L'OMS Europe reconnait que passer au vapotage réduit les risques pour un fumeur
Publié avant-hier, le brief du bureau Europe de l’OMS sur le vapotage se distancie de la position fondamentaliste anti-vapoteurs du siège genevois de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). « Les fumeurs adultes, qui ne sont pas enceintes, qui passent complètement et rapidement des cigarettes de tabac combustibles à l’utilisation seule d’Electronique Nicotine & Non Nicotine Delivery System [le vapotage en langage courant] non altérée et correctement réglementée peuvent réduire leurs risques pour la santé », affirme le rapport de l’OMS Europe rédigé par Armando Peruga. Même si on ne comprend pas pourquoi déconseiller aux femmes enceintes d'arrêter de fumer avec un moyen efficace, ceci tranche avec l’affirmation « qu’aucun produit ne réduit les risques », encore répétée ce 29 mai par Krech Ruediger en conférence de presse pour l’OMS à Genève.
En résumé :
- Le rapport de l'OMS Europe a été financé par le Gouvernement allemand, et non pas par des intérêts privés opaques et douteux comme de précédents documents de l'OMS sur le sujet.
- Le rapport de l’OMS Europe rompt avec la ligne anti-réduction des risques de la direction de l’OMS et reconnait qu’un fumeur qui passe au vapotage réduit les méfaits pour sa santé.
- Le rapport de l’OMS Europe reconnait qu’il n’y a aucun élément montrant un effet pour l’entourage d’un vapoteur. Avec un sophisme grossier, il recommande d’interdire le vapotage dans les lieux publics dans l’attente d’une preuve de cette absence.
- Le rapport se distancie de la théorie de la passerelle en soulignant le niveau modéré de preuve et leur caractère de corrélation et non de lien causal entre vapotage et tabagisme des jeunes. Cependant, il passe sous silence de nombreuses études qui montrent la chute du tabagisme adolescent concomitante à l’essor du vapotage. Il ne traite pas non plus du facteur prépondérant du risque de tabagisme adolescent du tabagisme des proches, notamment des parents.
- Sur le thème des arômes, le rapport ne semble pas avoir vraiment maîtrisé son sujet. Notamment que tous les liquides de vapotage sont de fait aromatisés. En conséquence, il fait une affirmation étrange sur l’attrait des arômes pour les jeunes contrairement aux « plus » vieux. Il mentionne cependant le rôle des arômes pour aider à l’arrêt tabagique avec le vapotage.
- Le rapport de l’OMS Europe recommande des restrictions dures contre le vapotage, mais pas la prohibition chérie par la direction de l’OMS pour laisser le monopole aux cigarettes. Il alerte sur de possibles effets pervers des réglementations.
- Comme la plupart des productions de l’OMS, ce rapport est plus un document politique utilisant la science qu’un document scientifique, même s’il est indéniablement de meilleure qualité à cet égard que les autres documents de l’OMS sur le sujet. Avec cette grille de lecture en tête, on peut noter la distanciation que l’OMS Europe prend vis-à-vis de la ligne fondamentaliste anti-vape soutenue par la direction genevoise de l’OMS.
Financement public contre financement privé occulte
Le rapport de l’OMS Europe a été financé par le Gouvernement allemand. C’est une première différence notable avec plusieurs productions de l’OMS sur le sujet, dont le rapport Mpower publié l’été passé où il était affirmé que la vape « est indubitablement nocive ». Préfacé par l’affairiste Michael Bloomberg, ce rapport avait été payé par Bloomberg Philanthropies Company (LLC), dont aucun compte n’est public.
Contrairement aux fondations, les finances de Bloomberg Philanthropies Company (LLC) sont totalement opaques. Ce qui rend, entre autres, impossible d’affirmer que les organismes financés par cette entreprise sont libres de liens financiers avec l’industrie du tabac et respectent l’article 5.3 de la Convention anti-tabac contre l’ingérence de l’industrie du tabac. Par ailleurs, il est de notoriété publique que Michael Bloomberg est en affaires avec plusieurs grandes nations tabagiques, telles que l’Inde, la Thaïlande et la Chine.
