Les éditocrates romands jouent la carte de l'obscurantisme anti-science pour faire douter du vapotage
Étranges redondances. A quelques jours d'intervalle, deux éditorialistes romands ont utilisé quasiment le même élément de langage. "Le problème, c’est que personne n’est aujourd’hui capable de le confirmer avec certitude", assénait Patrick Monay, chef de rubrique, dans 24 Heures le 3 juin. Ce samedi, c'est Stéphane Benoit-Godet, le rédac-chef du Temps qui fait écho: "Problème, cette affirmation n’est pas prouvée". Tous deux écartent ainsi le fait que vapoter réduit les risques par rapport à fumer. La répétition de cet énorme mensonge, de manière aussi similaire, est troublante.
Un mensonge certain
Troublant parce qu'en premier lieu, la réduction des risques grâce au vapotage par rapport aux cigarettes est un fait de science. La nier est au mieux de l'obscurantisme. La marge d'incertitude actuelle est l'ordre de magnitude de cette réduction des risques. De manière précautionneuse, le Public Health England et le Royal College of Physicians (UK) ont donné une fourchette de réduction des risques d'au moins 95%. Pour rappel, le Royal College of Physicians (UK) est historiquement le premier organisme de santé au monde a avoir eu le courage et la rigueur de dénoncer l'impact sanitaire catastrophique du tabagisme en 1962.
Mais même au pays de Trump et du cowboy Marlboro, l'Académie Nationale des Sciences et de Médecine (NASEM), qui s'est concentrée sur l'angle du risque du vapotage en écartant son potentiel bénéfice pour réduire le tabagisme, a reconnu la réduction manifeste des risques pour l'usager, dans un rapport l'an passé. Rapport cependant de médiocre qualité ressemblant plus à un brouillon mal dégrossi qu'à un rapport scientifique abouti.
Les éditocrates romands nient la science
Mieux maîtrisées, les évaluations britanniques d'une réduction d'au moins 95% du risque intègrent la part d'incertitude au niveau collectif de la diffusion du vapotage. Au niveau individuel, le fumeur qui lâche ses cigarettes pour le vapotage réduit de manière encore plus drastique les méfaits pour sa santé. L'absence dans le vapotage de monoxyde de carbone (CO) et de goudrons (TAR), deux serial-killers de la cigarette, et de milliers de toxiques produits par la fumée ne laisse aucun doute. Les toxiques restant dans le vapotage le sont à des doses beaucoup plus faibles que dans les cigarettes. (voir appendice en fin d'article)
Les fabricants de doute et de peur
Bref, croire à l'absence de connaissance sur la réduction des risques du vapotage par rapport au tabagisme est aujourd'hui de l'ordre de la superstition. Produire du doute contre les études scientifiques pour maintenir les fumeurs dans le tabagisme est une vieille stratégie. On le sait, les 61% de fumeurs en Suisse qui déclarent vouloir arrêter de fumer sont pris d'ambivalence entre ce désir et leur dépendance. Instiller le doute est extrêmement efficace pour les repousser dans le tabagisme.
Les mêmes campagnes de dénigrement et de peur avaient parcouru la presse à l'époque contre les gommes nicotinées: hoax sur des crises cardiaques provoquées par les Nicorettes, fantasmes d'épidémies de nicotimanie chez les enfants à cause de ces chewing-gums nicotinés, accusations contre son inventeur d'être corrompu par Big Tobacco, etc. Après une décennie de guerre des Big Pharma pour empêcher les Nicorettes d'être mises sur le marché comme produits de consommation courante, GSK (distribution aux Etats-Unis) et Pfizer ont pu mettre la main à bon prix sur l'entreprise suédoise et cantonner le produit aux pharmacies (en 2006, Johnson & Johnson a racheté les parts de Pfizer).
Un des enjeux: livrer les vapoteurs à l'oligopole et aux taxes
On a jamais vraiment su qui de Big Tobacco, Big Pharma ou des anti-tabac puritains lançaient ces fausses rumeurs sur les Nicorettes. On ne peut évidemment pas écarter que les trois groupes d'intérêts ont participé à l'enfumage du public, sans avoir besoin de se concerter pour nourrir la machine à peur. Les similitudes avec le scénario actuel dans lequel prennent place les apologies obscurantistes des journaux lausannois sont frappantes. Notamment, l'enjeu de la réglementation du produit. Actuellement, la Commission santé du Conseil des Etats (CSSS-E) table sur la prochaine loi sur les produits du tabac, du cannabis et du vapotage (LPTab). L'essentiel de ses discussions, qui se poursuivront en août, concernent le vapotage.
Comme pour les Nicorettes, le dossier du vapotage a un énorme enjeu financier. Alors que les multinationales pharmaceutiques ont réussi à étrangler Leo, la firme qui a créée Nicorette, au point de récupérer l'entreprise et d'assigner le produit au statut pharmaceutique, l'enjeu des restrictions contre les vapoteurs visent avant tout à les livrer à l'oligopole cigarettier en éliminant la diversité et la pluralité actuelles des produits par des restrictions sur les produits, sur les usages et des taxes.
La coalition des dealers et des puritains
La bienveillance, si ce n'est plus, de longue date des deux journaux lausannois envers Philip Morris, et notamment de ses cigarettes chauffées Iqos, ne fait rien pour démentir l'interprétation instrumentale de leurs récents éditos. Les publications, notamment du lobbyiste Rainer Kaelin - qui a fait censurer sur le site Infosperber les demandes sur ses liens d'intérêt financiers - , et des campagnes anti-réduction des risques provenant d'organismes liés à la pharmaceutique ou d'obédience puritaine semblent illustrer le vieux mécanisme, concerté ou non, de coalition des "baptists and bootleggers", des évangélistes et des dealers.
