Suisse, France et Italie: l'ouverture des vapeshops répond d'une double réduction des risques
Dans le contexte de restrictions liées à l'épidémie de Covid-19, l’Italie, la France et les cantons suisses de Neuchâtel, Vaud et Valais ont autorisé l’ouverture de magasins de vapotage. Au niveau fédéral, l’Office Fédéral de la Santé Publique (OFSP) ne s’est pas encore prononcé sur le sujet. En Espagne, l’Union des professionnels de vape UPEV) demande un traitement similaire. En Belgique, l’interdiction de vente à distance met en péril les vapoteurs, qui vont devoir passer par des circuits parallèles pour ne pas retomber dans le tabagisme.
Double réduction des risques : individuelle et collective
Les décisions des gouvernements italiens, français et des trois cantons romands répondent de deux formes de réduction des risques. La première au niveau individuel est de maintenir un accès aux produits de vapotage pour les ex-fumeurs qui n’ont pas la possibilité de passer par des achats à distance. La seconde collective permet d’éviter l’engorgement des bureaux de tabac et des effets de promiscuité en additionnant les vapoteurs aux fumeurs.
Pour un succès de cette approche, les conditions d’hygiène sont cruciales. En ce sens, les organisations professionnelles de vape indépendantes françaises et romande ont annoncé des recommandations sanitaires strictes pour éviter au maximum le risque de propager le virus Covid-19. Cette situation inédite met au défi la communauté de la vape, à la fois les professionnels mais aussi les usagers, pour développer la culture de terrain de la réduction des risques.
Les personnes les plus fragiles
L’ouverture des magasins de vape concerne en premier lieu les catégories de personnes en difficulté sociale et souvent de santé fragile, qui n’ont pas, ou difficilement, la possibilité de passer par des achats à distance. Les largués d’internet, les personnes âgées, les exclus de moyens de paiements, les précaires de domicile, etc. Il y a des recouvrements importants entre tabagisme, niveaux socio-économiques, maladies et risques de complication avec le virus Covid-19.
Donner la possibilité à ces personnes de continuer d’accéder à des produits de vapotage réduit les risques liés à une rechute dans le tabagisme. C’est en soi, une réduction des méfaits sanitaires. Dans le contexte du coronavirus, qui attaque le système respiratoire, il est vraisemblable que fumer augmente les risques de cas graves.
Éviter les goulots d’étranglement
Il y a aussi une réduction des risques au niveau collectif. D’une part, un risque systémique inquiétant dans la situation d’épidémie est l’engorgement des hôpitaux. Ajouter aux cas de coronavirus, des personnes souffrant de problèmes respiratoires parce qu’elles ont rechuté dans le tabagisme serait négatif.
D’autre part, l’ouverture de vapeshops permet de réduire les interactions sociales en évitant aux vapoteurs n’ayant pas la possibilité d’achat à distance de s’additionner aux fumeurs dans les mêmes bureaux de tabac. Cela permet de réduire les effets de promiscuité et facilite la distance sociale, qui est pour le moment le moyen de prévention le plus efficace contre la propagation du virus.
Les consignes des organisations professionnelles
En France, la Fivape, fédération indépendante des professionnels de vape, et le SIIV, syndicat des vapoteries, ont tous deux publié des recommandations hier sur les règles à suivre: la page détaillée des protocoles recommandés de la Fivape concernant les différents secteurs de la filière du vapotage, et le document de recommandations du SIIV.
Côté Suisse, l’Association romande des professionnels de vape (ARPV) a communiqué cet après-midi ses consignes, suite aux autorisations des cantons de Neuchâtel, Vaud et du Valais. Une distance de deux mètres entre chaque personne, le lavage des mains systématique avec un produit hydroalcoolique entre chaque client et le passage de désinfectant sur les comptoirs, les poignées et le matériel manipulé entre chaque client sont notamment exigés par l’ARPV, en plus des consignes sanitaires générales à la population de l’OFSP.
Aucune donnée sur un effet antiviral du propylène glycol (PG) sur le Covid-19
Les trois organisations professionnelles exigent l’absence de vapotage à l’intérieur des magasins « afin de respecter les gestes barrières élémentaires », explique la Fivape. Bien qu’il existe plusieurs études sur les propriétés antivirales du propylène glycol sous forme d’aérosol, aucune n’a été menée spécifiquement sur le virus Covid-19.
Insistons : rien ne permet d’affirmer que le propylène glycol a un pouvoir antiviral sur le Covid-19. Étant donnée, la brutalité de la contagion, la précaution impose de partir du principe qu’il n’élimine pas le virus jusqu’à une preuve solide.
Les tests ajournés
Le monde de la vape fait face à un défi difficile et inédit. L’étape charnière du testing de liquides, aidant à déterminer taux de nicotine et goût adaptés, pour amorcer le sevrage tabagique avec la vape est mise entre parenthèses de force. Selon la durée de l’épidémie, c’est un élément essentiel du rôle en première ligne pour l’arrêt tabagique des vapeshops qui devra peut-être être « réinventé » à terme.
L’importance de la dimension communautaire
Depuis dix ans sur le terrain de la réduction des risques face au tabagisme, le vapotage a les ressorts pour répondre à cette crise. Les associations, les groupes d’entraide, les forums, les médias audiovisuels et écrits constituent une armature communautaire. – Voir la page des liens utiles (liste non exhaustive) –. La crise du Covid-19 souligne l’importance cruciale de ces relais complémentaires au secteur commercial.
A un moment où l’anxiété face à un péril invisible et inconnu peut amener à des comportements régressifs [qui a parlé de PQ?], la dimension collective d’une culture de réduction des risques n’est pas qu’une option. Elle est la voie pour gérer et apprendre collectivement à gérer les risques.
En complément, repères pour les usagers : vapoter à distance et aérer
Que l’on soit vapoteur ou non, il est avéré que les gouttelettes de sécrétions respiratoires peuvent transmettre le virus Covid-19. À titre de repères sur les distances de sécurité, un éternuement projette vite (jusqu’à 100 km/h) l’aérosol expiré avec des gouttelettes à 2,50 m en moyenne, selon des mesures du Massachusetts Institute of Technology (MIT). Tandis qu’une toux non bloquée par le coude, irait jusqu’à environ 1,80 m. Tout vapoteur expérimenté sait qu’il peut fortement moduler son expiration de vapotage, du grand nuage jusqu’à la vape discrète à très faible portée.
À côté des gouttelettes, la transmission du virus en aérosol ou par dépôt sur les surfaces inertes n’est pas clarifiée. Une étude publiée hier dans le New England Journal of Medicine (NEJM) a mesuré la viabilité du virus en suspension dans l’air et sur différentes surfaces inertes. « Nos résultats indiquent que la transmission du SARS-CoV-2 par aérosols et les surfaces est plausible, car le virus peut rester viable et infectieux dans les aérosols pendant des heures et sur des surfaces jusqu’à plusieurs jours (selon le dépôt d’inoculum [quantité de germes]) », concluent les chercheurs de Princeton. Ce résultat, qui ne présente qu'une plausibilité et non pas une certitude, invite à aérer les locaux et nettoyer les surfaces.
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