Suisse : le Conseil Fédéral a publié son projet de taxe sur la vape

Le projet de taxe sur les e-liquides en Suisse

Comme s’il voulait cacher au public les chiffres réels. Le communiqué du Conseil fédéral aux médias sur son projet de taxe anti-vape enrobe son annonce dans un nébuleux taux de 77 % de réduction de taxe par rapport aux cigarettes. Pourtant les chiffres concrets sont simples. Le texte propose un impôt spécifique de 2 cts par mg de nicotine pour les e-liquides, ce qui signifierait 4 Fs pour une fiole de 10 ml à 20 mg/ml de nicotine. Les pods seraient taxés à 50 cts par ml, quelle que soit leur teneur en nicotine. La TVA à 7,7 % vient aussi s’appliquer sur ces taxes. Par contre, les e-liquides de recharge sans nicotine ne seraient pas l’objet de surtaxe spécifique. 

Le projet proposé par le Conseil fédéral suit de la motion « taxer la vape » votée par le Parlement en octobre 2020. Il n’y avait eu aucune mobilisation ni des utilisateurs, ni des professionnels de vape indépendants lors du vote. La consultation publique ouverte jusqu’au 31 mars prochain est une dernière opportunité pour les personnes concernées de faire des observations au Conseil fédéral sur son projet.
 
Pour un consommateur moyen, le projet de taxe sur la nicotine de vapotage le rendrait plus couteux que de fumer du tabac à rouler, utilisé par plus de 20 % des fumeurs en Suisse. Mais il resterait plus abordable que les cigarettes « conventionnelles ». Bien que le Conseil fédéral s’en défende sans présenter de données, la hausse des prix provoquée par la taxe sur les e-liquides nicotinés aurait des répercussions négatives sanitaires, sociales et économiques à court terme. 

Une taxe aussi élevée entraverait aussi sur moyen terme le passage au vapotage de fumeurs défavorisés. Actuellement, ils ont le plus fort handicap à l’arrêt tabagique en Suisse, une inégalité sociale de santé qui a explosé depuis les années 1990'. Sans présenter d’évaluation d’impact, le Conseil fédéral dit espérer récolter 15,5 millions Fs par an en taxant les vapoteurs.

Les circonstances, notamment l’absence de réaction lors du vote au Conseil des États, l’enfumage des médias sur le coût réel du projet de taxe du Conseil fédéral et le délai jusqu’à mars pour ouvrir le débat, m’amènent à publier cet article en l’état « brut de décoffrage ». Le premier tiers concerne le projet présenté, la suite discute les conséquences non discutées par le Conseil fédéral de son projet.

  • Contexte
  • Les éléments pris en compte dans le calcul du Conseil Fédéral pour établir la taxe sur la vape
  • Son calcul aboutit à 80 cts pour une fiole de 10 ml à 20 mg, mais le Conseil fédéral multiplie ce résultat par cinq sans justification
  • L’équivalence pour les e-liquides de recharge ne devrait-elle pas plutôt se faire avec le tabac à rouler ?
  • Un nouveau bide fiscal ?
  • Les conséquences sociales d’un très probable accroissement des inégalités de santé d’une taxe aussi élevée sur les e-liquides nicotinés de recharge
  • Déclaration d’intérêt : Comme handicapé, je suis bénéficiaire d’une rente de l’Assurance Invalidité (AI). Formellement, les recettes des taxes tabac et de la future taxe anti-vape sont versées au compte des assurances sociales AVS/AI. Ceci est formel et le niveau de taxe qui sera décidé n’aura pas de conséquence sur ma rente. Mais cela constitue objectivement un lien d’intérêt financier. Je vous laisse juge si cela m’influence.

Une motion qui enterre l’idée d’aider les fumeurs à s’en sortir

Depuis la motion Zanetti, votée en 2011 au Conseil des États, les produits de vapotage en Suisse sont exonérés de la surtaxe tabac en étant considérés comme « produit auxiliaire qui aide les fumeurs » à se libérer du tabac fumé. A l'époque, l’Office fédéral de santé publique (OFSP) avait "décrété" la prohibition de vente des e-liquides nicotinés depuis 2009. Après un recours déposé par deux professionnels de vape et l’association d’usagers Helvetic Vape, la prohibition a été abrogée en 2018 par le Tribunal administratif fédéral (TAF) qui l’a jugée abusive et sans fondement légal.

En octobre 2020, une motion pour introniser une taxe anti-vape en Suisse a été votée à près de 70 % (126 voix pour, 42 contre et 5 abstentions) des élus au Conseil des États. Illustrant ainsi clairement l’alliance qu’anti-tabac et pro-cigarettiers peuvent nouer contre les vapoteurs. Elle avait été initialement proposée à la Commission Santé du Conseil des États en août 2019 par Joachim Eder, l’ex-conseiller aux États qui avait loué en son temps le cigarettier Japan Tobacco pour son « sens des responsabilités ». Avec ce vote, la vape a changé de statut formel passant de produit auxiliaire d’aide aux fumeurs à un produit de substitution du tabac. 

