USA: la directrice du CDC démissionne après les révélations de Politico sur ses actions dans le tabac et la pharma
Prise la main dans le sac. Au lendemain des révélations de Politico, Brenda Fitzgerald a livré ce mercredi matin sa démission du poste de directrice du Center for Disease Control and prevention (CDC - Centre de prévention et de lutte contre les maladies). Nommée le 7 juillet dernier à la tête de la principale agence de santé américaine, Brenda Fitzgerald avait acheté début août pour des dizaines de milliers de dollars d'actions de Japan Tobacco, Merck, Bayer, US Food Holding et d'autres entreprises, selon les documents obtenus par Politico auprès de l'autorité financière. En vertu de la loi de transparence sur les transactions de plus de 1'000 $, le média spécialisé en politique américaine a retracé les titres boursiers détenus par celle qui présentait la lutte contre le tabagisme comme une de ses priorités.
Du tabac dans son porte-feuille
"Elle a classé le sevrage tabagique parmi ses principales priorités lorsqu'elle occupait le poste de Commissaire à la santé de l'Etat de Georgia jusqu'en février 2017. Avant de prendre la tête du CDC, elle possédait des actions dans cinq autres compagnies de tabac: Reynolds American, British American Tobacco (BAT), Imperial Brands, Philip Morris International et Altria Group Inc. - tout ceci légalement en vertu des règles éthiques en Géorgie", expliquent Sarah Karin-Smith et Brianna Ehley, les journalistes de Politico qui ont révélé l'affaire.
Brenda Fitzgerald a refusé tout commentaire sur l'affaire. "Le Health and Human Services (HHS) a refusé de répondre sur les raisons de ces investissements de la directrice du CDC dans des compagnies cigarettières alors qu'elle travaillait à réduire la consommation de tabac", précise Politico. Le conflit d'intérêt saute pourtant aux yeux en regard de l'agenda de la directrice. "Le lendemain de l'achat d'actions du géant mondial Japan Tobacco, elle fait le tour le 9 août du laboratoire du CDC qui mène des recherches sur les dommages sanitaires du tabac", racontent les journalistes de Politico s'appuyant sur les informations financières et le calendrier officiel obtenus en vertu de la Freedom of Information Act.
... et de la pharma aussi
L'entreprise pharmaceutique Merck, dont des actions ont été acheté par Brenda Fitzgerald le 9 août, développe un vaccin contre le virus Ebola et produit des médicaments contre le VIH. Bayer, dont elle achète des actions le 10 août, est partenaire financier avec le CDC et travaille notamment sur le dossier du virus Zika. Brenda Fitzgerald a finalement mis plus de quatre mois pour se défaire des titres de la douzaine d'entreprises, dont Japan Tobacco, Merck et Bayer, considérés comme conflit d'intérêts potentiels qu'elle avait acheté après sa nomination. Elle avait déjà tardé à vendre des actions problématiques détenues avant sa nomination au CDC. "Il est un peu inquiétant qu'il lui ait fallu deux mois pour signer sa convention d'éthique et un mois de plus pour qu'elle puisse vendre des actions contradictoires", s'étonne Scott Amey, avocat du Project on Government Oversight.
Le sens des affaires
Dans sa réaction, Matthew Myers, qui a propulsé sa carrière en négociant avec Philip Morris dans le dos de ses partenaires anti-tabac en 1998 puis en 2004, ne nourrit pas de complexe. "Premièrement, cette affaire mine la crédibilité d'un agent public lorsqu'il soutient que le tabac est la première cause évitable de maladie. Deuxièmement, et c'est peut-être pire, cela indique qu'un fonctionnaire est prêt à mettre son profit personnel au-dessus de l'éthique en investissant dans une entreprise dont les produits causent tant de mal", commente, au premier degré semble t-il, le directeur de la Campaign for Free Tobacco Kids (CFTK).
Après les plaintes pour harcèlement sexuel, discrimination raciale et enrichissement personnel, via des faits de plagiat et fraudes académiques, contre Stanton Glantz de la part d'étudiantes de près de quarante ans ses cadettes à l'Université de San Francisco (UCSF), l'affaire Fitzgerald est un second scandale qui frappe en peu de temps une figure de la lutte anti-tabac américaine.
"Bonne chance"
Le prédécesseur de Brenda Fitzgerald à la direction du CDC, Tom Frieden lui a souhaité "bonne chance" sur son compte twitter. Celui qui a fermé les yeux sur la diffusion massive d'anti-douleurs opioïdes à la population sous l'impulsion des laboratoires pharmaceutiques, provoquant une vague de toxicomanie ayant déjà causé la mort de plus de 60'000 personnes en 2016, a depuis pris une porte-battante pour un poste de directeur à la New Global Health Initiative. Une fondation financée à hauteur de 225 millions de dollars par le milliardaire et ancien maire de New-York Michael Bloomberg, la fondation du couple Chan-Zuckerberg, ainsi que de celle du couple Bill et Melinda Gates.
Who's the next ?
La trajectoire de Tom Frieden peut laisser bon espoir à Brenda Fitzgerald de ne pas finir sans-abri mendiante à la sortie d'un métro. L'avenir du poste de direction du CDC parait plus incertain. "On ne sait pas qui va remplacer Fitzgerald. La communauté de la santé publique, qui tend à favoriser les démocrates par rapport aux républicains, était favorable à sa nomination et à son expérience en santé publique", expliquent les journalistes de Politico. Alex Azar, secrétaire du HHS, devra choisir une nouvelle tête pour le CDC. Parmi les happy few de l'élite de la santé publique américaine, les noms de Celeste Philip, de l'Etat de Floride, et de John Dreyzehner, du Tennessee, font figures de favoris. En attendant, Anne Schuchat, directrice adjointe du CDC, va assurer l'intérim.
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