Une vaste méta-analyse du NIHR fait le point sur l'efficacité et la sécurité des aides à l'arrêt tabagique
Au complet, le rapport du National Institute of Health Research (NIHR) fait 260 pages. La méta-analyse en réseau, menée par une équipe dirigée par le Pr Kyla Thomas de l’Université de Bristol, a pris en compte 363 essais cliniques pour mesurer l’efficacité et 355 sur la sécurité des aides pharmacologiques et du vapotage à l’arrêt tabagique publiés jusqu’en 2019. La revue Addiction a publié en accès libre un article résumant les résultats de ce qui est la plus vaste méta-analyse en réseau à ce jour sur le sujet.
" La méta-analyse en réseau (NMA) est une méthode qui permet de comparer n’importe quelle paire d’interventions en regroupant les preuves directes (face à face) et indirectes des essais cliniques randomisés (ECR) qui forment un réseau de comparaisons d’interventions », expliquent les chercheurs. « Nous avons combiné les informations provenant d’études antérieures, y compris d’essais cliniques, afin de déterminer quel produit était le plus sûr, le plus efficace et le plus rentable pour le National Health Service (NHS) ».
Efficacité des différents produits
Les résultats de l’efficacité des produits et d’association entre eux sont de solidité différente, certains reposant sur un ensemble d’études fiable, d’autres plus imprécis en raison de leur nombre restreint. Ainsi, la combinaison de varénicline (aka Champix) à dose standard et de substituts nicotiniques (NRT) à dose standard, celle de varénicline et de bupropion (aka Zyban), ainsi que le vapotage à plus de 15 mg/ml de nicotine se montrent les plus efficaces pour un arrêt durable (à plus de six mois). Cependant, ces résultats souffrent d’un relatif manque de solidité sur leur ampleur. Autrement dit, le ratio en population réelle, ayant les mêmes caractéristiques (fumeur notamment) que le panel des essais, par rapport au placebo pourrait être plus ou moins élevé dans la fourchette présentée par l’indice de confiance (à 95 %). Les essais cliniques de médicaments en monothérapie étant plus nombreux, les résultats de l’efficacité de la varénicline, des NRT et du bupropion sont plus solidement établis. « Nous avons également constaté que les fumeurs présentant une dépendance au tabac plus importante et les fumeurs traités par des conseils en plus des médicaments ont atteint une proportion plus élevée d’arrêts consolidés », précisent les chercheurs dans le rapport pour le NIHR. [voir l’article sur le récent essai vape ou NRT presque sans conseil pour plus de précision sur la plus grande sensibilité à l’accompagnement des NRT que la vape]On notera tout de même que, contrairement aux affirmations « d’experts » français du HCSP, le vapotage se montre en l’état le plus efficace en outil unique, bien qu’il manque de résultats d’essais cliniques pour consolider le ratio précisément. La combinaison de vape et substituts NRT (patch notamment), très utilisée par les professionnels de santé qui ont la déontologie d’aider et accompagner leur patient à arrêter de fumer (mais en auront-ils encore le droit à l’avenir en France ?), n’a pas été testée. (Vu les retours que j’ai, je pense que cette combinaison a un niveau de réussite très élevée, en particulier pour les fumeurs de longue date et de plus d’un paquet/jour).
Innocuité des différents produits
Au niveau de l’innocuité, des preuves montrent que le bupropion augmente un peu le risque d’effet indésirable grave (EIG) par rapport à un placebo. Cependant, les chercheurs n’ont trouvé aucune preuve solide d’effets négatifs des médicaments au niveau d’incidents cardio-vasculaires (MANE) ou neuropsychiatriques (MACE). Cependant, « il existe quelques preuves que les fumeurs ayant reçu une dose standard de varénicline présentaient un risque accru d’effets secondaires neurologiques et psychiatriques majeurs par rapport à ceux recevant une dose standard de bupropion », détaillent les auteurs.
« Les résultats d’innocuité comprenaient des événements rares, qui limitent la capacité des analyses à tirer des conclusions définitives. De plus, nous avons exclu les femmes enceintes ou allaitantes de cette étude, car toutes les interventions incluses ne sont pas autorisées pour une utilisation dans cette population. Cependant, nous reconnaissons qu’il s’agit d’une population importante et sous-étudiée avec un besoin critique de soutien pour arrêter de fumer », soulignent les auteurs.
Concernant le vapotage, les essais ne sont pas assez nombreux pour offrir un niveau de preuves solide sur leur innocuité, selon les chercheurs. « Le vapotage se montre prometteur comme moyen d’arrêter de fumer, mais plus de recherches sont nécessaires sur leur efficacité et leur sécurité à long terme, de préférence des études avec des interventions actives comme comparateurs », explique le Pr Kyla Thomas sur le site du NIHR.
Rapport coût/bénéfice des différents produits
Les chercheurs ont également évalué le coût rapporté à l’efficacité pour les services de santé, dans la perspective qu’ils seraient homologués et remboursés. Le vapotage, l’association de la varénicline à des NRT, et la combinaison de varénicline au bupropion seraient « les interventions présentant le meilleur rapport qualité/prix, mais d’autres essais cliniques comparant les traitements entre eux sont nécessaires pour accroître la confiance dans ces résultats ».
Dans la situation la plus courante actuellement où le vapotage est auto-financé par les « défumeurs », le rapport coût/bénéfice est plus qu’évidemment positif pour les systèmes de santé. Le taxer serait d’une profonde stupidité dans une optique de santé publique et de gestion budgétaire pour un gouvernement. Mais à moins de vouloir programmer la mort des fumeurs les plus pauvres, qui voudrait faire cela ? En tout cas pas les britanniques, cette méta-analyse ayant consolidée la décision d’incorporer le vapotage dans les aides à l’arrêt tabagique conseillées dans la mise à jour fin novembre du guide NICE du National Institute for Health and Care Excellence.
Commentaires
Enregistrer un commentaire