Mensonges et calomnies sur InfoSperber
Article honteux sur le site suisse-allemand InfoSperber publié ce 6 décembre. A quelques jours de l'annonce du nouveau projet de Loi sur les produits du tabac (LPTab), trois ultras contre le droit à la réduction des méfaits attaquent ad hominem le Pr. Jean-François Etter, de Stop-Tabac.ch. En dépit de la gravité des accusations portées sans aucun élément probant dans l'introduction signée de "la rédaction", le journal n'a pas jugé opportun de lui donner la parole. Cette manière de faire d'InfoSperber est une violation manifeste de la déontologie journalistique la plus élémentaire. Nous n'avons pas eu le temps de contacter les parties prenantes, nous nous concentrons donc uniquement sur le contenu de l'article signé de Macé Schuurmans, membre de la Commission Fédérale pour la Prévention du Tabagisme (CFPT), Rainer Kaelin, ex-vice-président de la Ligue Pulmonaire Suisse et Jürg Barben, pneumologue à l'hôpital pédiatrique de St. Gall.
"Au moins 95% moins nocif que de fumer"
L'article s'articule autour de trois contre-vérités. La première consiste à prétendre que l'évaluation d'une réduction des méfaits de 95% du vapotage par rapport aux cigarettes "n'est pas une mesure, mais se base sur une enquête dans laquelle seulement 12 collègues d'Etter ont été invités à donner leur appréciation personnelle en 2013, et qui a été critiquée comme trompeuse". Ceci est mensonger. L'évaluation du groupe mené par le Pr David Nutt a effectivement conclu à une réduction d'au moins 95% des méfaits du vapotage par rapport aux cigarettes.
Mais deux organismes de santé éminemment prestigieux et compétents ont procédé par ailleurs à leur propre analyse scientifique. Ces deux organismes sont dans l'ordre chronologique, le Public Health England, l'organisme de santé publique anglaise qui a publié son rapport en 2015 - points clefs en français- , et le Royal College of Physicians britannique qui a écrit un rapport exceptionnellement riche intitulé "Nicotine without smoke" en 2016 - points clefs en français -.
Basé chacun sur des centaines d'études scientifiques prises en compte, ces rapports concluent que "le danger pour la santé découlant de l'inhalation à long terme de l'aérosol des produits de vapotage disponibles aujourd'hui ne devrait pas dépasser 5% du préjudice causé par le tabac fumé", dans la formulation du Royal College. Ceci est une fourchette d'évaluation et non un chiffre précis comme le présente avec un certain ridicule l'article d'InfoSperber. Le Royal College of Physicians britannique est le premier organisme de santé de référence au monde à avoir établi les dangers du tabagisme dans son rapport de 1962. Les membres de ces deux organisations sont au-dessus de tout soupçon et ils ont des connaissances dans le domaine que les auteurs seraient inspirés de mettre à profit. Et les scientifiques concluant à cette réduction des méfaits ne sont pas tous des fumeurs contrairement aux accusations des trois signataires suisses.
La Pr Ann McNeill fume t-elle ?
Les Prs John Britton, Ann McNeill, Peter Hajek, Martin Dockrell, Deborah Arnott, Linda Bauld, Robert West, etc... ne sont pas fumeurs. C'est surréaliste de devoir préciser cela. Car quand bien même le seraient-ils, on a du mal à voir en quoi cela les disqualifierait à saisir l'intérêt du vapotage pour justement sortir du tabagisme. D'autre part, contrairement à ce que prétend l'article d'InfoSperber, ces auteurs couvrent l'ensemble des aspects de la problématique, y compris l'épidémiologie. Le jour où Macé Schuurmans, Rainer Kaelin et Jürg Barben prendront la peine de lire et d'essayer de comprendre les travaux du Pr Robert West, peut-être seront-ils en mesure d'articuler une pensée plus consistante sur le sujet.
