Suisse : le GRÉA annonce un désastre sanitaire si la taxe antivape est adoptée par le Conseil national

Taxe antivape en Suisse : un désastre sanitaire selon le GREA
Le Groupe romand d’études sur les addictions (GRÉA) vient de jeter un pavé dans la mare. L’association, principale représentante des professionnels du domaine des addictions en Romandie, exprime son opposition claire au projet du Conseil fédéral de taxe antivape. Elle formule une contre-proposition pragmatique et cohérente, en suggérant d’aligner la taxation sur le vapotage nicotiné à celle de 6 % des autres produits nicotinés sans combustion. 

La recommandation du GRÉA arrive alors que le sujet de la taxe antivape est à l’agenda du Conseil national le 8 juin. Les députés devront se prononcer sur la proposition du Conseil fédéral de taxe de 20 cts par millilitre (ml) pour les e-liquides nicotinés, à laquelle s’ajouterait la TVA, et de 1 fs par ml sur les vapes jetables avec ou sans nicotine. Le texte modifiant la Loi sur l’imposition des produits du tabac (LTab) a déjà été approuvé en mars par une majorité du Conseil des États, avec le soutien des votes des partis de gauche, du centre et de la droite libérale, tandis que les élus de l’UDC ont voté contre. En cas d’acceptation par le Conseil national, la taxe antivape entrera probablement en vigueur en 2024.

Tableau du GREA sur les prix du tabac et de la vape en cas de taxe
Avec la taxe proposée par le Conseil fédéral, les e-liquides nicotinés seraient taxés proportionnellement deux fois plus que le tabac chauffé et cinq fois plus que le snus et les nicotine pouches.

Des conséquences dramatiques pour la santé publique

Le GRÉA dénonce cette mesure socialement inéquitable et contre-productive pour la santé publique. « La vape présente un potentiel important de réduction des risques, jusqu’ici inexploité en Suisse. Si la vape devient plus chère que la cigarette, nous devrons nous attendre à des conséquences dramatiques en termes de santé publique », prévient la principale association romande du champ des addictions.

L’association des professionnels socio-sanitaires propose le rejet du projet ou un amendement visant à aligner la taxe sur les e-liquides nicotinés à 6 % du prix de vente, comme celle en vigueur sur les autres produits nicotinés sans combustion à risques réduits que sont les sachets de nicotine (pouches) et le snus.

Le projet de taxe ne respecte pas la proportionnalité du niveau de risques

La taxe antivape ne respecterait pas la gradation des risques des produits nicotinés
Dans son analyse détaillée, le GRÉA montre que la taxe rendrait la fiole d’e-liquide nicotiné du prix le plus courant aussi chère qu’un paquet de cigarettes. « Cette augmentation de 2 francs représente ainsi une augmentation de 30 % du prix de vente de la recharge de 10 ml de liquide à CHF 6,50. -, soit une taxation disproportionnée et plus de deux fois plus élevée que celle qui prévaut actuellement sur le tabac à chauffer, un produit plus nocif pour la santé et en main d’un monopole de l’industrie du tabac », précise le GRÉA. 

Rappelons que dès l’origine du projet, l’ancien Conseiller aux États Joachim Eder (PLR) avait déclaré au 20 Minuten du 7 juin 2018 vouloir privilégier le cigarettier Japan Tobacco. Celui-ci commercialise un système de tabac chauffé et, évidemment, aussi des cigarettes. Depuis le début, la taxe antivape est une mesure protabac.

Une mesure antisociale, antilibérale et protabac

Les professionnels du domaine des addictions mettent en garde que « l’augmentation unilatérale des prix sur la vape aura des conséquences néfastes sur la santé publique ». Les exemples d’introduction de taxes antivapes dans d’autres pays montrent clairement que celles-ci favorisent le tabagisme. Une étude citée par le GRÉA sur les taxes antivapes dans des États américains montre qu’une « hausse de 1 $ sur le prix de la vape réduit leurs ventes de 29 % et augmente les ventes de cigarettes de 10 % »

Depuis les années 1990, l'écart de chance d'arrêter de fumer s'agrandit entre classes populaires et les plus aisés en Suisse
Le projet du Conseil fédéral pourrait donc se traduire par une augmentation du tabagisme en Suisse, estimé à 27 % de la population lors de la dernière enquête nationale en 2018. En Suisse, les personnes les plus démunies sont particulièrement touchées et ont près de trois fois moins de chances de réussir leur tentative d’arrêt tabagique que les plus aisés. Le vapotage est ainsi apparu comme une solution populaire inespérée dans le désert helvétique en matière d’aide à l’arrêt tabagique. La cytisine n’y est pas autorisée à la vente, le Champix en rupture de vente, comme partout depuis deux ans, et les substituts nicotiniques ne sont pas remboursés et sont vendus à des prix indécents.