Publiée ce 22 décembre dans le Swiss Medical Weekly, une analyse du Pr Milo Puhan, directeur du département d'épidémiologie de l’Université de Zurich estime que « dans tous les cas de figure » de taxe possibles sur le vapotage, « avec les prix de vente actuels [des produits de tabac] et sans prix minimum, il sera presque impossible d’atteindre un objectif de santé publique »

Cependant, 70 % des élus au Conseil des Etats n’ont pas pris la peine d’attendre des éclaircissements, ni cherché à en obtenir auprès des principaux concernés, pour voter le principe d’une taxe contre les vapoteurs. Il y a eu des électeurs pour les élire, alors... Le Conseil fédéral suit leur exemple en ne présentant aucune évaluation d’impact à son projet de taxe.

La motion précise que cette taxe rentrera en vigueur en même temps que la loi tabac (LPTab), probablement en 2023. Le Conseil fédéral a été chargé de présenter un projet de taxe qu’il vient de publier ce 17 décembre. Le texte est en consultation publique, avec la possibilité d’envoyer ses commentaires jusqu’au 31 mars prochain.

Une augmentation de 4,32 Fs pour 10 ml à 20 mg/ml de nicotine

Le Conseil fédéral propose une taxe spécifique de 2 cts par mg de nicotine pour les e-liquides de recharge, soit 4 Fs pour 10 ml à 20 mg/ml de nicotine. Il n’y aurait pas de surtaxe pour les e-liquides de recharge sans nicotine. Tandis que les pods seraient taxés à 50 cts par ml sans considération du taux de nicotine. La TVA à 7,7 % s’applique sur ces taxes, ce qui porterait l’augmentation à 4,32 Fs pour une fiole de 10 ml en 20 mg/ml de nicotine, que ce soit un e-liquide aromatisé ou un booster sans arôme. 

À noter que les limites de contenance à 10 ml pour les fioles d’e-liquides avec nicotine et de concentration de nicotine au maximum à 20 mg/ml, alignées sur la directive TPD de l’Union Européenne (UE), entreront en vigueur en Suisse avec la LPTab (probablement en 2023). 

Les e-liquides sans nicotine en fiole ne seraient pas taxés

Dans son rapport explicatif au projet de taxe sur la vape, le Conseil fédéral dit avoir écarté l’option de taxer les fioles d’e-liquide sans nicotine en raison de la facilité de trouver les ingrédients pour les confectionner soi-même. « Ces substances de base peuvent être librement achetées par les consommateurs qui peuvent les utiliser pour fabriquer des liquides », note le Conseil fédéral. La taxe serait alors caduque sur le plan fiscal et risquerait d’être contre-productive au niveau sanitaire.

Prise en compte de la réduction des risques grâce à la vape

La motion demandait explicitement au Conseil fédéral de tenir compte de la réduction des risques avec le vapotage par rapport au tabac dans l’élaboration de la taxe, alors que « ce facteur n’était pas au premier plan dans la fonction de l’impôt sur le tabac, motivé par des considérations budgétaires », précise le gouvernement. 

En passant en revue les politiques sur le sujet, le Conseil fédéral note que les autorités britanniques « considèrent la cigarette électronique comme une aide pour se désaccoutumer du tabac et réalisent des campagnes publiques dans ce sens ». Tandis que l’ex-Commission fédérale pour la prévention du tabagisme (CFPT) redoutait l’effet contraire, avant sa dissolution [mais un rapport précédent de la même commission, avec une autre composition, avait dit l’inverse...]. 

Sur le volet de la réduction des risques, les « avis sont plus concordants » et « attestent que la cigarette électronique présente un potentiel de nocivité jusqu’à 95 % moins élevé que la cigarette traditionnelle ».

La nicotine comme cible fiscale

Par ailleurs, le Conseil fédéral estime qu’il ne « fait pas de doute que le potentiel d’accoutumance des cigarettes électroniques repose sur la nicotine ». L’autorité gouvernementale évoque expressément les boosters de nicotine ajoutés aux short-fills. Avec l’introduction de la taxe, les consommateurs utiliseront « des shots de nicotine imposés, peu importe avec quel type et quelle quantité de liquides ceux-ci sont mélangés ».

Calcul par équivalence fiscale, réduite en proportion de la réduction des risques

Sur ces éléments, le Conseil fédéral base son calcul d’une taxe, mais avec une astuce finale assez stupéfiante. Il commence par s’appuyer sur le monitorage suisse de 2016 qui estime que les fumeurs suisses consomment en moyenne 13,6 cigarettes par jour, et une estimation de consommation moyenne de 35,5 mg de nicotine par jour par vapoteur, selon un rapport du Pr Bernd Mayer (basé sur quatre études), de l’Université de Graz (Autriche). 

Base de calcul de la taxe sur la vape du Conseil fédéral
Le Conseil fédéral fait alors une équivalence entre la charge fiscale des fumeurs, de 3,10 Fs par jour pour 13,6 cigarettes au prix prédominant d’un paquet (8,80 Fs), et celle que devraient porter les vapoteurs pour une consomamtion de 35,5 mg de nicotine en tenant compte de la réduction de nocivité de 95 % du vapotage. Il abouti à 15 cts par jour. Cette évaluation d’une surtaxe sur la vape se monte à 0,004 Fs (0,4 cts) par mg de nicotine. Cela ferait 80 cts par fiole de 10 ml à 20 mg/ml de nicotine

Mais ce n’est pas assez pour le Conseil fédéral

A ce point, le Conseil fédéral trouve que cela n’est pas assez. Et hop Suisse. Il multiplie cette taxe par cinq sans autre justification !! La taxe atteint alors 2 cts par mg de nicotine, soit 4 Fs pour 10 ml de 20 mg/ml sur lesquels s’applique 7,7 % de TVA soit 4,32 Fs d’augmentation.

