Interview sur l'enquête de l'ETHRA : une chance de se faire entendre pour les usagers
Quel est le contexte de l’enquête ?
De manière plus inattendue, le 2 juin, les gouvernements européens ont demandé à la Commission européenne des taxes de préparer une révision de la directive sur les accises (TED) afin d’y intégrer les « nouveaux produits », notamment les produits de vape « avec ou sans nicotine ». Les propositions fiscales seront présentées au printemps et pourraient être adoptées d’ici la fin 2021.
Dans ce contexte, nous avons pensé qu’une enquête auprès des consommateurs de nicotine en Europe serait très pertinente.
Quelles informations recherchez-vous ?
Nous cherchons à dresser une « carte » de l’utilisation de la nicotine. Je crois que c’est la première enquête européenne à en couvrir autant d’aspects. Lors de la conception de l’enquête, nous avons essayé de la rendre pertinente pour les différentes situations en Europe tout en respectant un temps raisonnable de 5 à 10 minutes pour y répondre.
L’enquête porte sur l’utilisation de différents produits de nicotine. Afin de limiter la durée de l’enquête, nous nous sommes concentrés sur les cigarettes et les deux produits les plus utilisés par les membres de nos groupes de consommateurs, à savoir les produits de vapotage et le snus. Ces deux produits pourraient faire l’objet d’éventuels enjeux de réglementation lors de la révision de la TPD et de la directive des taxes du tabac (TED).
Les usages des produits de nicotine sont en partie déterminés par les réglementations, tant européennes que locales. À travers l’Europe, l’accès à des produits plus sûrs est variable et les gens peuvent user de moyens de contourner certaines restrictions. L’enquête comporte donc des questions visant à examiner comment les personnes peuvent utiliser les produits différemment en étant soumises à des réglementations différentes.
Notre analyse des données de l’enquête nous permettra d’examiner ces questions. Nous disposerons de données qui seront intéressantes à l’échelle européenne et des données qui nous permettront de mettre en évidence les éventuelles différences entre les pays. Par exemple, nous pourrons comparer la Finlande, qui taxe fortement le vapotage et interdit les arômes d’e-liquides (sauf le tabac), avec des pays plus tolérants. Bien entendu, ces comparaisons ne seront possibles que pour les pays où il y a un nombre suffisant de réponses pour faire une analyse statistique significative.
Qui finance cette enquête - et est-elle indépendante des grandes compagnies de tabac ?
L’enquête est totalement indépendante. Elle n’est pas seulement indépendante des grands cigarettiers, mais aussi de toute industrie. Tout le travail d’élaboration, les traductions et l’analyse future sont et seront effectués sur une base bénévole par des membres d’ETHRA. J’ai assumé le rôle de coordinateur de l’enquête et je n’ai aucun lien financier direct ou indirect avec les industries concernées. Mes revenus proviennent d’une tout autre source.
Le seul coût impliqué est l’abonnement à la plate-forme d’enquête Evalandgo. Celle-ci coûte 50 € par mois et est payée par l’association française à but non lucratif Sovape, qui est membre de l’ETHRA. Sovape est statutairement indépendante de l’industrie du tabac et de l’industrie pharmaceutique. Nous avons opté pour cette plate-forme d’enquête afin de nous assurer que les données ne seront pas utilisées par des entreprises tierces, comme c’est généralement le cas avec les plates-formes gratuites. Elle nous offre également des outils intégrés pratiques et des facilités multilingues.
Donc, pour répondre clairement à ta question, qui est importante : il n’y a aucune implication d’intérêts commerciaux dans cette enquête. C’est pourquoi nous avons besoin d’aide pour partager l’enquête, car nous n’avons pas de budget pour la « pousser » sur les réseaux sociaux.
Quelle a été la réponse jusqu’à présent des vapoteurs ?
Après un peu plus d’un mois, la participation globale a dépassé les 30 000 réponses. C’est un chiffre brut, sans traitement. Nous n’avons aucune expérience préalable à l’échelle européenne, mais je pense que ce chiffre est encourageant pour une enquête qui exige des participants de consacrer un certain temps aux réponses. J’espère que la participation se poursuivra jusqu’à la date de clôture le 31 décembre.
L’enquête a-t-elle livré des résultats importants jusqu’à présent ?
C’est frustrant, mais je ne peux pas répondre à ta question pour deux raisons. Premièrement, donner des indications sur les résultats pourrait influencer les personnes qui vont participer à l’enquête. Deuxièmement, les données actuelles sont brutes et non traitées, elles ne sont pas robustes. Nous traiterons les données une fois l’enquête terminée. Donc, j’espère que les lecteurs du Ashtray Blog me pardonneront, nous devrons attendre jusqu’en 2021 pour obtenir les résultats.
Quelle a été la réponse du Royaume-Uni ?
Elle pourrait être plus importante.
Pourquoi est-il important que les vapoteurs britanniques répondent à cette enquête ?
Malgré le Brexit, l’île n’a pas dérivé si loin du continent. En raison de sa proximité avec l’Europe, le Royaume-Uni sera influencé par la réglementation européenne. Le fait de disposer de données comparables peut aider le Royaume-Uni à éviter les mauvaises réglementations en vigueur dans certains pays européens.
Enfin, il s’agit d’une initiative d'utilisateurs. Nous n’avons pas des milliards, nous n’avons pas de lobbyistes professionnels, nous ne possédons pas de médias. Mais nous avons ici l’occasion d’unir nos forces pour faire entendre notre voix et faire respecter nos droits. C'est un geste de solidarité et d’union en répondant à cette enquête qui s’adresse à tous les Européens, y compris ceux qui sont en dehors de l’UE.
Quel impact cette enquête pourrait-elle avoir ?
La motivation initiale de l’enquête est de faire entendre la voix des utilisateurs dans le débat sur la révision de la TPD. Toutefois, l’enquête pourrait avoir d’autres effets. Certains pays, comme la Finlande, n’ont jamais mené d’enquête sur les vapoteurs, et elle sera donc particulièrement utile pour eux. J’espère également que le questionnaire a une touche de dialogue socratique, et qu’il transmet aux participants le message que la réglementation concerne les utilisateurs. Les activistes trouveront les résultats utiles.
Je pense que les professionnels de vape, dont l’écrasante majorité est connue pour être vapoteurs, seront également probablement intéressés. Les professionnels de la santé pourraient être réceptifs à certaines questions, par exemple les données concernant les fumeurs qui voudraient arrêter, mais qui ne réussissent pas. Cela dit, le questionnaire a été conçu pour ne prendre que 5 à 10 minutes à remplir, il ne fournira donc que des indications sur certains points. Peut-être l’enquête inspirera-t-elle aussi des chercheurs pour des enquêtes plus approfondies à l’avenir.
Vous souhaitez aider ? Cliquez ici pour répondre à l’enquête...
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