[Òmerta] Pourquoi l'OFSP nous enfume sur les chiffres du tabagisme en Suisse?
Officiellement en Suisse, il y aurait 25% de fumeurs, grillant 10,4 cigarettes quotidiennement en moyenne. Sauf que... la consommation réelle de cigarettes est près du double. Précisément 1,86 fois plus élevée que n'indique la donnée fédérale, selon une étude l'Université de Neuchâtel sur la consommation de cigarettes en Suisse publiée en décembre 2016. En réalité, ce sont entre 22,9% et 40,2% de suisses (de plus de 15 ans) qui fument entre 10,4 et 18,2 cigarettes par jour. "La consommation annuelle de la population résidente, estimée à partir des quantités autodéclarées dans le Monitorage des addictions (6’138 millions de pièces) est inférieure de 43,0% à celle mesurée à partir des données de ventes légales, des flux sortants et des flux entrants (10'762 millions)", expliquent les auteurs Claude Jeanrenaud, Alain Schoenenberger et Lasha Labaze. Ils estiment que "selon toute vraisemblance, l’enquête du Monitorage sous-estime largement la consommation de cigarettes dans la population suisse".
'C'est rien que de la faute des fumeurs, d'abord'
La publication n'avait jusqu'ici suscité aucune réaction des spécialistes du domaine et des médias. L'évocation de cette petite bombe crevant le rideau de fumée de l'information officiellement fédérale dans un communiqué de presse d'Helvetic Vape, puis la reprise de l'étude dans le mailing list de Stop-Tabac.ch semblent avoir réveillé la radio suisse-alémanique (SRF). Le journal de la SRF fait un sujet à ce propos, mais en occultant l'enfumage sur le pourcentage de tabagisme et en en faisant porter la responsabilité aux fumeurs. En résumé, ces méchants tricheraient lors du monitorage sur le nombre de cigarettes fumées. C'est évidemment le cas et c'est un classique de sociologie. Faire une enquête sans tenir compte de ce biais n'est pas même du niveau de 1ère année de socio.
Le triomphe de la volonté
La raison pour laquelle l'Office fédéral de santé publique (OFSP) a ignoré cette étude et ses données n'est pas abordé par la SRF. C'est pourtant assez significatif. Dans le n°116, dernier en date, de la revue de l'OFSP Spectra, Patrick Vuillème, responsable de la section bases politiques et exécution de l'OFSP, triomphe. "Le Monitorage suisse des addictions confirme le succès de la prévention du tabagisme entre 2008 et 2016. La part de fumeurs au sein de la population a baissé de 27% (2008) à 25% (2015)", affirme avec passablement de toupet le bureaucrate bernois. Un double mensonge, puisque le Monitorage ne montre pas de baisse du tabagisme depuis 2008. Le décrochage évoqué de 27% à 25% est du à un changement de méthodologie de l'enquête, point précisé dans les documents du Monitorage. Mais évidemment, on peut s'en foutre car ce monitorage est de toute façon violemment faussé, y compris concernant les chiffres sur les adolescents, comme le montre les ventes réelles de cigarettes.
Le Grand Bond sur place
Pourquoi alors cet enfumage grossier digne d'un cigarettier lausannois ? Entre 2008 et 2016, l'OFSP a suivi un Plan National Tabac (PNT), initialement prévu pour quatre ans et reconduit en 2012 sans modification significative. Ce plan s'appuie sur les vieilles recettes de la stigmatisation des fumeurs et l'objectif de gratter des taxes. Et aucune mesure d'aide concrète de réduction des risques et de sortie du tabagisme ni quelconque prise en considération des usagers. C'est ce Grand Plan en avant aux allures de maoïsme sanitaire embourbé dans l’inefficacité qu'il s'agit pour les responsables de l'OFSP de sauver par l'apparence des chiffres à défaut de quelconque réalité.
La même source fédéralement officielle nous assène qu'il n'y aurait que 0,3% de vapoteurs quotidiens en Suisse. Pour le moment, aucune donnée objective, telles que celles des douanes utilisées par l'étude neuchateloise sur le tabac, ne permet d'affirmer que ce chiffre est erroné. Mais il suffit de se poser sur une terrasse en ce printemps pour avoir de sacrés doutes sur la véracité de ce si faible nombre. Les mesures fédérales de protection du tabagisme en interdisant l'accès facile et local aux liquides à vapoter nicotinés ont assurément eu un effet néfaste sur le nombre de fumeurs sortis du tabagisme à l'aide de la vape. Mais le coup porté au tabac par le mouvement du vapotage helvétique est clairement bien plus important que ce que la bureaucratie bernoise veut nous faire croire.
Persévérance bureaucratique dans le massacre
Le reconnaître pour les fonctionnaires de l'OFSP serait un aveu d'erreur grave et la reconnaissance de la nocivité de leur politique anti-vape depuis 2009. A l'heure où un collectif de femmes a décidé de porté en justice la question de la déloyauté des autorités suisses concernant le droit à la santé, certains responsables devraient réfléchir aux conséquences de leur interdiction d'accès à un moyen de réduction des risques avéré contre le tabagisme. En huit ans, il y a eu au minimum 75'000 décès prématurés liés au tabagisme, peut-être plus de 100'000 si les estimations étaient faites à partir de chiffres fiables. Ce qu'aujourd'hui, on sait ne pas être le cas en Suisse.
Peut-être la plateforme des partenaires en prévention du tabagisme le 13 juin prochain à Berne sera t-elle l'occasion d'une mise à plat de ces défaillances ? Mais les choses se présentent mal, les associations de réduction des risques et des usagers n'y ont pas été invitées par l'OFSP...
edit 27-05-2017 à 12h petites corrections de style et d'orthographe
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