« Le taux d’imposition se calcule sur la base d’une valeur d’équivalence à l’absorption de nicotine par rapport aux cigarettes traditionnelles et est calculé à 95 % de moins, ce qui donne un taux d’imposition de 0,004 franc par milligramme de nicotine. Il faudrait donc escompter des recettes de 3,1 millions de francs. Un taux d’imposition aussi faible n’est pratiquement pas justifié, vu les charges de perception pour l’autorité chargée de l’exécution (Administration fédérale des douanes, AFD) et les charges d’exécution pour l’économie. C’est pourquoi il est proposé un taux d’imposition de 0,02 franc par milligramme de nicotine, de sorte que les recettes fiscales ainsi générées seraient de l’ordre de 15,5 millions de francs », déroule tranquillou le rapport explicatif du Conseil fédéral.

Et l’équivalence avec le tabac à rouler ?

Plus de 20 % des fumeurs utilisent du tabac à rouler en Suisse
Au lieu de diviser le poids de la taxation par vingt, selon le niveau de réduction des risques estimé, il ne le divise que par environ quatre par rapport aux cigarettes. Précisément, une réduction de 77 % selon l’explication du Conseil fédéral. 

Pourtant les fumeurs des classes défavorisés, les plus frappés par les inégalités sociales de santé liées au tabagisme, fument du tabac à rouler. Sans détail par niveau socio-économique, le Monitorage suisse des addictions de 2016 (qui est la dernière édition), avait mesuré que 20,1 % des fumeurs quotidiens utilisent du tabac à rouler, dont un peu plus de la moitié exclusivement. Cette proportion était en forte progression au fil des années et il est très probable qu’elle s’est accrue depuis 2016. 

Je connais assez bien les prix pour avoir été un de ces fumeurs de tabac à rouler en raison du moindre coût :

  • Deux pots de 160 gr de tabac à 30,90 Fs chacun, dont 14,40 Fs de taxes, me faisaient le mois. Soit 2,06 Fs par jour, dont 0,96 Fs de taxes
  • Je consomme 60 mg de nicotine par jour [note : la moyenne déclarée par les ~30 000 vapoteurs répondants à l’enquête de l’ETHRA fin 2020 était de 50 mg/jour]. Taxés à hauteur de 2 cts par mg plus la TVA, cela me ferait payer 1,30 Fs de taxe chaque jour, soit 35 % de plus qu’en fumant du tabac à rouler comme auparavant. Sur un an, la taxe anti-vape me couterait près de 475 Fs supplémentaire. Ma punition pour avoir arrêté de fumer. 
  • Des substituts nicotiniques de pharmacie me sont de facto interdits par leurs prix locaux, en plus d’être non remboursés en Suisse même en cas de tentative d’arrêt tabagique.
  • À moins de passer par des sources parallèles, en tenant compte des autres dépenses liées (feuilles et filtre pour le tabac ; appareil, résistances et arômes pour la vape) fumer deviendrait l’option la moins couteuse dans mon cas après l’introduction de la taxe anti-vape proposée par le Conseil fédéral. Mais de loin pas la moins nocive. 
  • Devoir passer par des sources parallèles pour continuer de ne pas fumer me fait apparaitre les messages des autorités sanitaires, comme des injonctions paradoxales : elles me disent d'arrêter de fumer, mais elles mettent en place les obstacles à ce que je le fasse (c'était déjà le cas de 2009 à 2018 avec la prohibition abusive des e-liquides nicotinés). Je ne sais pas comment conserver de la confiance envers des personnes ayant cette attitude.

Calcul alternatif d’équivalence par rapport à la taxe sur le tabac à rouler

Un calcul basé sur une équivalence par rapport au tabac à rouler serait plus cohérent non seulement en regard de l’impact social et sanitaire, mais également par la forme du produit. Tout comme le tabac à rouler, les systèmes ouverts de vape nécessitent des manipulations par l’utilisateur, en contraste des cigarettes et des systèmes fermés de type pods ou e-cigarettes jetables quasiment prêts à l’emploi immédiat. Les systèmes ouverts sont aussi moins polluants que les pods et jetables.

Pour respecter la demande de la motion de tenir compte de la réduction de risque pour le consommateur du vapotage par rapport au tabac fumé, le Conseil fédéral devrait faire une équivalence fiscale réduite de 95 % par rapport à la taxation du produit à fumer le plus proche dans la forme d’usage. En conservant le schéma du calcul de base du Conseil fédéral, mais appliqué avec une équivalence envers la taxation du tabac à rouler et en prenant en compte une réduction de 95 % du risque, la taxe pour une fiole de 10 ml à 20 mg/ml de nicotine serait de 0,16 Fs, ou 0,0008 Fs par mg de nicotine. Ce serait un calcul plus correct en regard de la demande de taxe tenant compte de la réduction de risque votée par le parlement.