Sans entrer dans ces détails, le GRÉA résume les conséquences néfastes de la taxe antivape telle que proposée par le Conseil fédéral.
« Une telle réglementation aurait pour conséquences :
  • Un report des personnes qui vapent vers la cigarette, comme le montrent plusieurs études sur des expériences dans d’autres pays européens (8) ; 
  • Une plus grande difficulté pour les personnes qui fument à se tourner vers des modes de consommation de la nicotine moins nocifs ;
  • Des difficultés financières pour les nombreux commerces indépendants (vapes shops) qui accompagnent des client·e·s souhaitant arrêter de fumer », GRÉA, Position sur le projet de révision de la LTab.

Aligner la taxation de la vape nicotinée au niveau des nicotine pouches

Pour l’organisation de référence sur le domaine des addictions, « en l’état, ce projet de révision de la LTab ne peut être accepté ». Une première solution serait de rejeter le projet et de le renvoyer au Conseil fédéral pour un remaniement respectant la demande initiale du parlement d’une taxe proportionnée au risque. 

Le GREA propose une alternative. Le Conseil national peut amender le texte pour aligner la taxe sur les e-liquides nicotinés à celle de 6 % du prix de vente déjà en vigueur sur les produits nicotinés sans combustion, tels que les nicotine pouches et le snus. Cela représenterait une hausse de prix de 40 cts pour une fiole de 10 ml actuellement à 6,50 fs et qui passerait à 6,90 fs. Ce niveau de taxe respecterait la gradation des risques des différents produits. 

« Cette proposition de taxer les liquides à 6 % du prix de vente permet une imposition qui respecte le continuum du risque entre les différents produits. Elle permet d’imposer les produits du tabac en cohérence avec leur nocivité, comme demandé par la motion à l’origine de cette révision de la loi sur l’imposition du tabac », GRÉA, Position sur le projet de révision de la LTab

Le GRÉA en faveur d’une taxe élevée sur les puffs

En ce qui concerne les vapes jetables, l’association propose de convertir la proposition du Conseil fédéral de taxe de 1.- par ml à un niveau similaire avec un taux de 25 % du prix de vente. Le GREA justifie cette taxe plus élevée contre les puffs par leurs méfaits environnementaux et pour dissuader leur utilisation par les plus jeunes.

On se souvient que le Conseil fédéral avait d’ailleurs souligné, dans l’argumentaire de son projet, que le risque d’achat compulsif concerne les vapes prêtes à l’usage. Taxer les e-liquides de recharge, nécessitant des manipulations avant usage, apparait donc comme un dommage collatéral inadéquat contre les personnes utilisant de manière réfléchie la vape pour éviter de fumer.

Pourquoi ne pas simplement appliquer la loi ?

En Suisse, les médias et les politiciens s'inquiètent plus des jeunes qui vapotent occasionellement que des 20 % d'adolescents qui fument au quotidien
Le GREA n’aborde pas ce point. Cependant, on peut se demander pourquoi les autorités ne prévoient pas simplement d’appliquer l’arsenal législatif prévu par la loi sur les produits du tabac (LPTab) si les ventes aux mineurs sont véritablement un souci. Récemment, le canton de Genève a procédé à une opération d’achats-tests pour contrôler le respect de l’interdiction de vente des produits de vape aux mineurs. Les commerces en infraction vont écoper d’amendes allant de 1000 à 80 000 fs, selon Matthias Stacchetti, directeur du service de la police du commerce genevoise, à la RTS. Les sommes semblent suffisamment élevées pour dissuader les vendeurs en infraction de continuer. 

Avec l’entrée en vigueur de la LPTab et de son article 24, ce type d’opération pourra être réalisé dans tout le pays. Mais alors, pourquoi créer une taxe fédérale pour punir les consommateurs adultes, au seul prétexte de réduire les ventes aux mineurs dans lesquelles les consommateurs adultes ne sont pas impliqués, avant même de tenter d’appliquer la loi déjà approuvée contre la vente illégale aux mineurs ? 

Références :


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