A ce titre, on peut remarquer l'ironie cynique et habile du Temps d'utiliser les fantasmes de l'administration Trump sur une pseudo-épidémie de Juul chez les jeunes américains pour créer un climat favorable à des restrictions contre les vapoteurs en Suisse. Mesures qui risquent de limiter l'offre à des produits, dont la Juul a toute les chances de faire partie.
En réalité, le vapotage a accéléré par trois l'effondrement du tabagisme des adolescents américains, passé de 20% en 2011 à 7% en 2018. Tandis que 3,6% vapotent de manière fréquente (au moins 20 jours par mois) en 2018, dont une partie sont en fait des utilisateurs de vaporisateurs pour cannabis amalgamés dans la statistique.
En Suisse, l'effondrement du tabagisme adolescent et la part de vapoteurs fréquents occultées!
En Suisse, nombreux sont les adolescents, près de 40%, à avoir testé le vapotage, selon Addiction Suisse. Mais ont-ils pris une taffe dans leur vie ou s'agit-il d'un usage plus sérieux? Ni le nombre d'utilisateurs fréquents, ni la part d'utilisateurs avec ou sans nicotine, ne sont communiqués par Addiction Suisse. Absence de données ou volonté de ne pas les rendre publiques? Seule la fondation privée le sait. Ce qu'on peut aussi noter est qu'Addiction Suisse a passé sous silence dans sa communication la chute de 15% du nombre de fumeurs adolescents relevée par son enquête. Un chiffre gênant pour son plan de comm'?
Plus rigoureuses, les statistiques du Département de santé du canton de Bâle-ville montrent un effondrement du tabagisme régulier des adolescents, passé de 11,5% à 3% entre 2010 et 2017. Tandis qu'est apparue une large expérimentation du vapotage par 31% des jeunes, mais accompagnée d'un usage fréquent tout à fait minime avec 0,1% des lycéens interrogés. En somme, ces indicateurs invitent à considérer sérieusement l'hypothèse qu'en essayant le vapotage, un bon nombre d'adolescents évitent les cigarettes.
La vague de la sortie du tabagisme en Suisse sera t-elle endiguée?
Pour trouver inquiétant ce phénomène, il faut être du camp des bénéficiaires directs ou indirects des ventes de cigarettes. Et vouloir créer un climat anxiogène propice à une réglementation autoritaire et disproportionnée. Une lame de fond de sortie massive du tabagisme parcourt la Suisse depuis l'abrogation de la prohibition abusive des liquides nicotinés par le Tribunal administratif fédéral l'an passé. Cette levée de la prohibition était l'aboutissement d'une lutte de cinq ans initiée par l'association des vapoteurs Helvetic Vape.
A présent, les lobbys s'agitent et font sonner la charge par leurs médias. Face à eux, le camp de la réduction des risques n'a ni les moyens financiers ni les accès pour faire entendre sa voix. De longue date, aucune aide sérieuse n'est proposée aux fumeurs pour arrêter en Suisse. Les substituts nicotiniques sont vendus à prix d'or sans être remboursés, les organisations para-pharmaceutiques n'hésitent pas à facturer leur aide aux fumeurs.
Dans ce contexte, le vapotage chamboule toute cette économie du tabagisme en offrant un moyen efficace de s'en sortir à bon marché. Mais il y a de bonnes raisons d'être inquiet que ce mouvement de libération soit entravé, au moment où la Commission santé du Conseil des Etats (CSS-E) a demandé un rapport à l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) ajoutant à son agenda l'examen d'"une éventuelle imposition des cigarettes électroniques et des liquides de recharge".
Dans ce contexte, le vapotage chamboule toute cette économie du tabagisme en offrant un moyen efficace de s'en sortir à bon marché. Mais il y a de bonnes raisons d'être inquiet que ce mouvement de libération soit entravé, au moment où la Commission santé du Conseil des Etats (CSS-E) a demandé un rapport à l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) ajoutant à son agenda l'examen d'"une éventuelle imposition des cigarettes électroniques et des liquides de recharge".
Appendice: Vape et cancer
L'absence de monoxyde de carbone à elle-seule réduit drastiquement les risques cardio-vasculaires. Concernant le risque cancérigène, la méta-analyse de l'ensemble des études sur le sujet du Pr Ed Stephens conclut à un évaluation du risque cancérigène du vapotage de 0,4% par rapport aux cigarettes en l'état des connaissances en 2017. Plus récente, l'analyse du contenu résiduel de l'aérosol de vapotage après évaporation par l'équipe du Dr Scungio évalue à au moins 50'000 fois moindre le risque cancérigène du vapotage par rapport à la fumée de cigarette.
L'équipe du Dr Lion Shahab, de l'University College of London, a suivi six mois des fumeurs, des consommateurs de substituts nicotiniques et des vapoteurs: les examens sanguins et urinaires des vapoteurs présentent les plus bas taux de toxiques. Non seulement drastiquement plus faibles que ceux des fumeurs, mais même un peu moins que ceux qui utilisent des patchs ou des gommes nicotinés pharmaceutiques, pour lesquelles nous avons 40 ans de recul. Bref, les preuves scientifiques que vapoter réduit les risques par rapport à fumer sont indéniables.
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