Motions au parlement Suisse pour interdire la pub du tabac en y assimilant la vape et imposer une licence aux vendeurs
Au Conseil national, quatre motions voudraient interdire la pub du tabac et du vapotage sur les réseaux sociaux, les journaux, les points de vente et au cinéma, ainsi qu'imposer une licence de vente payante.
Déposées
mi-décembre 2017 à la fin de la session parlementaire d'hiver, le
contenu de quatre motions coordonnées au Conseil national vient d'être rendu public.
Assimilant le vapotage aux cigarettes, trois visent à interdire des
types de publicités des produits du tabac pour "protéger
les enfants et les jeunes" et la quatrième à imposer une
licence payante de vente en Suisse. Pour que le Conseil Fédéral exécute ces demandes, chacune des motions devrait être adoptée par les deux chambres parlementaires, ce qui parait peu probable en regard des motifs du renvoi du premier projet de loi sur les produits du tabac (LPTab) en décembre 2016.
Ces motions au parlement semblent plutôt vouloir servir de caisses de résonance médiatique au lancement d'une initiative populaire "enfants
et jeunes sans publicité pour le tabac",
dont la récolte de signatures doit être lancée en février. L'initiative vise à interdire la
publicité des produits du tabac par affichage, dans les
publications, au cinéma, aux concerts et sur internet. Contre une approche cohérente de réduction des méfaits, l'intention d'assimiler le vapotage à ces
interdictions se précise à la lecture de cette initiative concertée de quatre motions.
20 Minutes et Facebook ciblés
Annoncée
en primeur par le Blick dés le 19 décembre, la motion de l'évangéliste
Niklaus Gugger (17.4268) veut interdire "la
publicité pour les produits du tabac et les cigarettes électroniques
dans les médias imprimés et en ligne facilement accessibles aux
mineurs, y compris les publireportages, les médias sociaux et les
applications". Le Conseiller national zurichois précise que doivent être "considérés comme 'facilement accessibles' les médias
imprimés ou en ligne qui ne sont soumis ni à un abonnement payant
ni à une autre forme d'identification personnelle". En cas d'acceptation, les groupes d'auto-support, forums d'entraide et sites d'information
spécialisés devraient probablement se barricader et devenir
hermétiques aux néophytes, notamment aux fumeurs en recherche d'aide et de renseignements pour arrêter de fumer à l'aide du vapotage.
Nik Gugger estime que les "gratuits
'20 Minutes' et 'Friday' jouent un rôle majeur dans la publicité
pour le tabac".
Mais l'évangéliste en veut aussi aux réseaux sociaux qui, selon
lui, "transforment
les utilisateurs d'Internet en promoteurs des produits du tabac.
Voyez Facebook, Snapchat et bien d'autres". De
son côté, la démocrate-chrétienne Viola Amherd prend pour cible la pub dans les cinémas lors des projections de films non réservées à un public majeur. Sa motion (17.4150) veut "interdire
la publicité au cinéma pour les produits du tabac et les cigarettes
électroniques lors des représentations auxquelles les spectateurs
de moins de 18 ans sont admis".
Interdire
la pub sur les lieux de vente et leurs vitrines
L'écologiste
Christine Häsler propose (17.4187) que "la
publicité pour les produits du tabac et les cigarettes électroniques
soit interdite dans tous les points de vente dont la clientèle
comprend aussi des enfants et des jeunes". Elle souligne que, selon une étude de l'Observatoire des stratégies marketing pour les produits du tabac, dans 22% à 36% des points de ventes de tabac "cette publicité était également visible depuis l'extérieur". L'argumentaire de l'élue bernoise
précise aussi que "la
publicité pour les cigarettes électroniques, du fait de son
attractivité pour les enfants et les jeunes, doit en outre être
assimilée à la publicité pour les produits du tabac".
Une
licence payante pour vendre du tabac et à l'avenir de la vape
Pour
compléter l'offensive, la motion du vert-libéral Thomas Weibel
(17.4232) voudrait que le Conseil Fédéral élabore "une
licence payante pour la mise à disposition de produits du tabac sur
le marché". Selon
l'élu zurichois,
les émoluments permettraient "de
financer les contrôles et les mesures officielles".
Actuellement, le vapotage n'est pas assimilé légalement à un
produit du tabac, mais il pourrait l'être via la future loi sur le produits du tabac (LPTab). Le Conseiller national
l'anticipe dans son argumentaire: "Si
les cigarettes électroniques devaient être assimilées aux produits
du tabac, l'offre pourrait être mieux contrôlée"
avec ce système de licence.
Une "offensive" contre la réduction des méfaits
L'assimilation stricte de la vape au tabac par ces quatre parlementaires prend le chemin opposé aux appels à une intégration de la réduction des méfaits par le vapotage contre le tabagisme, soutenue par plusieurs voix du milieu de la lutte anti-tabac, la Fédération des professionnels des addictions, et l'association des usagers Helvetic Vape. Le confinement des groupes d'entraide autogérés sur les réseaux sociaux à une situation d'underground, qui naîtrait de telles interdictions, pose question sur le respect au droit à l'auto-protection de sa santé. En outre, aucun élément probant n'est apporté dans les motions sur la pertinence d'interdictions similaires du vapotage aux cigarettes. Or la seule étude, avec certaines limites, à ce jour sur l'impact réel de la publicité du vapotage montre un effet globalement positif sur le recul du tabagisme aux Etats-Unis.
De même, l'analyse d'impact de la réglementation (AIR), du bureau BASS pour l'Office Fédéral de la Santé Publique (OFSP), distingue l'effet d'interdictions sur la publicité du tabac, qu'il évalue d'autant plus positifs qu'elles sont strictes, de l'effet d'interdictions contre le vapotage. "Il semble que
l’interdiction de la publicité pour les e-cigarettes
dans les médias classiques serait, du moins au
stade actuel, une mesure plutôt défavorable du
point de vue économique", explique le rapport. Un effet positif sur les coûts de santé et les pertes de productivité liées aux maladies concordant avec le fait que l'accès au vapotage nicotiné aurait un effet positif de santé publique en favorisant une baisse de la prévalence tabagique, que le bureau BASS estime de l'ordre de 2,1%.
Cette "offensive", telle que la nomme la motionnaire Christine Hässler elle-même dans le Blick, indique l'ascendant pris par les extrémistes anti-vape sur le camp des parlementaires anti-tabac. Ce choix de condamner au silence l'approche de réduction de méfaits semble plus tenir d'une escalade de posture idéologique que fonder sur une réflexion de politique de santé publique. Alors qu'en l'état "des connaissances
actuelles, on doit considérer que les cigarettes
électroniques sont nettement moins nocives
que les produits du tabac traditionnels
destinés à être fumés", rappelle le rapport prudent du bureau BASS. Mais qui en sera informé, au sens plein du terme, si réseaux sociaux et points de vente sont astreints à le cacher et que la loi assimile ce moyen de sortir du tabagisme au tabac ?
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