Le calcul de la taxe des pods

Tel qu’il le présente dans son rapport, le Conseil fédéral procède au calcul de la taxe sur les pods en apposant de manière similaire une charge fiscale de 23 % par rapport à celle de 13,6 cigarettes. Il arrive à 52 cts par ml et propose de laisser tomber les 2 cts. La taxe serait de 1 Fs + 7.7 % de TVA, 1, 08 Fs supplémentaires par pod de 2 ml. 

On peut évidemment se demander si l’ordre d’exposition des explications du Conseil fédéral est réellement le chemin qu’il a suivi dans ses calculs. C’est une question en l’air à laquelle nous n’aurons pas de réponse.

Le flou sur les conséquences 

Désormais en Suisse, seule l’enquête de santé nationale tous les cinq ans évalue le niveau de tabagisme, qui n’a pas évolué de 2007 à 2017. Le Monitorage annuel des addictions a été stoppé en 2017. Les autorités n’ont produit aucune donnée sérieuse plus récemment sur le niveau d’utilisation du vapotage de la population. 

« Il est difficile d’apprécier à l’heure actuelle dans quelle mesure l’impôt aura effectivement une incidence globale sur le comportement d’achat des consommateurs. Il y a cependant lieu de supposer que les e-liquides seront davantage commandés en ligne ou achetés à l’étranger », reconnaît le Conseil fédéral.

Aucun rapport d’impact n’est présenté sur les conséquences de la taxe sur le vapotage. Lors de l’élaboration de la loi tabac (LPTab), le rapport d’impact du BASS, pour le Conseil fédéral, avait évalué que la légalisation du vapotage avec nicotine entrainerait une baisse du tabagisme de 2,1 %. Cet effet sanitaire positif avait été évalué dans un cas de figure sans surtaxe punitive contre les vapoteurs. Qu’en restera-t-il avec la taxe ? Le Conseil fédéral n’a pas cherché à le savoir.

Le prétexte des jeunes

Le prétexte officiel des anti-vape pour réclamer et soutenir la taxe contre la vape est de réduire son attrait envers les jeunes. De fait, aucune statistique sérieuse n’a montré un taux de vapotage fréquent avec nicotine chez les jeunes en Suisse qui puisse susciter une inquiétude fondée. 

Une enquête d'Addiction Suisse en 2018, utilisée pour la campagne "le vapotage est un fléau pour les enfants" début 2019, n'a mesuré ni l'utilisation ou non de nicotine, ni l'usage fréquent, défini conventionnellement dans les enquêtes par un usage au moins 20 fois par mois. D'ailleurs, traitement différencié, l'enquête a sondé le tabagisme fréquent des jeunes, évalué à 4,6 % de fumeurs quotidien à 15 ans. Sans faire de campagne médiatique sur ce chiffre. 

La campagne d'Addiction suisse, soutenue par l'OFSP et les médias d'Etat comme la RTS, contre la vape début 2019 a servi de prétexte au dépôt de la motion "taxer la vape" au Conseil des Etats en août 2019. Ce projet de taxe en est l'aboutissement.

L’enquête sur les lycéens bâlois en 2017 et les données brutes (à distinguer de son narratif) de l’enquête sur les adolescents zurichois entre 2013 et 2016 concordent. Les adolescents sont extrêmement nombreux à expérimenter « une fois ou deux avec ou sans nicotine » le vapotage, mais moins de 0,1 % des lycéens vapotent au quotidien, selon ces données.

La LPTab interdira au niveau national la vente aux mineurs de produits de vape, ainsi que du tabac. Actuellement, certains cantons l'interdisent, d'autres non. Les professionnels de vape indépendants regroupés dans la SVTA se sont engagés à une charte éthique sur le sujet.

Dans son rapport explicatif sur la taxe, le Conseil fédéral estime que « les jeunes adultes auront tendance à renoncer aux achats impulsifs en raison de l’imposition des systèmes fermés facilement accessibles : l’augmentation du prix d’un paquet typique de deux cartouches de rechange d’une contenance totale de quatre millilitres, indépendamment de la teneur en nicotine, s’élève à 2,14 francs avec le taux d’imposition proposé ». Ce qui semble un argument pour taxer les pods, mais pas les e-liquides nicotinés pour systèmes ouverts.

Près d’un tiers des jeunes de 15 à 25 ans fument en Suisse. Taxer le vapotage est-il vraiment le plus pertinent dans cette situation ? À part faire perdurer le tabagisme juvénile et saboter le moyen le plus utilisé par les fumeurs pour sortir du tabagisme, on a du mal à voir. Le tabagisme des parents est un facteur de risque majeur de tabagisme adolescent, comme le rappelle le NHS. Laisser l’accès aux parents aux moyens d’arrêter de fumer, c’est aider leurs enfants à ne pas devenir fumeurs, bien plus que de les stigmatiser et taxer les moyens de s’en sortir. 

L'évaluation publiée dans le Swiss Medical Weekly pointe d'ailleurs en filigrane le non sens d'attaquer fiscalement en premier lieu le vapotage au lieu du tabac dans une perspective de santé publique. 

L’Office fédéral de la Santé publique (OFSP) a un rôle prépondérant dans l’absence de données sérieuses et, partiellement, du climat de panique morale cultivé artificiellement contre le vapotage depuis l’abrogation de sa prohibition abusive des e-liquides nicotinés. Punir par une taxe exagérée les vapoteurs qui ont réussi à arrêter de fumer, en profitant du flou entretenu par le manque de rigueur et de travail de l’administration, parait être une manière de gouverner peu loyale. 