Abandonner la cigarette grâce à la vape réduit les risques et les méfaits
Dégagée de l’influence de ce genre d’intérêts privés occultes, l’OMS Europe a-t-elle eu plus de latitude pour mener son analyse ? Plusieurs éléments du rapport vont partiellement dans ce sens. En premier lieu, le rapport rompt avec le principe anti-réduction des risques fondamentaliste. Il souligne que des « preuves scientifiques concluantes » établissent que « complètement substituer les EN&NNDS [le vapotage] à la place de cigarettes de tabac fumées réduit l’exposition de l’usager à de nombreux toxiques et carcinogènes présents dans la fumée des cigarettes de tabac ».
L’auteur averti qu’il y a aussi des preuves concluantes que les vaporettes peuvent parfois exploser, « lorsque les batteries sont de mauvaise qualité, mal stockées ou modifiées par les usagers », et provoquer des blessures. Enfin, il existe des cas d’ingestion de liquides, volontaire ou accidentelle, qui peuvent avoir des conséquences néfastes, voire fatales.
Indices d’une moindre puissance dépendogène de la vape nicotinée par rapport aux cigarettes
D’autres éléments, soutenus par des preuves de niveau modéré, sont évoqués. Du côté des risques mal établis liés à l’usage de vape, le rapport mentionne notamment celui d’une dépendance à la nicotine, « mais le risque et la sévérité de la dépendance semblent plus faibles avec les ENDS [vapotage nicotiné] qu’avec les cigarettes de tabac fumées ». Il souligne aussi que les conséquences sanitaires d’un usage à long terme ne sont pas claires. Du côté des bénéfices mal établis, le rapport note une réduction à court terme des problèmes de santé des fumeurs étant passés au vapotage,
Les différents cas de double-utilisateurs
Le brief souligne que les double-utilisateurs, qui vapotent et fument, semblent ne pas réduire leurs risques par rapport au tabagisme seul. « Une explication possible est que les doubles utilisateurs comprennent une grande variété de comportements de consommation de tabac et d’EN&NNDS, chacun avec des motivations différentes », avance le rapport.
Les doubles-utilisateurs peuvent être des fumeurs dans « une phase transitoire pour réduire ou arrêter le tabagisme », mais dont certains « dépendent encore du tabagisme pour gérer leurs insatisfactions par rapport à l’expérience de l’EN&NNDS ». Le rapport ne pose cependant pas ouvertement la question du poids des restrictions contre le vapotage au détriment de cette catégorie de personnes, notamment les interdictions d’arômes autres que le goût tabac de plusieurs pays, et la limite trop basse du taux de nicotine imposée dans l’Union européenne.
D’autre part, le rapport mentionne aussi que certains doubles utilisateurs peuvent chercher à « contourner les politiques antitabac ou simplement pour se conformer aux normes des groupes sociaux et de gérer la stigmatisation associée au tabagisme ». Ces points ne sont pas non plus développés.
Rien ne montre d’effet sanitaire pour l’entourage des vapoteurs
« Aucune étude disponible n’a montré d’effets sanitaires de l’exposition passive aux EN&NNDS [vapotage], donc les risques de santé d’être exposé à l’aérosol exhalé restent inconnus ». Le brief insiste que des études ont mesuré des émanations de particules, mais sans préciser que celles-ci sont essentiellement liquides et non solides. En général, les journalistes, au moins ceux de l’AFP, ne semblent pas connaitre la différence (ce qui est une étrange lacune d’éducation primaire).
« L’exposition secondaire à la nicotine et aux particules de l’aérosol des EN&NNDS [vapotage] est inférieure à celle des cigarettes de tabac fumées », affirme le rapport, mais sans donner d’ordre de grandeur de cette différence (plusieurs milliers de fois). Pour résumer ce passage, l’OMS Europe n’a rien trouvé de consistant contre un pseudo « vapotage passif », mais elle tient à soutenir par principe l’interdiction de vapoter dans les lieux publics fermés.
Dans les conclusions, inversant la charge de la preuve pour limiter les libertés individuelles, l’auteur recommande d’interdire le vapotage dans les lieux publics fermés jusqu’à la preuve de son innocuité pour l’entourage. Prouver définitivement une absence d’effet étant impossible par définition, l’argument est un sophisme plutôt grossier.
Faux suspense sur l’arrêt tabagique à l’aide du vapotage
Armando Peruga note que le rapport de la National Academy of Science Engeneering and Medicine (NASEM) américaine avait conclue en 2018 à une insuffisance d’essai clinique pour soutenir l’efficacité du vapotage pour l’arrêt tabagique. Cependant, il souligne que depuis, l’importante étude clinique menée par Peter Hajek a montré une efficacité du vapotage pour l’arrêt tabagique.
