[Bref] Australie: les 45% d'aborigènes qui fument sont abandonnés par les autorités
Le problème est connu. Régulièrement, les autorités australiennes annoncent de bonnes intentions sur le sujet. Mais concrètement depuis 20 ans, l'écart de 30 points de pourcentage entre les taux de tabagisme des autochtones et du reste de la population australienne ne s'est pas réduit. Actuellement, près de 45% des aborigènes adultes fument contre 16% de la population générale, selon les statistiques officielles. Dans les deux populations, la réduction du tabagisme a suivi une moyenne faible d'à peu près 1/2 point de pourcentage par an sur cette période. Y a t-il une option pour ne pas attendre un siècle afin de donner une chance aux aborigènes de s'en sortir? Ce 8 novembre, la 5ème Conférence nationale sur les drogues et l'alcool à l'intention des populations autochtones (NIDAC18) à Adélaïde a consacré un atelier à cette question avec la Pr Marewa Glover de Nouvelle-Zélande, le Pr Colin Mendelsohn et le Pr Scott Wilson.
Fossé social
En Australie, les inégalités sociales et de santé entre autochtones et le reste de la population sont telles que le Gouvernement a lancé le programme "closing the gap" visant à réduire ces écarts. "Le tabagisme est la principale cause de morbidité, d'incapacités, de traumatismes et de décès prématurés chez les peuples autochtones et représente 23% de l'écart de santé entre les Australiens autochtones et non autochtones", reconnaissait l'an passé Ken Wyatt, Ministre de la Santé des peuples autochtones.
Mais la seule réponse uniforme des autorités australienne au tabagisme est une hausse des taxes des cigarettes, dont le prix a doublé depuis 2008 pour atteindre le record mondial en la matière à plus de 20 Fs le paquet. A ce tarif, fumer ruine les groupes sociaux à faible revenu. "Cela a créé un stress financier substantiel et des difficultés pour les fumeurs autochtones persistants. Ils doivent rogner sur leur budget en matière d'alimentation, de vêtements, de chauffage et d'autres éléments de base", constatent les participants à l'atelier de la Conférence.
Aucune aide
Malgré ce constat, rien n'a été pensé jusqu'ici pour appréhender cette question spécifique pour les autochtones. Comme les autres groupes sociaux soumis à un fort stress social, les aborigènes australiens fument plus et ont plus de difficulté à arrêter de fumer. "Bien que la motivation à cesser de fumer soit la même chez les fumeurs autochtones que chez les fumeurs non autochtones, il leur est plus difficile de cesser de fumer et les taux de renoncement au tabac sont faibles. Il est clair que la stratégie actuelle «cesser ou mourir» (Quit or Die) agit trop lentement. De nombreux fumeurs autochtones ne peuvent tout simplement pas ou ne veulent pas arrêter de fumer et restent à haut risque", résume le compte-rendu de l'atelier par l'Association Australienne pour la réduction des risques liés au tabac (ATHRA).
La prohibition du vapotage nuit aux fumeurs aborigènes
Le message principal des intervenants est clair: "Le tabagisme nuit de manière disproportionnée aux populations autochtones. L’Australie a l’obligation morale de donner la priorité à cette question chez les autochtones et d’envisager toutes les options. Le vapotage devrait faire partie d'une approche globale pour réussir à «combler le fossé»". L'accès à l'outil de réduction des risques est interdit avec nicotine en Australie sauf sur prescription médicale.
La prohibition du vapotage nicotiné handicape les fumeurs pour quitter le tabagisme, a fortiori les fumeurs autochtones. "Une étude récente sur les fumeurs australiens autochtones a révélé que 21% ont déjà essayé le vapotage. Cependant, les auteurs ont constaté «qu'il y a beaucoup de malentendus concernant le risque relatif du vapotage par rapport aux cigarettes classiques, en partie à cause du cadre réglementaire strict en Australie»", rapportent les intervenants.
Respect des droits humains
Pourtant, chez le voisin néo-zélandais, l'approche de réduction des risques montre des résultats encourageant dans les populations maoris, également en proie à un fort tabagisme. Le groupe d'auto-support Vape2Save a ainsi aidé de nombreux maoris à cesser de fumer. La Pr Marewa Glover, néo-zélandaise spécialiste de santé publique et d'origine Maori, conclue: "Empêcher les peuples autochtones de passer à ces alternatives à risque grandement réduit et sans fumée est une atteinte à leur droit humain et au droit à la santé des autochtones".
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