Colloque des 5-6 décembre de l'INCa : les anti-vapes menacent d'agresser les scientifiques ouverts à la réduction des risques


Comment empêcher un chercheur de l’Institut Norvégien de Santé Publique (INSP) de participer à un colloque sur la réduction des risques face au tabagisme en France ? Menacer de l’agresser. À quelques jours du colloque de l’Institut National du Cancer (INCa) sur le vapotage, qui se tiendra ces 5 et 6 décembre au Novotel de la tour Eiffel à à Paris, Bruno Quesnel, tout fraichement nommé directeur de la recherche de l’INCa, a interdit au Pr Karl Erik Lund, de l’INSP, d’y participer au prétexte de le protéger d’une possible agression. « Nous ne voulons pas que cette conférence soit le théâtre d’échanges virulents ou d’accusations à votre encontre », justifiait le directeur de la recherche de l’INCa. 

Suite aux réactions d’autres conférenciers, outrés de cette censure, l’INCa a annulé sa décision. La levée de la suspension évitera une injuste marque indélébile sur la réputation du Pr Karl Erik Lund. Mais le revirement est si tardif que le chercheur norvégien ne pourra pas se rendre à Paris pour délivrer sa conférence prévue sur l’effondrement du tabagisme, en particulier chez les jeunes, en Norvège sous l’impact du snus, ainsi que présider la table ronde intitulée « Réflexions sur une décennie de recherche sur la cigarette électronique dans un climat polarisé. Identifier les sujets de controverse et rechercher un terrain d’entente »

Pourquoi le Pr Karl Erik Lund fait-il peur aux anti-vapes ?

Le Pr Karl Erik Lund compte plus de 36 années de recherche sur la santé publique et la lutte contre les méfaits du tabagisme, au sein des services publics norvégiens. Il n’a aucun lien d’intérêt avec l’industrie cigarettière ni l’industrie pharmaceutique, contrairement à d’autres participants au colloque de l’INCa. Il est devenu spécialiste de l’effet du snus face au tabagisme, ayant assisté in vivo à la dégringolade du tabagisme dans son pays et, plus particulièrement, l’élimination du tabagisme des jeunes, sous l’impact du tabac oral suédois à faible taux de nitrosamines. 

– Lire notre compte-rendu de la présentation du Pr Karl Eric Lund lors de l’Ecig Summit 2021 —

Le cas norvégien démontre l’efficacité de la réduction des risques face au tabagisme. En creux, le succès de santé publique norvégien illustre l’escroquerie de politiques soi-disant antitabac excluant les produits de réduction des risques. Et ceci se passe tout particulièrement au détriment des jeunes. Il y a près de quinze fois moins de jeunes fumeurs en Norvège qu’en France. Tandis que la proportion est trois fois moindre dans la population en général. On comprend le malaise des bonzes « antitabac » français qui imposent depuis trente ans leur politique de répression et d’interdiction des moyens de réduction des risques, dont le snus et à présent la vape, en instrumentalisant le prétexte des jeunes.

La violence plutôt que la science

En coulisse, les nervis anti-vape ont donc menacé d’agresser l’expert norvégien coupable de porter une si gênante vérité. En réaction, l’obéissant nouveau directeur de recherche de l’INCa a censuré de facto le scientifique au douteux prétexte de le protéger. La rétraction de la suspension survient si tardivement que les menaces ont atteint leur objectif d’empêcher la présentation du succès norvégien face au tabagisme grâce au snus. 

La manière de procéder du directeur de recherche de l’INCa est pour le moins étrange. En arguant vouloir protéger le scientifique norvégien d’une agression, il valide le recours aux menaces. Bruno Quesnel consacre ainsi la domination de la violence sur la science dans le cadre des activités de l’INCa. L’origine des menaces n’est pas explicitée, mais le directeur de recherche de l’INCa fait référence à un article du blog Tobacco Tactics, tenu par l’équipe d’Anna Gilmore de l’Université de Bath (UK) et financé à hauteur de 20 millions $ par l’affairiste américain Michael Bloomberg [version originale de la page via Internet Archive].

Calomniez, il en restera toujours quelque chose...

