USA: commentaires scientifiques sur les biopsies de 17 empoisonnements pulmonaires
Hier, une communication de médecins des cliniques Mayo (USA), publiée dans le New England Journal of Medicine (NEJM), indique que les lésions pulmonaires de 17 patients étudiées sont très probablement liées à une toxicité directe ou à des lésions tissulaires dues à des émanations chimiques nocives. Des scientifiques britanniques ont commenté cette communication médicale pour la contextualiser, tandis que les médias francophones ont joué la carte du sensationnalisme sans retenue*. Les médecins américains ont affublé la question du sobriquet ridicule, si ce n'est inconvenant dans les circonstances, de VAPI pour Vaping-Associated Lung Injury. Parmi les 17 patients sur lesquels des biopsies ont été procédées, 11 répondaient aux critères d'un diagnostic «confirmé» de lésion pulmonaire, tandis que les 6 autres répondaient aux critères d'une désignation «probable».
Tous les patients ont des antécédents de vapotage, dont certains uniquement de produits de THC et d'autres sans précision dans la communication, qui n'a pas non plus détaillé les antécédents tabagiques de certains patients. Les médecins n'ont pas vérifié la présence de pseudo-cannabinoïdes de synthèse. Pour 12 des patients, la consommation de produits au THC a été établie, généralement rapportée par des proches car la plupart des patients ont été rétifs à reconnaître utiliser une substance illégale soulignent les chercheurs. La communication ne précise pas si ceux-ci sont dans les cas confirmés ou probables, ni si la provenance des produits était tous du marché noir. 11 patients sont de l'Arizona, 5 du Minnesota et un de Floride, trois états où l'usage de cannabis récréatif est illégal. "Dans tous les cas, les résultats histopathologiques ont révélé des types de lésions pulmonaires aiguës, notamment une pneumopathie fibrineuse aiguë, des lésions alvéolaires diffuses ou une pneumonie organisée, généralement bronchiolocentrique et accompagnée de bronchiolite", précise la communication des médecins.
"Une attention récente a été accordée à la possibilité qu'une lésion pulmonaire associée à la vaporisation puisse constituer une pneumonie lipoïde exogène. Cependant, aucun de nos cas n'a montré de preuve histologique de pneumonie lipoïde exogène et aucune preuve radiologique de celle-ci n'a été trouvée", poursuivent les cliniciens, avant de nuancer leur remise en cause de l'hypothèse de pneumonie lipidique liées à l'inhalation de liquide de vapotage de THC frelatés à l'huile. Nous avions déjà évoqué dés le mois d'août la possibilité de pneumopathies chimiques, notamment en lien avec la détection de taux élevés de Myclobutanil, un fongicide extrêmement toxique lorsqu'il est chauffé.
Les deux hypothèses: empoisonnements chimiques ou lipidiques
Cependant les médecins des Cliniques Mayo précisent que ces "observations suggèrent que cette constatation doit être interprétée avec prudence, dans la mesure où il peut simplement s'agir d'un marqueur d'exposition et pas nécessairement d'un marqueur de toxicité. Bien qu'il soit difficile d'écarter le rôle potentiel des lipides, nous pensons que les modifications histologiques suggèrent plutôt que les lésions pulmonaires associées au vapotage représentent une forme de pneumonite chimique centrée sur les voies respiratoires à partir d'une ou plusieurs substances toxiques inhalées plutôt que d'une pneumonie lipoïde exogène en tant que telle, mais les agents responsables restent inconnus".
Commentaires de la Pr Linda Bauld et du Pr John Britton
Le Science Media Centre, le site scientifique promu par le Comité des sciences de la Chambre des Lords britannique, a publié des éclairages sur les résultats de cette communication. "L’étude confirme que des lésions pulmonaires aiguës se sont produites. Les chercheurs ont découvert qu'il ne s'agissait pas d'effets indésirables chroniques - c'est-à-dire ceux qui se sont accumulés sur une longue période et qui causent une maladie - mais plutôt la preuve d'une éclosion similaire à un empoisonnement", souligne en premier lieu la Pr Linda Bauld, de l'Université d'Edimbourg.
"Ceci fournit une preuve supplémentaire qu'il est extrêmement improbable, voire impossible, que des e-liquides aromatisés à la nicotine du type de ceux utilisés par des millions de personnes dans le monde depuis une décennie (y compris au Royaume-Uni) soient à l'origine de ces blessures. Au lieu de cela, les contaminants semblent être à blâmer. La plupart des preuves suggèrent des adultérants dans le vapotage de cannabis, mais d'autres produits peuvent être impliqués", précise la chercheuse.
La prohibition aggrave les risques
Avant d'insister sur l'augmentation des risques que provoquent les prohibitions: "Aux États-Unis, l'interdiction récente de tous les produits de vapotage aromatisés ne va pas empêcher d'autres cas comme ceux-ci si le coupable est un produit contaminé acheté au marché noir. En effet, les interdictions peuvent aggraver le problème en limitant l'accès et en poussant les gens vers des sources illicites".
Un problème américain
De son côté, le Pr John Britton, directeur du Centre britannique d'études sur le tabac et l'alcool et consultant en médecine respiratoire à l'Université de Nottingham, note que "ces échantillons ne montrent pas d'accumulation de lipides, ce qui indique que la cause n'est pas lipidique en soi, mais quelque chose d'autre dans la vapeur. Comme il s’agit d’un petit nombre de cas, nous ne savons pas à quel point il est représentatif, mais ces indications sont utiles".
Avant de souligner le caractère localisé de la vague de cas. "C’est donc quelque chose qui se trouve dans les fluides de vape américains, ou quelque chose au sujet des cigarettes électroniques particulières utilisées par les personnes touchées, mais cela reste quelque chose de distinct du vapotage en général et en particulier du vapotage de nicotine".
* Add: sur le sensationnalisme des médias francophones sur cette étude, on peut lire cet article de Vap'You https://www.vapyou.com/propagande-anti-vape-afp-morts/
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