Enfin, les trois suisses allongent leur catalogue en précisant que les douze scientifiques du groupe du Pr David Nutt "n'étaient pas transparent sur leur financement". Ce ragot court de longue date. Le Times, le journal de Rupert Murdoch aux liens bien connus avec l'industrie du tabac, a publié des accusations contre ce groupe. Mis en demeure par les chercheurs calomniés de montrer des preuves de cette accusation, le journal anglais s'est trouvé passablement dépourvu. Aucun élément factuel à présenter et leur source, que l'on surnommera McK, a rétracté son témoignage. Le Times a dû démentir, retirer son article et présenter ses excuses. Le corbeau continue malgré tout à essayer de salir la réputation de collègues, dont au moins un semble avoir eu le défaut d'obtenir un poste que McK convoitait.
Où est la déclaration d'intérêts des auteurs ?
Quoiqu'il en soit, les rapports scientifiques de Public Health England et du Royal College of Physicians sont parfaitement transparents sur leurs financements. Par contre, on s'interroge sur l'absence de déclaration de liens d'intérêts concernant la publication d'InfoSperber. Un commentaire censuré par le site questionne les liens avec l'industrie pharmaceutique des trois auteurs. Une industrie qui bénéficie de la grande masse de maladies créées par le tabagisme pour étendre son chiffre d'affaires. A l'aune de la gravité des accusations portées contre le Pr Etter, les douze scientifiques du groupe du Pr David Nutt, du Public Health England, de l'institution du Royal College of Physicians, puis plus loin dans le texte implicitement contre Addiction Suisse, on pourrait s'attendre à une clarification d'InfoSperber, plutôt qu'une censure sur cette question.
Addiction Suisse visée sans être nommée
Après le rejet des deux rapports scientifiques les plus étayés sur le sujet, les trois auteurs accusent le Pr Etter de soutenir "le chiffre "officiel" ", guillemets des auteurs, du tabagisme à 25% en Suisse. C'est, sans guillemet, le chiffre officiel présenté, au public et à l'OMS, par l'Office Fédéral de la Santé Publique (OFSP), dont le Pr Macé Schuurmans est tout particulièrement proche. Effectivement ce chiffre, produit par une enquête de la fondation Addiction Suisse sous mandat de l'OFSP, est clairement sous-évalué. Le Pr Etter, qui n'est pas impliqué dans ce travail, non seulement convient de sa sous-estimation mais il m'avait précisé une piste d'explication du biais de l'enquête lorsque j'avais traité le sujet pour le Vaping Post. Les auteurs de l'article dans InfoSperber semblent tellement haineux qu'ils sont prêt à porter n'importe quelle accusation.
On notera au passage que Rainer Kaelin s'appuie cette fois sur un article co-signé par le Pr Jacques Cornuz qu'il accusait, sans le nommer, d'avoir manipulé l'étude Delphi et le premier rapport (2014) de la Commission Fédérale pour la Prévention du Tabagisme sur le vapotage dans un autre article pour le Bulletin des Médecins Suisse en juillet dernier.
Moins de 5% des produits de vapotage sur les marchés européens sont à Big Tobacco
Le troisième délire des défenseurs de l'ordre en place est de prétendre que l'industrie du tabac "domine également le marché des cigarettes électroniques". C'est factuellement faux. Si ces auteurs ne le savent pas, c'est le signe d'une grave incompétence sur le sujet. En Suisse, la part des cigarettiers sur le marché du vapotage est néant, zéro, null, niente (désolé en romanche je ne sais pas le dire). Sur les grands marchés européens tels que la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne, la part des ventes de produits de vapotage appartenant à des compagnies cigarettières est nettement en deçà de 5% - voir par exemple le rapport de l'institut Xerfi, dont le chercheur principal est interviewé sur Vaping Post.
Les raisons en sont assez simples. Leur produits sont médiocres. Ils sont en format propriétaire forçant les consommateurs à être captifs de recharges spécifiques à la machine achetée, contrairement à la vape ouverte indépendante. D'un côté un produit limitant le choix, de l'autre une multitude de combinaisons de goûts et de pièces interchangeables pouvant évoluer etc... Enfin, une troisième raison est que les vapoteurs ex-fumeurs apprécient pour beaucoup de marquer leur rupture avec le tabagisme en coupant les liens avec les marques et les lieux de ventes de tabac.