Suite à la lettre de Bruno Quesnel, le Pr Karl Erik Lund a découvert l’article le mettant en cause. Il s’est plaint auprès de l’Université de Bath de son contenu mensonger. Le blog Tobacco Tactics l’a retiré. C’est un classique de la part de l’équipe d’Anna Gilmore. Publier des calomnies mensongères sans prévenir les personnes incriminées, puis les retirer lorsque les victimes se plaignent auprès des autorités de son université. La diffamation est lancée dans la nature et continuera de circuler.

Avant sa rétraction, j’ai parcouru l’article de Tobacco Tactics mettant en cause le Pr Karl Erik Lund. Il est consacré à l’association internationale des experts pour la lutte antitabac et la réduction des risques SCOHRE (Smoking Control and Harm Reduction Experts). Cette organisation stipule ne recevoir aucun financement des industries du tabac. L’article évoque plusieurs cas (de mémoire, trois ou quatre...) où des membres de SCOHRE sont intervenus à des conférences où intervenaient également des scientifiques d’entreprises cigarettières. J’ai du mal à voir en quoi cela est une preuve de corruption. Mais de plus, aucun de ces exemples ne concerne le Pr Karl Erik Lund. Concrètement, le seul élément de l’accusation de Tobacco Tactics contre lui est qu’il a communiqué les données sur le tabagisme et l’usage du snus en Norvège au Groupe d’étude sur la réduction des risques face au tabagisme (GSTHR) pour leur rapport 2018 (bien documenté et très intéressant). Cela fait tout simplement partie de son travail au service de l’Institut Norvégien de Santé Publique. Bruno Quesnel va-t-il interdire aux chercheurs de Santé Publique France (SPF) de s’exprimer parce que, par exemple j’en ai parlé sur ce blog ou qu’un blog de buralistes a fait état de leurs dernières recherches ? La très prudente Viêt Nguyen-Thanh ne va bientôt plus du tout oser parler. Bref, le prétexte pour censurer le Pr Karl Erik Lund est ridiculement bidon. Et au vu des conséquences pour lui, tout simplement immonde.

Les antitabac ou les défenseurs du droit à la réduction des risques victimes des calomnies du groupe Bath Tobacco Research (Bath TCRG) d’Anna Gilmore sont nombreuses. Beaucoup n’ont pas l’énergie, l’envie ou le temps pour se plaindre à l’Université de Bath. Lorsqu’on fait cette tache fastidieuse, alors le contenu mensonger est rétracté. 

Je peux l’affirmer parce que j’ai été moi-même victime de calomnies mensongères de la part de l’équipe d’Anna Gilmore, à un congrès payé par Bloomberg à Berlin en février 2020. Après ma plainte aux autorités de l’Université de Bath, toute mention me concernant a disparu du travail en question. Preuve que les accusations étaient mensongères, sans la moindre base factuelle et sans le moindre effort de vérification avant d’avoir été présentées publiquement. 

Un travail de lobbying au service des intérêts du milliardaire Bloomberg

En réalité, le but du groupe Bath TCRG n’est pas de prouver quoi que ce soit. Son travail ne se situe pas dans le régime d’une recherche de vérité. Leur objectif est performatif : lancer dans la nature — et internet n’oublie rien, pas même ce qui est rétracté — des mensonges pour salir la réputation et détruire la crédibilité des personnes visées. Anna Gilmore calomnie, car il en reste toujours quelque chose. Ce n’est pas une activité d’universitaire, c’est une activité de lobbyiste. Le groupe d’Anna Gilmore a reçu 20 millions $ du financier milliardaire Michael Bloomberg pour mener ce travail de guerre économique.

Payé pour défendre les intérêts financiers de Bloomberg, Bath TCRG cible essentiellement la réduction des risques face au tabagisme que ce soit grâce au snus ou la vape. L’enjeu d’une chute du tabagisme, à l’image du cas norvégien tout comme en Suède, Islande ou Nouvelle-Zélande, ferait perdre chaque année des centaines de milliards à l’industrie pharmaceutique si elle s’étendait à toute l’Europe. Les grands producteurs de tabac, comme la Thaïlande, l’Inde et la Chine, verraient leurs exportations diminuées violemment. 