Un futur bide fiscal ?

Le rapport explicatif du Conseil fédéral s’est penché sur l’exemple du voisin italien. En 2015, l’Italie avait aussi promulgué une taxe similaire de 4 € par 10 ml plus la TVA, mais sur l’ensemble des e-liquides (avec et sans nicotine). Le Conseil fédéral reconnaît que le résultat a été catastrophique. Le marché italien s’est écroulé et des milliers d’entreprises ont fermé

Le rapport du Conseil fédéral ne le mentionne pas, mais suite à la taxe sur la vape, près d’un million de vapoteurs italiens ont arrêté de vapoter tandis qu’il y a eu un million de fumeurs supplémentaires. 
Les enquêtes étant transversales, on ne peut pas affirmer le rapport de cause à effet, mais c’est une corrélation plus que troublante. 

Les travaux des économistes du National Bureau of Economics Research (NBER) établissent d’ailleurs le rapport de substitution économique entre le tabac fumé et le vapotage, ce qui soutient l’interprétation d’un effet de vase communicant entre les deux (la récente présentation vidéo de la Pr Abigaïl Friedman au Tobacco Online Policy Seminar éclaire ce point aussi).

Finalement, les recettes fiscales italiennes de la taxe sur la vape n’ont pas atteint 5 % des 200 millions € espérés des autorités. « La contrebande a nettement progressé et le marché intérieur a quasiment cessé d’exister. De plus, les recettes effectives ont été loin d’atteindre les objectifs financiers. Avec un taux d’imposition plus faible et le passage à un taux spécifique, les impôts ont été abaissés de près de 80 % [en janvier 2019] », résume le rapport du Conseil fédéral. 

D’autres cas, tels que le Portugal, la Finlande, avec plus de 72 % de fermetures des magasins spécialisés dans l’année qui a suivi (2017), et l’Estonie qui a décidé de suspendre la taxe, sont d’autres échecs fiscaux (ainsi que sanitaires et sociaux) des taxes anti-vape en Europe. 

Le Conseil fédéral anticipe-t-il une chute de 60 % des ventes de vape nicotinée ?

Malgré ces exemples, le Conseil fédéral annonce espérer des rentrées fiscales à hauteur de 15,5 millions Fs par an avec la taxe anti-vape. Il n’a pas détaillé dans le rapport explicatif cette évaluation, mais cela semble signifier qu’il compte que plus de 50 000 vapoteurs paient environ 300 Fs de taxe par an, équivalent à la taxation de 40 mg de nicotine par jour à 2 cts/mg. 

Le nombre actuel de vapoteurs de 100 000 à 120 000 en Suisse donne la surface solvable à environ 130 magasins spécialisés d’exister. L’évaluation d’impôts récoltés du Conseil fédéral semble donc anticiper que plus de la moitié des vapoteurs actuels retourneront au tabac ou se tourneront vers des sources hors du marché légal local. 

Aux États-Unis, l’économiste Michael Pesko, de l’Université de Géorgie (USA), a calculé que le projet de taxe de 2,6 cts $ au mg de nicotine, prévue initialement dans la loi BBB et heureusement abandonné depuis, aurait provoqué une réduction de 3,25 millions de vapoteurs et une hausse de 3 millions de fumeurs, dont 500 000 adolescents. Rapporté à la Suisse, cela ferait effectivement environ 70 000 vapoteurs en moins.

Que la taxe pousse une large part des vapoteurs actuels à fuir le marché du vapotage suisse peut être réaliste. Le fisc suisse gagnera les taxes sur le tabac des consommateurs qui y retourneront, mais perdra la TVA récoltée actuellement sur les vapoteurs qui passeront aux sources hors suisse, ainsi que les impôts récoltés sur les magasins de vape locaux qui verront leur chiffre d’affaires baisser, ou ceux qui fermeront. Le rapport du Conseil fédéral n’a pas présenté d’évaluation explicite à ce sujet.

Le désavantage relatif de la taxe pour les e-liquides ouverts

Le choix d’une taxe spécifique au mg de nicotine, plutôt qu’un pourcentage du prix sur l’ensemble des e-liquides, évite de taxer les e-liquides sans nicotine et ses conséquences absurdes. Notamment de pousser les usagers vers une autoproduction sans contrôle plus hasardeuse en terme sanitaire (en particulier sur la compatibilité des arômes pour le vapotage). 

Économiquement, l’absence de taxe sur les e-liquides sans nicotine pourrait permettre à des magasins suisses de récupérer une partie des consommateurs allemands, où une taxe va s’appliquer sur tous les e-liquides à partir de l’été prochain. Cependant, je pense que, quitte à commander à l’étranger, la plupart d’entre eux se tourneront directement vers des marchés sans surtaxe sur les e-liquides nicotinés. L’effet d’aubaine sera probablement faible.