L'exemple Suisse sous les yeux
Donc la réponse à la question des trois auteurs, "Pourquoi cette industrie devrait-elle saboter son marché du tabac en faisant la promotion des nouveaux produits de telle sorte que la plupart des fumeurs arrêtent vraiment de fumer?", est simple. L'industrie du tabac ne le fait pas. Au contraire, Big Tobacco défend ses ventes de cigarettes contre le vapotage. La Suisse en est un exemple manifeste avec l'interdiction de vente des liquides nicotinés. Les situations du Japon et de l'Italie confirment cet intérêt de certain cigarettier vaudois à interdire ou entraver le vapotage.
C'est assez extraordinaire que ceux qui servent d'idiots utiles aux Big Tobacco soient à ce point à côté de la plaque sur ce qui se passe sous leurs yeux. Mais en poussant leur argument, et si c'était le cas? Si Philip Morris, BAT et Japan Tobacco se mettaient à vendre des produits de vapotage à leurs actuels clients fumeurs. Serait-ce bénéfique ou négatif pour la santé publique ? En réalité, l'expérience de pensée ne peut se résumer à cela. La métamorphose de la consommation de nicotine avec les moyens de réduction des méfaits soutenue par les usagers va faire éclater la situation d'oligopole actuelle des quatre Big Tobacco. S'y opposer, c'est travailler à maintenir le tabagisme. Et c'est tristement cette situation délétère qui prévaut en Suisse depuis huit ans.
Une politique pragmatique similaire à la stratégie britannique aurait permis à 500'000 fumeurs suisses de sortir du tabagisme depuis 2010. La collusion objective entre le discours anti-vape et les manigances des cigarettiers rappellent furieusement l'alliance des "baptistes et des trafiquants" durant la prohibition américaine. Sans prohibition, pas de trafic. Les meilleures alliées du maintien des ventes de tabac en Suisse aujourd'hui sont les mesures contre la vape. La multiplication d'entraves à l'accès aux produits pour les fumeurs par les restrictions sur la vente, sur le matériel, mais aussi le climat entretenu de peur et de doute, sont les meilleurs prétextes à la poursuite du tabagisme d'un fumeur.
Qui bénéficie du doute ?
Que cette question sur l'intérêt de l'industrie du tabac soit posée par un texte co-signé de Macé Schuurmans est extrêmement troublant. Il est le principal instigateur, avec la Présidente Lucrecia Meier-Schatz, du second rapport sur le vapotage en 2016 de la Commission Fédérale pour la Prévention du Tabagisme (CFPT) qui venait contredire le précédent sorti en 2014. Comme je l'avais souligné à l'époque, la reprise au nom de la CFPT de certaines exigences de Philip Morris, notamment d'une taxe anti-vapoteurs, est une énigme restée sans réponse.
La chute concrète de plus de 20% du tabagisme au Royaume-Uni sous l'impulsion de l'essor du vapotage ne les intéressent pas. Pas un mot à ce sujet. Pourtant, depuis 2011 près d'un million de britanniques ont arrêté de fumer en utilisant de manière transitoire le vapotage, arrêtant donc les deux modes de consommation, et 1,5 millions ont arrêté de fumer pour vapoter exclusivement. Le tabagisme a chuté à 15,8% des adultes.
Les vapoteurs ont-ils aussi inventé le tabagisme adolescent?
L'ultime argument des défenseurs du statu-quo sont les enfants. C'est merveilleux les enfants pour couper court à toute réflexion. Qui leur voudrait du mal? L'astuce des auteurs est de faire comme si le vapotage était responsable du tabagisme adolescent. On est dans l'ordre de la pensée magique, pas de considération pour la réalité, juste le fantasme que le vapotage a inventé le tabagisme adolescent. Pourtant dans le réel, l'essor du vapotage a coïncidé avec une accélération de la chute du tabagisme chez les adolescents que ce soit au Royaume-Uni, aux Etats-Unis et dans la région parisienne.
La haine et le mépris des trois auteurs envers les usagers leur rend visiblement difficile de prendre en considération leur expérience. C'est pourtant nécessaire pour saisir le phénomène qui a pu se produire entre 2013 et 2015 chez les ados. L'usage du vapotage sans nicotine pour 80% de ceux qui déclaraient l'utiliser, leur a permis d'expérimenter, de répondre à ce que des sociologues appellent la "pression sociale", tout en évitant le tabagisme. Une part utilise avec nicotine, pour la quasi totalité d'entre eux en étant déjà fumeurs, ce qui malheureusement peut commencer parfois à 12, 13 ou 14 ans. L'accélération de la chute du tabagisme est manifeste. Elle est encore plus rapide dans les Etats américains qui autorisaient la vente de produits de vape aux mineurs, par rapport à ceux la prohibant, comme le montre une étude d'Abigael Friedamnn de Yale.