On peut ajouter que d’autres études en cours vont dans le même sens, comme celle menée par le Dr Mark Eisenberg au Canada. En réalité, il n’y a plus de suspense sur le fait que le vapotage augmente très nettement l’arrêt tabagique par rapport aux tentatives sans aide et même par rapport aux produits pharmaceutiques. Actuellement, le doute que les études cliniques vont confirmer ce qui est constaté depuis une décennie par les acteurs de terrain est seulement entretenu par des lobbyistes de la pharmaceutique.
Légère distanciation sociale avec la « théorie » de la passerelle
Tandis que les bureaucrates du siège central de l’OMS à Genève affirment pour principale raison de leur appel à la prohibition, que le vapotage provoque le tabagisme chez les jeunes, ce rapport de l’OMS Europe se montre plus raisonnable sur la qualité médiocre et de l’ordre de corrélations des éléments utilisés en ce sens.
« Il existe des preuves modérées que les jeunes non-fumeurs qui expérimentent les EN&NNDS ont au moins deux fois plus de chances d’expérimenter le tabagisme plus tard. Les données disponibles jusqu’à présent ne prouvent toutefois pas que cette association est causale. Alors que certains auteurs pensent que l’utilisation des ENDS et le tabagisme sont initiés indépendamment les uns des autres, en raison de propension commune aux comportements à risque, d’autres pensent que la similitude entre les ENDS et le fait de fumer facilite la trajectoire d’un produit à l’autre au sein d’un cadre d’apprentissage social », résume l’OMS Europe (notre emphase).
Cependant, ce rapport ne va pas jusqu’à rendre compte que l’essor du vapotage aux États-Unis, en France et en Angleterre s’est accompagné de chutes sans précédent du tabagisme adolescent. Il ne mentionne pas non plus les études montrant au contraire que le vapotage des adolescents réduit leur entrée en tabagisme, notamment l’analyse de l’Observatoire français des Drogues et Toxicomanies (OFDT), ou en aide à réduire ou sortir du tabagisme.
Les arômes, outil pour favoriser les effets de report de consommation?
Cible des prohibitionnistes, le thème des arômes est traité avec moins de qualité que d’autres sujets du rapport. Il affirme de manière plutôt absurde que « l’usage des liquides aromatisés est généralement plus élevé chez les jeunes et les jeunes adultes que parmi les adultes plus vieux ». Tous les liquides étant aromatisés, cette phrase n’a aucun sens.
L’auteur note tout de même que les arômes jouent un rôle dans la transition des cigarettes vers le vapotage, effet qui peut s’inverser en cas de prohibition. « Lorsque le goût souhaité n’est pas disponible dans le produit nicotinique souhaité, une partie des utilisateurs peut le rechercher dans un autre produit de nicotine de second choix ».
Attention aux effets pervers des réglementations
Le rapport d’Armando Peruga conclue avec des recommandations dont : prévenir l’initiation des non-fumeurs et des jeunes aux EN&NNDS, réduire les risques de l’usage des produits, interdire les affirmations de santé, protéger les anti-tabac des intérêts liés au vapotage, y compris de l’industrie du tabac. Mais il ajoute que les autorités régulatrices devraient prendre garde à « avoir à l’esprit les conséquences inattendues de toute mesure régulatrice ». Il semble assez évident que plusieurs de ses recommandations de restriction contre le vapotage auraient de telles conséquences perverses, en faveur du maintien du tabagisme.
Ce rapport marque un écart significatif sur plusieurs points et interprétations par rapport à la ligne fondamentaliste anti-vape prédominant à la direction de l’OMS. Il reste cependant très loin de saisir de manière cohérente l’approche de réduction des risques. Dans le contexte actuel, il me semble tenter de concilier des points de l’approche britannique à des éléments de la ligne officielle fondamentaliste. Le déni de l’efficacité de la politique anti-tabac britannique par les tenants anti-vape de l’OMS tel que Vinayak Prasad étant ridiculement intenable devant toute personne qui connait le sujet.
A noter : l'OMS Europe a aussi publié le même jour deux autres briefs. Une description comparant les réglementations sur le vapotage entre quatre pays: le Royaume-Uni, le Canada, le Brésil et la Corée du Sud. Ainsi qu'un brief sur les cigarettes de tabac chauffées.
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