Tel qu’il a été conçu, le calcul a un effet d’application très inégal entre les produits de vape. Dans le cas d’une conservation des marges brutes actuelles, le prix du pod le plus courant en Suisse serait augmenté de 22 %, celui d’une fiole aromatisée à 20 mg/ml prendrait 48 % et le coût d’un booster (sans arôme) à 20 mg/ml de nicotine exploserait de 246 %. (Note : Le rapport du Conseil fédéral présente d’autres chiffres, mais qui vont dans le même sens de taxes plus lourdes contre les e-liquides de systèmes ouverts.)

Il est remarquable que les cigarettes chauffées sont taxées à hauteur de 12 % de leur prix de vente. En l’état, les taxes sur le vapotage proposées par le Conseil fédéral ne respectent pas la proportionnalité de réduction des risques à la fois envers le tabac à rouler et par rapport aux cigarettes chauffées, dont il est établi qu’elles présentent plus de risque que le vapotage (et moins que le tabac fumé).

Récession prévisible des magasins spécialisés

Le budget consacré au vapotage par une partie des utilisateurs actuels n’est pas ou peu extensible. Autrement dit, une part des consommateurs ne va pas augmenter ses dépenses pour payer la taxe, ou pas suffisamment pour la payer totalement sans réduction du chiffre d’affaires hors taxe des magasins. L’absence de données ne permet pas d’en évaluer l’ampleur précisément, mais il y aura une baisse de chiffre d’affaires per capita. 

Cette réduction du chiffre d’affaires par client va s’ajouter à une baisse du nombre de vapoteurs dont une partie va reporter sa consommation vers le tabac à rouler moins onéreux. Le désavantage relatif de la taxe pour les produits ouverts par rapport aux pods pourrait amener une part de consommateurs vers le réseau des kiosques. L’ensemble de ces effets entrainera une contraction du nombre de magasins spécialisés, à l’image de ce qu’il s’est passé dans plusieurs pays après l’introduction de taxe sur la vape (Italie, Finlande p. ex.). Le Conseil fédéral n’a pas pris en compte ces effets.

En plus des aspects négatifs au niveau économique et social, les quelque 130 magasins spécialisés de vapotage sont actuellement le principal vecteur d’aide à bas seuil à l’arrêt tabagique en Suisse. Comme le détaille l’étude de Sandra Joss et al., de l’Université de Berne, publiée dans l’International Journal of environnemental research and Public Health (IJERPH). La fermeture d’une part de ceux-ci à cause de la récession provoquée par les taxes aurait aussi un effet négatif de santé publique et une perte de savoir-faire sur l’approche de réduction des risques.

L’absence de taxe sur les e-liquides sans nicotine amortit la hausse relative (en %) pour les consommateurs d’e-liquide à bas (< 6 mg/ml) ou très bas (< 3 mg/ml) taux de nicotine. L’effet d’une taxe au mg de nicotine pourrait d’ailleurs inciter à la consommation d’e-liquides à bas taux de nicotine, et faire augmenter le volume consommé d’e-liquide et la part résiduelle de risque en proportion. L’enquête de l’ETHRA indique une tendance en ce sens depuis l’introduction des limites de la directive TPD et de taxes dans plusieurs pays dans l’UE.

Une taxe antisociale

Cependant, le Conseil fédéral imagine « que l’impôt sur la cigarette électronique est relativement faible par rapport aux cigarettes traditionnelles, le risque que les consommateurs de cigarettes électroniques ne recommencent à fumer des cigarettes classiques reste faible »

Estimer que plus de 4 Fs de renchérissement sur un produit vendu 1,35 Fs, pour un booster sans arôme, et généralement 6,90 Fs pour un e-liquide aromatisé, est une hausse faible est probablement vrai si on vit avec un salaire de Conseiller fédéral. Cette affirmation du Conseil fédéral est totalement déconnectée des réalités de la population, a fortiori dans la période actuelle.

Le Conseil fédéral semble avoir traité cet aspect de manière particulièrement légère, si ce n'est irresponsable, en regard de sa gravité humaine et des conséquences sanitaires et socio-économiques.

Une condamnation à mort des fumeurs défavorisés

Inégalité sociale pour arrêter de fumer en Suisse entre 1991 et 2011
En Suisse, les inégalités de chance de réussir une tentative d’arrêter de fumer des défavorisés par rapport aux classes favorisées ont été multipliée par trois entre 1991 et 2011, selon le suivi Salpadia. Les moins diplômés sont aussi nombreux en proportion à tenter d’arrêter de fumer, mais ils ont trois fois moins de chances de réussir. Avant l’essor du vapotage, tardif en Suisse à cause de la prohibition, il n'y avait aucune aide à bas seuil disponible pour ces fumeurs. 

L’explosion des inégalités sociales de santé liées au tabagisme a été confirmée par les résultats 2017, avant la légalisation de vente des e-liquides nicotinés, de l’Enquête suisse de santé menée tous les cinq ans par l’Office fédéral de la statistique (OFS). « La part des fumeurs a baissé de 6 points de pourcentage depuis 1992 parmi les personnes ayant un niveau de formation élevé, alors qu’elle est restée inchangée chez les personnes sans formation postobligatoire », constate l’Enquête suisse de santé.

