevrer si Alain Berset suivait une politique
sociale pragmatique sur le sujet. Même
le
cabinet
d'évaluation BASS a estimé très «prudemment», selon ses propres termes, que la
légalisation des liquides nicotinés ferait baisser la prévalence
tabagique d'au moins 2,2% à court terme en Suisse.
La
filière Suisse du cancer
Mais
pourquoi la
Suisse suit-elle
une
politique aussi
nocive?
Daniel Rico pointe un conflit d'intérêt massif
et généralisé
dans le domaine de la santé publique: l'influence manifestement
toxique de l'industrie du
médicament.
«Notre Pharma
Suisse
fait une
grande partie de son
chiffre d'affaires grâce
aux maladies pulmonaires chroniques (BPCO),
aux
cancers
et toutes
les autres séquelles
du
tabagisme.
L'influence de l'industrie pharmaceutique sur la politique est de
taille, nous le savons tous», précise
t-il.
Les
enfants en otages
Une
stratégie d'influence commune lie
les
lobbys du tabac, de la pharma et du secteur puritain «anti-tabac».
Le
Pr Jonathan
Adler, qui enseigne le droit à l'Université de Case Western, a
analysé cette alliance malsaine des «trafiquants et des abstinents» aux
Etats-Unis -
«the
baptists and bootleggers coalition» -. Au
niveau de l'Union Européenne, le
magazine Vox Pop d'Arte
a aussi
mis
en évidence en
mars
cette
convergence d'intérêts
contre
la vape lors de l'élaboration de la Directive l'assimilant aux
produits du tabac.
En page 62 de Raisons de Santé 67. CT = cigarette CE= vape |
En
Suisse aussi, cette
alliance
grise
tacite
s'est
constituée.
Dans les médias, elle aime
agiter
le
risque «d'épidémie nicotinique» des
enfants par
le vapotage.
Quel parent ne serait
pas terrorisé
par
ces invocations répétées en boucle?
L'Institut universitaire de médecine sociale et préventive (UIMPS) de Lausanne
a ainsi joué sur
ce registre de la paranoïa dans
la
médiatisation d'une de ses études. Notamment
au quotidien romand le Matin et par la voix de Corine Kibora d'Addiction Suisse dans le
magazine de la Migros.
Pourtant, à sa lecture on
ne trouve
strictement
aucun
jeune initié
au
tabac par la vape. Au
contraire plusieurs expliquent
s'en
être
sorti
avec
son aide. Pire, l'exemple
d'une
jeune femme de 20 ans fumant deux paquets par jour mais
ayant
réussi à se sevrer durant trois semaines grâce
au vapotage. Avant
de craquer et retomber dans la
clope
sous la pression de ses amis et des médias l'effrayant
à propos du vapotage.
De quoi s’interroger sur l'éthique des chercheurs de
l'IUMPS ayant
reproduit ce schéma mensonger
de
propagande de la peur.
La
normalisation du non-tabagisme
La réalité est pourtant claire. Que ce soit en France, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, le tabagisme adolescent a chuté de 30 à 40% depuis l'arrivée du vapotage. Une nouvelle étude, publiée dans Tobacco Control, sur 15'000 lycéens américains livre la raison majeure de ce phénomène de protection contre le tabagisme par le vapotage adolescent. Sur les 20% des 17-18 ans qui utilisent (occasionnellement ou régulièrement) le vapotage, 80% d'entre eux le font sans nicotine. Ceci confirme les études menées en Angleterre. Dans le cycle des multiples expériences adolescentes, un épisode, même s'il vient à durer quelques mois, de vapotage sans nicotine n’entraîne aucune dépendance. A l'opposé de l'expérimentation des cigarettes fumées, dont l'effet addictogène est l'un des plus redoutables.
Deux études indépendantes l'une de l'autre – notre article sur la première de la Pr A. Friedmann de Yale, confirmée par celle du Pr Michael Pesko et al. du Cornell Medical School - avaient déjà mis en évidence que les États américains laissant l'accès du vapotage aux jeunes ont vue leurs taux de tabagisme adolescent se réduire de 70% plus fortement que les États prohibitionnistes. De son côté, une enquête qualitative de la Pr Fiona Measham, de l'Université de Durham, met en lumière que les ados adeptes du «cloud and tricks» vapotent sans nicotine dans une logique totalement étrangère au tabagisme. L'appel à la peste émotionnelle répressive anti-jeune n'est donc pas seulement stupide. Elle ne fait pas qu'ignorer les faits. Cet obscurantisme a pour conséquence d'entretenir le tabagisme précoce en privant les jeunes d'un moyen d'éviter les cigarettes.
Alain
Berset ne
répondra
t-il pas?
La Suisse a pourtant officialisé une "stratégie addiction" nationale prévoyant d'articuler les quatre piliers de la prévention, de la répression et régulation du marché, de la thérapie ET de la réduction des risques. Le tabagisme est censé en être partie intégrante. Pour autant, tout semble fait contre la réduction des méfaits dont les usagers ont pris l'initiative. Chouchou
des médias, qui adorent lui cirer sa prestance, le
Conseiller fédéral Alain
Berset préfère snober les interpellations directes
de la population. Ainsi
la lettre ouverte de l'association
Helvetic Vape n'a
jamais connu
de réponse.
En sera t-il autrement d'une lettre d'un professionnel? Daniel Rico en doute ouvertement. Mais il refuse pour autant d'abdiquer. «Je continuerais de me battre pour le vapotage inlassablement, encore et encore». Le suisse-allemand a d'ailleurs publié dans la foulée un appel aux professionnels suisses du vapotage pour unir leurs forces et leurs efforts aux usagers en faveur de ce moyen de réduction des méfaits et de sortie du tabagisme. A défaut d'avoir un dirigeant en ayant le courage, les citoyens suisses vont-ils se saisir d'eux-mêmes de cette question de santé publique?
Edit 30.08.2016 : C'est l'article 37 §3 de l'ODAIOUs (et non le 38) auquel se réfère la lettre 146 de l'OFSP. Merci à Olivier de m'avoir signalé la coquille ;)
En sera t-il autrement d'une lettre d'un professionnel? Daniel Rico en doute ouvertement. Mais il refuse pour autant d'abdiquer. «Je continuerais de me battre pour le vapotage inlassablement, encore et encore». Le suisse-allemand a d'ailleurs publié dans la foulée un appel aux professionnels suisses du vapotage pour unir leurs forces et leurs efforts aux usagers en faveur de ce moyen de réduction des méfaits et de sortie du tabagisme. A défaut d'avoir un dirigeant en ayant le courage, les citoyens suisses vont-ils se saisir d'eux-mêmes de cette question de santé publique?
Edit 30.08.2016 : C'est l'article 37 §3 de l'ODAIOUs (et non le 38) auquel se réfère la lettre 146 de l'OFSP. Merci à Olivier de m'avoir signalé la coquille ;)
Commentaires
Enregistrer un commentaire