Produit de la prohibition US, l’ineptie des « Bloomberg Bars » arrive en Europe
Produit en réaction à la guerre à la vape aux États-Unis, les « Bars » débarquent en Europe depuis quelques mois. Ces vaporettes jetables se répandent sans opposition par les réseaux sociaux via des influenceurs éphémères sans mention légale. Ultra-polluants et de qualité douteuse, ces produits archaïques offrent une expérience au mieux médiocre à un prix exubérant pour quelques ml d’e-liquide. Malheureusement, l’absence de produit de vape légal à plus de 20 mg/ml de nicotine dans l’Union européenne (UE), les taxes prohibitives, qui arrivent notamment en Allemagne, et les interdictions d’arômes autres que goût cigarette, imminentes aux Pays-Bas et au Danemark, pourraient profiter à ces appareils rétrogrades.
Produit de la prohibition américaine
Sous la pression des organisations financées à coup de milliard $ par Bloomberg, la vape indépendante est en voie de disparition aux États-Unis. À ce jour, un seul produit, d’un cigarettier évidemment, a été homologué par la Food and Drug Administration (FDA). Depuis 2020, les arômes de vape autres que les goûts de cigarettes (tabac ou menthol) sont interdits pour les pods et plusieurs villes ou États les ont interdits globalement. Face à ce mouvement prohibitionniste, de nombreuses marques et magasins spécialisés ont déjà fermé.
L’opportunité était presque idéale pour lancer un produit à très bas coût de production jouant aux limites de la légalité afin d’occuper l’espace laissé vide. Un produit médiocre, cher à l’usage et ultra polluant a émergé. Ce sont les Bars jetables. Différents petits noms de « marques » précèdent le mot Bars. Mais on peut les regrouper sous le surnom de « Bloomberg Bars », tant elles sont les créatures engendrées par la guerre à la vape de l’affairiste et politicien milliardaire.Une stratégie commerciale éprouvée
Les Bars débarquent en Europe depuis quelques mois, en suivant une stratégie commerciale déjà éprouvée aux US. Des influenceurs jouent des options éphémères et protégées de certains réseaux sociaux pour lancer des campagnes publicitaires et rabattre des clients.
Quelques-unes se conforment à la limite de l’Union européenne de 20 mg/ml de nicotine et tentent de s’implanter dans les réseaux de vente légitimes pour se banaliser et se légitimer. Cependant, une large part dépasse la limite de 20 mg/ml et se vend à travers des réseaux sociaux, sans mention légale pour éviter toute poursuite.
L’alliance objective des anti-vapes
Au même moment, des cabinets d’avocats spécialisés, adossés à des organisations « anti-tabac » dotées de millions €, harcèlent des blogueurs indépendants et des membres du milieu de la vape légitime. L’information sur la réduction des risques est prise en chasse, tandis que les influenceurs des diverses « Bloomberg Bars », eux, agissent sans soucis.
"Sur TikTok, on trouve d’ailleurs un peu de tout, comme ce court clip à base de rap qui incite à aller acheter un puff chez Gifi [une chaîne de magasins de bricolage en France] plutôt que dans une boutique de vape : « c’est la même qualité, c’est le prix qui baisse ». Un régal pour les détracteurs de la vape", rapporte le site Vaping Post.
De fait, les chasseurs de dommages et intérêts ne semblent pas intéressés à engager des poursuites compliquées aux gains improbables à propos de produits sans responsable sous la main à poursuivre facilement. Il est beaucoup plus simple et surtout plus prometteur de lucratif résultat d’attaquer des personnes légitimes. Les influenceurs de « Bloomberg Bars » ont ainsi le champ libre sur les réseaux sociaux.On pourrait songer à une collusion, que l’on ne peut pas totalement écarter. Mais c’est plus probablement l’émergence de deux phénomènes issus de la même logique. La guerre à la vape et les Bloomberg Bars font la paire.
Un produit archaïque
Techniquement rudimentaire, ramenant la vape quinze ans en arrière, les « Bloomberg Bars » offrent au mieux une expérience médiocre, quand ce n’est pas une suite de dry hits invapables. Leur système sans réservoir ne garantit ni la sécurité du e-liquide ni de manière fiable son volume. Celui-ci imbibé dans une « bourre » est au contact de l’étui en aluminium et peut s’évaporer lentement au fil du temps avant d’être utilisé. Au niveau sensoriel, malgré le prix, les saveurs sont grossières.Écologiquement, l’utilisateur jette une batterie au lithium après la fin des quelques centaines de bouffées offertes par les supposés 2 ml d’e-liquide. Faut-il expliquer qu’il est catastrophique en terme d'usage des ressources d’utiliser une seule fois une batterie créée initialement pour être rechargée plusieurs centaines de fois ? Même un boomer peut comprendre.
La promesse de vape à plus de 20 mg/ml jamais tenue
Pourquoi un produit aussi médiocre réussi à se vendre ? Ce n'est pas son prix qui peut attirer. Dans les lieux légitimes où elle arrive à s’implanter, le prix de vente d’une « Bloomberg Bar » s’aligne généralement autour du prix local du paquet de cigarettes. Un tarif délirant si on le ramène au volume d’e-liquide vendu, ou au coût de production de ces appareils archaïques.
En principe, les vapes jetables pourraient être utiles au premier essai d’un fumeur hésitant ou en dépannage pour un vapoteur pris au dépourvu. Cependant, les versions à plus de 20 mg/ml de nicotine suppléent aussi, illégalement dans l’UE, l’absence provoquée par la directive européenne TPD qui interdit de tels dosages.