« Indépendamment de l’âge et du sexe, les personnes sans formation postobligatoire ont 1,6 fois plus de risques de faire partie des fumeurs que celles ayant une formation tertiaire. Chez les personnes sans formation postobligatoire, la tendance à fumer est non seulement plus marquée, mais la quantité de cigarettes fumées par jour est aussi plus importante ». Ces inégalités sociales se retrouvent selon le statut de profession. « Les travailleurs non qualifiés ont 1,5 fois plus de risques de faire partie des fumeurs que les personnes ayant une fonction dirigeante ou celles exerçant une profession intellectuelle ou scientifique »

Taux de tabagisme selon le niveau d'étude en Suisse
La baisse du tabagisme chez les plus de 65 ans s’explique notamment par la mortalité précoce des fumeurs, a fortiori pour les groupes sociaux défavorisés ayant eu une profession éprouvante. Ces fumeurs contribuent en proportion plus au régime de retraite (AVS) à travers la taxe tabac sans en bénéficier, au profit des retraites des classes supérieures.

Taxe doublement régressive

Dans ce contexte d’intensification des inégalités sociales de santé liées au tabagisme, la taxe anti-vape, de nature régressive, frapperait plus durement les plus pauvres, à la fois en étant d’un poids relatif beaucoup plus lourd sur leur budget, et en tant que classe sociale plus susceptible au tabagisme et défavorisée dans les chances de réussir d’arrêter de fumer. La vape accessible à bas seuil constitue une échappatoire de réduction des risques au tabagisme, comme l’a exemplifié le projet pilote du SuchtHilfe d’Olten.

En Suisse, 8,7 % de la population sont considérés comme pauvres. Le Monitorage des addictions n’a pas précisé le niveau socio-économique des 20,1 % des fumeurs qui utilisent du tabac à rouler, et qui représentent environ 5,5 % de la population. Cependant, le tabagisme étant plus élevé dans les classes défavorisées et au vu de la réduction du poids financier du tabac à rouler, il semble évident que cette option concerne la majeure partie des fumeurs pauvres. 

Ce niveau de revenu laisserait, une fois retirés les frais contraints, environ 210 Fs par mois pour la culture, les loisirs, les sorties, etc., selon l’évaluation de Budget-conseil suisse basée sur des statistiques nationales. Prélever près de 30 Fs supplémentaires par des taxes sur la vape sur ce montant pousserait les personnes concernées soit à retourner au tabac à rouler, soit à rogner sur des dépenses de culture et de sociabilité, voire sur l’alimentation. L'absence de remboursement des substituts nicotiniques ne laisse pas d'alternative à cette catégorie de personnes.

  • « Étant donné que beaucoup de Suisses sont riches, c’est particulièrement difficile pour les pauvres. Non seulement socialement, mais les riches forcent aussi les pauvres à trouver des solutions de luxe », explique la journaliste Sibilla Bondolfi, sur SwissInfo, qui a essayé en 2019 de vivre avec le minimum vital pendant un mois et a abandonné après 15 jours.
  • « Le mieux pour rendre compte de la pauvreté eût encore été d’interroger directement des personnes qui la côtoient jour après jour depuis des années. Qui de mieux pour en livrer la réalité crue? Mais ces personnes-là, malheureusement, on ne leur donne pratiquement jamais la parole », réagit Grégoire Barbey sur le même site.

Tenir compte de la culture populaire dans les effets des taxes

Taxer de manière aussi exagérée la forme utilisée par les bas revenus, les e-liquides pour systèmes ouverts, tel que le propose le projet du Conseil fédéral, alourdirait le poids dans les budgets des vapoteurs défavorisés. Et à terme, cette taxe entraverait financièrement l’accès à un moyen de réduction des risques aux fumeurs défavorisés, les condamnant à financer un système de retraite dont ils seront privés par la mortalité précoce liée au tabagisme. 

En rendant la vape nicotinée plus chère que le tabac à rouler, cette taxe éliminerait une incitation subjective déterminante pour les fumeurs de classe populaire, voire en bloquerait l’accès par impossibilité financière pour les plus pauvres. C’est une taxe foncièrement antisociale et délétère pour les classes sociales les moins argentées.

Abandon des fumeurs défavorisés par le Fonds de prévention du tabagisme

De plus, ce poids fiscal régressif surgirait dans le contexte où le Fonds de prévention du tabagisme (FPT) a explicitement exclu tout financement d’approche de réduction des risques pour les fumeurs. La situation est actuellement aggravée par le retrait du Champix, seul médicament qui était remboursé par l’assurance-maladie, depuis l’été dernier. Les autres moyens pharmaceutiques de soutenir un arrêt tabagique autorisés à la vente en Suisse sont hors de portée financière pour une large partie des fumeurs. 

Dès 2015, malgré la prohibition abusive des e-liquides nicotinés, la vape était devenue le moyen le plus utilisé pour arrêter de fumer en Suisse, selon le Monitorage des addictions. Cependant, la prohibition des e-liquides nicotinés, le prix faramineux des substituts nicotiniques et le peu d’aide à bas seuil constituaient autant d’entraves au recours à une aide à l’arrêt tabagique, laissant plus de 70 % des fumeurs tenter sans aide leur arrêt en Suisse. Dans ce cas de figure, ils sont en moyenne de 3 % à 4 % à réussir à cesser de fumer. Plus de 96 % sont condamnés au tabagisme.