Il y a évidemment des jeunes qui vont vapoter puis fumer. Ils sont rares, mais si on concentre sa recherche uniquement sur eux comme une loupe, on peut les mettre en relief. Auraient-ils échappé aux cigarettes sans la vape ? Le nombre élevé de fumeurs ado avant le vapotage, où tout simplement en Suisse où le vapotage est peu répandu, suggère fortement que non. Cela suggère aussi que l'explication mécanique causale simplette échoue à saisir les facteurs rendant certaines personnes susceptibles de devenir consommateurs de nicotine. Mais en fait, la question n'intéresse pas les auteurs de l'article d'InfoSperber.
Leur interprétation complètement fantaisiste de l'étude menée par Gerhardt Gmel et al. à propos des jeunes recrues suisses est très révélatrice de leur fantasme. Cette étude montre que des jeunes recrues, d'une vingtaine d'années, déjà fumeurs étaient très peu nombreux à arrêter en utilisant le vapotage en Suisse en 2013. Dans un pays où la vente de liquides nicotinés est interdite. A une époque où la pratique des dons de nicotine n'existait pas encore. Dans un climat de peur et de doute contre le vapotage cultivé par les lobbys.
La protection du tabagisme
Le maintien du tabagisme de ces jeunes hommes se passe dans le contexte suisse extrêmement hostile à l'arrêt du tabagisme à l'aide du vapotage. Outre la prohibition des liquides nicotinés, l'information sur la réduction des méfaits y est largement absente tout comme le soutien à une telle démarche. Ce que montre ces résultats, c'est que la politique menée selon l'idéologie des Macé Schuurmans, Rainer Kaelin et Jürg Barben profite au maintien du tabagisme, y compris chez les jeunes suisses. Alors qu'un environnement bienveillant à l'égard des vapoteurs double les chances des fumeurs de réussir leur sevrage tabagique à l'aide du vapotage par rapport à ceux des pays liberticides. 73,2% de sevrages pour les britanniques et américains contre 31,5% pour les australiens et canadiens, selon l'étude de l'International Tobacco four countries.
La proposition générale de l'article d'InfoSperber est de perpétuer cette hostilité à l'égard des fumeurs tentant de sortir du tabagisme à l'aide du vapotage. Dans leur article, leur seule proposition articulée est d'interdire l'information sur la réduction des méfaits. Ceci alors qu'en Suisse la publicité commerciale pour le tabac est autorisée. Dans son rapport pour la CFPT, Macé Schuurmans et Lucrecia Meier-Schatz précisaient vouloir interdire aux professionnels de santé d'en parler positivement. Le fil conducteur de tout l'article d'InfoSperber est un rejet des études de science. Implicitement, il est aussi un rejet de l'expérience de millions d'usagers.
Burp
Cette publication est choquante pour la violence des calomnies qu'elle porte. Mais peut-être pire que cette attaque personnelle sans élément de preuve contre le Pr Jean-François Etter, l'éloge d'un obscurantisme intellectuellement malsain et le mépris humain qui se dégagent de ce papier sont profondément ignobles. Ce matin, j'apportais mon soutien sur un réseau social d'entraide à l'arrêt des cigarettes avec le vapotage. J'ai lu de nombreux billets témoignant du plaisir de retrouver son souffle, son odorat, de voir son rythme cardiaque se normaliser au fil des semaines après l'arrêt. Des souffrances aussi de personnes ayant de grandes difficultés à "lâcher" les cigarettes. Des témoignages de malades, pour certains très graves, de proches aussi.
Puis j'ai lu cet article d'InfoSperber et j'ai eu la nausée.
En Suisse j'imagine qu'il y a comme en France un droit de réponse sur les sites internet... le prof. Etter a tout de qu'il faut pour dézinguer proprement ces tristes sires, non ?
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