Les cigarettes thaïlandaises sont-elles bonnes pour la santé ?

Le lien de partenariat entre le groupe d’Anna Gilmore et l’État thaïlandais, propriétaire du Monopole du Tabac de Thaïlande, illustre son approche en faveur des industries cigarettières d’État. Elle l’a théorisé en 2011 dans un article, avec Martin McKee et Gary Fooks. « L’exemple du Monopole Thaïlandais des Tabacs suggère que les monopoles d’État du tabac (SOTM) peuvent fonctionner de manière raisonnablement efficace et rentable », n’hésitent pas asséner Anna Gilmore et al. à propos d’un pays comptant plus de 100'000 décès liés au tabagisme par an. Sur son propre site, le Monopole Thaïlandais du Tabac annonce viser à « accroitre ses ventes ».

Tobacco Tactics black-oute ainsi toute information négative sur les activités des cigarettiers d’État. Sur leur partenaire thaïlandais évidemment, mais pas seulement. Les informations sur le trafic illégal de cigarettes sur le marché noir européen organisé par China Tobacco depuis leur usine de Parscov en Roumanie, disparaissent mystérieusement des travaux dans lesquels le groupe d’Anna Gilmore est impliqué. 

Copiner avec les cigarettiers d’État pour lutter contre leurs concurrents privés, au point d’épouser leurs vues et prendre les produits de réduction des risques comme cible principale, est-ce vraiment encore de la lutte antitabac ? Je ne suis pas antitabac, je suis juste défenseur du droit à arrêter de fumer et prendre soin de sa propre santé. Mais j’ai du mal à saisir la cohérence de ce qui me parait une dérive délirante des antitabac Européens sous l’influence des lobbyistes de Bloomberg, dont Anna Gilmore.

L’ultime occasion d’entendre des chercheurs honnêtes avant longtemps en France

Étant convalescent suite à une opération de la hanche, je ne me rendrais pas au Colloque de l’INCa. Les menaces des anti-vapes m’amènent à éviter de prendre ce risque dans mon état. Cependant, plusieurs intervenants programmés méritent attention. La décision, à peine un mois après sa nomination comme directeur de recherche de l’INCa, de Bruno Quesnel de censurer le Pr Karl Erik Lund laisse deviner que le programme aurait été beaucoup plus pauvre s’il s’en était chargé depuis le début.

En interdisant une voix discordante au discours anti-réduction des risques, le directeur de recherche de l’INCa s’assure certainement les bonnes grâces de puissants financiers ultra-milliardaires, du lobby pharmaceutique, des grands producteurs de tabac, et des organismes profitant de la rente fiscale du tabac. Une après-midi est déjà réservée en exclusivité aux anti-vapes français emmenés par Philippe Alla. Sans aucun contradicteur, malgré les énormités du rapport qu’ils ont rédigé pour le Haut Conseil de Santé Publique (HCSP)

Un rapport qui, dans la logique purement « néo-libérale autoritaire » pour reprendre l’expression de Barbara Stiegler, a imposé contre l’avis de la très large majorité des professionnels de santé sondés par la Société Francophone de Tabacologie (SFT), des associations d’usagers, et des données scientifiques sérieuses, l’interdiction au corps soignant d’accompagner les tentatives d’arrêter de fumer de leurs patients à l’aide de la vape en France. Cette mesure est si contraire au serment d’Hippocrate de ne pas nuire au patient, et si abjecte, qu’aucun membre du Ministère de la Santé n’a osé signer la recommandation publiée (!)

En dépit de cette tribune dédiée aux anti-vapes français, dont on devine qu’il sera le seul contenu diffusé par l’AFP aux médias, et la censure du Pr Karl Erik Lund pour cacher le succès de santé publique grâce à la réduction des risques en Norvège, plusieurs présentations s’annoncent très prometteuses. Reste qu’on peut se demander, dans le climat de chasse aux sorcières posé par Bruno Quesnel, quel intervenant n’aura pas à l’esprit les menaces d’agressions s’il exprime un peu trop librement des arguments montrant l’intérêt de santé publique des approches de réduction des risques ?


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