Les orientations idéologiques du Fonds pour la prévention du tabagisme font craindre que la situation n’empire les années à venir. Taxer exagérément le principal moyen d’arrêter de fumer serait envoyé un cynique message supplémentaire d’abandon aux 60 % de fumeurs qui aimeraient arrêter de fumer. De 2007 à 2017, la stagnation du tabagisme dans le contexte de prohibition du vapotage avec nicotine et malgré les mesures de hausses des taxes sur le tabac, montre l’échec de l’approche néo-puritaine suivie par les organisations anti-tabac bureaucratiques.

Hypothèses sur ce qui pourrait arriver

Les autorités n’ont jamais pris en compte les intérêts des vapoteurs exprimés par l’association Helvetic Vape, qui, plus ou moins en conséquence, se retrouve « en sommeil » depuis plus de deux ans. Cette absence d’attention s’exprime aussi par une absence totale de données sérieuses. Le Conseil fédéral a élaboré ce projet de taxe au doigt mouillé, sans savoir les conséquences qu’elle provoquerait. Elles seront négatives aux niveaux sanitaire, social et économique. Les gains fiscaux seront au mieux faibles à court terme, et douteux à plus long terme en raison des effets négatifs économiques.

La taxe sur les fioles d’e-liquides de recharge va entrainer des modifications de comportements d’achat chez les vapoteurs, sans que l’on puisse en évaluer précisément l’ampleur par l’absence de données (absence volontairement entretenue par l’administration fédérale) :

  • Une partie retournera au tabac à rouler moins couteux, 
  • une partie modifiera ses achats pour conserver le même budget ou ne pas l’étendre exagérément (p. ex. passer d’e-liquides aromatisés à l’achat de booster + arômes concentrés),
  • une partie saisira l’opportunité de l’extension des marchés parallèles, qui vont être alimentés par les mesures répressives d’autres pays européens les mois prochains (taxe en Allemagne, interdiction d’arômes aux Pays-Bas, etc.),
  • il est probable que le resserrement des prix à cause de la taxe entre fioles d’e-liquides et pods, favorise les pods et les chaînes de distribution. C’est un phénomène classique que l’introduction de taxes provoque des concentrations en faveur des plus gros acteurs, a fortiori avec une taxe aussi déséquilibrée.

Les bénéfices de la taxe anti-vapoteurs pour les cigarettiers sont assez évidents. La réduction de l’écart des prix entre vape et tabac est une bonne nouvelle pour les ventes de tabac, comme ils l’expliquent eux-mêmes. Le poids relatif nettement moindre de la taxe sur le tabac chauffé est une nouvelle qui va évidemment réjouir Philip Morris et Japan Tobacco. La taxe relativement moins élevée sur les pods que sur les e-liquides de recharge pourrait contenter BAT. 

À travers cette taxe, le lobby « anti-tabac » Suisse espère saboter le vapotage, un moyen d’arrêter de fumer qui échappe à son contrôle. Ils ont été jusqu'à s'allier au lobby cigarettier pour la faire passer au parlement. 

Il reste la possibilité que les concernés réagissent d’ici au 31 mars. Une réaction est suffisamment crainte par le Conseil fédéral pour l’avoir amené à produire un communiqué de presse particulièrement nébuleux. Mais cela demandera un effort pour sortir de la passivité...

Quelques ressources :

Page officielle sur le projet de loi avec l’email à qui envoyé ses commentaires avant le 31 mars 2022 : https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-86523.html



Pesko MF, Courtemanche CJ, Catherine Maclean J. The effects of traditional cigarette and e-cigarette tax rates on adult tobacco product use. J Risk Uncertain. 2020 Jun;60(3):229-258. doi : 10.1007/s11166-020-09330-9

Liste des travaux concernant le vapotage de Michael Pesko, économiste du NBER https://drive.google.com/file/d/1T2-svdWPVuNXXzA1nnYsVYaqkVK7Skhk/view 

Larissa Merz, Milo A. Puhan : Taxation options for nicotine and tobacco products in Switzerland – a review of tax policies ; Swiss Med Wkly. 2021;151:w30083 ; DOI: https://doi.org/10.4414/smw.2021.w30083

Aide à l’arrêt tabagique en Suisse 2016, monitorage des addictions : https://www.suchtmonitoring.ch/fr/1/5.html?tabac-traitement-ou-demande-d-assistance 


Frances Thirlway : Nicotine addiction as a moral problem: Barriers to e-cigarette use for smoking cessation in two working-class areas in Northern England, Social Science & Medicine, 2019, https://doi.org/10.1016/j.socscimed.2019.112498 


Bilanz zum Pilotprojekt der Suchthilfe Ost (SHO) «Rauchstopp mit E-Zigaretten» : Eine respektable Anzahl schaffte den Ausstieg. https://suchthilfe-ost.ch/media/Pressemitteilung-Evaluation-Projekt-Rauchstopp-mit-E-Zigarette.pdf

Groupe Romand d’Etudes sur les Addictions (GREA) : Il est temps de changer notre politique tabac https://www.grea.ch/publications/il-est-temps-de-changer-notre-politique-sur-le-tabac

Factors associated with cessation of smoking among Swiss adults between 1991 and 2011: results from the SAPALDIA cohort. DOI: https://doi.org/10.4414/smw.2017.14502


Enquête européenne de l’ETHRA avec plus de 37 000 répondants en décembre 2020 : https://ethra.co/eu-survey



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