En 2014, la limitation à 20 mg/ml de nicotine pour la vape dans le texte de la TPD avait été accompagnée de la promesse d’accès à des produits plus concentrés dans le réseau pharmaceutique. Près d’un quart des fumeurs nécessitent un dosage plus élevé que 20 mg/ml pour complètement quitter les cigarettes.
Les interdictions d'arômes et les taxes débarquent aussi en Europe
Huit ans après, la promesse n’a pas été tenue et rien n’est fait en ce sens. La situation en Europe s'est au contraire dégradée avec trois pays - Finlande, Hongrie et Estonie - interdisant déjà les arômes autres que goût cigarette, et deux autres - Danemark et Pays-Bas - sur le point de le faire.
Des taxes nationales sur la vape forcent également de nombreux vapoteurs européens à se tourner vers les sources parallèles. L'introduction d'une taxe en Allemagne l'été prochain et la hausse programmée de celle-ci en Italie va probablement participer à alimenter le recours aux marchés parallèles. Un projet de taxe en Suisse pourrait également pousser une partie des vapoteurs vers des sources parallèles.
Les Bloomberg Bars profitent de ces facteurs pour capter une part des fumeurs délaissés par des taux de nicotine trop faible dans les produits européens, des vapoteurs privés d'arômes ou poussés vers les sources parallèles par des taxes prohibitives, et débordent ce segment en visant les jeunes dans leur approche commerciale hors de tout contrôle.
Des « Bloomberg Bars » polluantes, sans garantie de qualité et hors de contrôle
Les Bloomberg Bars vendues sur les réseaux sociaux créent une insécurité sanitaire pour les utilisateurs qui n’ont aucune information sur leur qualité. L’ouverture d’appareils par des chroniqueurs spécialisés, à ne pas imiter au risque de faire dégazer la batterie, montre de graves lacunes de sureté, notamment l’absence de protection de l’e-liquide.
Leur stratégie commerciale semble aussi particulièrement propice à nourrir une campagne de discrédit par des médias qui n’en demandent pas tant, même si les Bars pourraient ne constituer qu’une mode éphémère vite oubliée.
« Un point de vue plus pessimiste est que les nouveaux produits jetables pourraient conduire à une nouvelle panique morale “à la Juul” »,s’inquiète Frances Thirlway. Des adolescents se filment en train de vapoter à la chaîne ces Bars en live sur les réseaux sociaux. Des conneries que des générations précédentes ont pu faire avec des cigarettes, avec plus de risques, mais sans se filmer.
Plusieurs voix s'élèvent pour faire barrage aux « Bloomberg Bars ». En France, la Fivape, fédération des professionnels de vape indépendants, a lancé une alerte à propos de ventes illégales de Bars sur les réseaux sociaux tels que TikTok et Instagram, sans contrôle d’âge ni garanti de qualité pour les acheteurs. Tandis que des magasins s’engagent à ne pas vendre les versions légales pour ne pas banaliser le produit.
L’Europe condamnée aux Bloomberg Bars ?
En Allemagne, l’association de consommateurs Bundesverband Rauchfrei Alternative (BVRA) estimait en septembre que « ces produits jetables doivent être rejetés. Le seul aspect environnemental, qui conduira à d’énormes montagnes de déchets, devrait le faire comprendre à tous. Ceux qui placent actuellement leurs espoirs dans de tels produits pensent à trop court terme ».
Cette position de principe de la BVRA sera-t-elle encore entendue l’été prochain par les consommateurs allemands lorsque le prix des e-liquides va exploser avec l’entrée en vigueur de la taxe anti-vape ? La question va également se poser pour les Néerlandais et Danois confrontés à l’imminente prohibition des e-liquides autres que goût cigarette. Les Finlandais, Hongrois et Estoniens en sont déjà victimes, les Lithuaniens pourraient suivre.
Car le meilleur argument commercial des Bloomberg Bars se trouve dans les diverses mesures d’interdiction d'arômes, de restrictions sans fondement et de taxation exagérée contre une vape légale développée pour la réduction des risques, accessible et responsable. Leur arrivée en Europe est le symptôme de la montée répressive contre la vape légitime qui leur offre l’espace pour se déployer. Ce qui n’empêchera probablement pas les pompiers pyromanes anti-vape de hurler au feu et d’instrumentaliser ce qu’ils attisent pour réclamer encore plus de répression contre la vape et les vapoteurs.
Pour aller plus loin :
Mark Gunther : The unrelenting assault on vaping is taking a toll. Sur la situation aux Etats-Unis, décembre 2021. https://medium.com/the-great-vape-debate/the-unrelenting-assault-on-vaping-is-taking-a-toll-803d3926dbee
Qui se cache derrière Puff Bars, dans Inverse, par Emma Betuel, février 2020. https://www.inverse.com/mind-body/puffbar-flavor-vapes
Deux interviews sur CBS This Morning de deux couples peu rassurants sur le niveau de compétences et de probité aux Etats-Unis :
- Michael Bloomberg et Mathew Myers, le 10 septembre 2019 https://www.cbsnews.com/news/michael-bloomberg-to-spend-160-million-on-anti-vaping-campaign/?intcid=CNM-00-10abd1h
- Nick Minas et Patrick Beltran, co-propriétaires de Puff Bars, le 19 novembre 2021 https://www.cbsnews.com/news/puff-bar-e-cigarette-ceos-fda/
La sociologue Frances Thirlway sur Ashtray Blog : Prédictions 2022.
BVRA : Disposables – Mit Volldampf ins Fiasko https://bvra.info/aktuell/disposables-mit-volldampf-ins-fiasko/
E-Cig jetables, Puff Pods - Pourquoi nous n'en vendrons pas? Blog du magasin Ô mon vapo
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