Un rapport sur la réduction des risques aux yeux des autorités des Cantons et des villes Suisses
Après l'entrée en vigueur de la Stratégie nationale addictions 2017-2024, où en sont les cantons et les villes suisses au sujet de la réduction des risques? Le quatrième pilier, aux côtés de la répression, de la prévention et des soins, est souvent le parent pauvre de l'approche politique. Le report des tâches de la Confédération vers les cantons ces vingt dernières années aiguise l'importance de la compréhension et de la mise en oeuvre locales de la stratégie remplaçant les anciens programmes éparpillés sur l'alcool, le tabac et les drogues. "Il était nécessaire dans un premier temps de dresser un inventaire de la situation actuelle en matière de réduction des risques dans les cantons et les communes et de leurs besoins dans ce domaine", explique la coordination Infodrog, qui vient de publier un rapport d'enquête sur le sujet mandaté par l'Office fédérale de santé publique (OFSP).
(rapport en fin d'article - résumé en français et rapport en allemand)
(rapport en fin d'article - résumé en français et rapport en allemand)
Quelle réduction des risques au tabac et au cannabis?
"Par la stratégie nationale addictions, l'OFSP poursuit, entre autres, l'objectif d'élargir et même d'étendre la politique des quatre piliers et, partant, de réduire les dommages causés par des substances légales telles que l'alcool et le tabac et de prendre en compte les formes de consommation sans substance", soulignent les auteurs, avant de pointer un point sensible: "Cela soulève la question de savoir dans quelle mesure les approches visant à réduire les dommages peuvent être transférées à des substances légales telles que le tabac, l'alcool et les médicaments sur ordonnance ou aux comportements compulsifs".
Sur la base des réponses des 26 cantons et de 29 villes (sur les 49 sollicitées) à une cinquantaine de questions, le rapport d'Infodrog dresse un état des lieux des conceptions, des offres existantes et des manques ressentis par les autorités locales concernant la réduction des risques envers l'alcool, le tabac, le cannabis, les médicaments, les addictions sans substances et les autres drogues. La diversité de la qualité des répondants, avec quelques réponses consolidées par les autorités et bon nombre traitées par le responsable de la santé publique ou même le médecin cantonal, a amené les auteurs a anonymiser les contributions.
Large majorité favorable à étendre la réduction des risques
La "grande majorité" des cantons et des communes sont positifs envers une "extension des approches de réduction des risques au cannabis, aux substances légales telles que l'alcool et le tabac, aux médicaments sur ordonnance et aux addictions sans substances («addictions comportementales»)". Les répondants inclinent plus à cette approche pour l'alcool que pour le tabac, notamment les cantons, et le cannabis, du côté des villes. Mais les raisons de ces réticences concernant les deux substances liées aux risques de fumer sont très différentes.
Sept cantons hostiles au vapotage
Concernant le vapotage de nicotine, une minorité de sept cantons s'opposent par principe d'abstinence à la réduction des risques face au tabagisme. A l'opposé, neuf sont très enthousiastes pour la promouvoir. "Il vaut la peine d'envisager d'étendre les approches de réduction des risques au tabac, l'objectif thérapeutique de l'abstinence étant souvent en échec", estime le répondant du canton numéroté K9, tandis qu'un autre regrette l'absence d'engagement clair de l'OFSP pour le vapotage. Un soutien à la réduction des risques face au tabagisme permettrait de faciliter la prise de contact avec le public concerné, soulignent deux cantons. Neuf cantons se montrent favorables avec des réserves en raison du peu de clarté des autorités fédérales et des controverses scientifiques au sujet du vapotage.
Les villes plus enthousiastes
Du côté des villes, le soutien à développer la réduction des risques face au tabagisme est plus net. "L'accès pour les fumeurs aux alternatives de réduction des méfaits de la cigarette telles que le vapotage [...] doit être amélioré de toute urgence", insiste une municipalité. Seules deux villes, sur les trois défavorables, doutent du besoin de renforcer la politique anti-tabac en y ajoutant la réduction des risques.
Cannabis: la légalisation avant la réduction des risques
Concernant la réduction des risques liés au cannabis, un canton éclairé fait observer la nécessité d'orienter les fumeurs vers des modes de consommation à risque réduit. A l'opposé, deux autres cantons s'opposent à la réduction des risques pour l'herbe croyant que sa consommation est toujours liée ou facilite la consommation de tabac. Tandis qu'un autre opposant doute des connaissances scientifiques sur la réduction des risques.
Les villes tendent à faire passer la légalisation en priorité avant des mesures de réduction des risques concernant le cannabis, car "elle est l'instrument le plus efficace pour réduire les dommages" dans la situation actuelle. Elles regrettent l'opposition de l'OFSP aux projets expérimentaux de distribution de cannabis proposés par cinq villes, et s'interrogent sur l'incohérence de la législation fédérale actuelle. Une ville s'oppose à la légalisation et à des mesures de réduction des risques considérant le cannabis comme une passerelle vers d'autres drogues.
Confusion sur la réduction des risques en pratique
Quand le questionnaire aborde les offres de réduction des risques déjà en place, les réponses concernant le tabac et le cannabis sont parfois déroutantes. La confusion règne dans certains réponses entre réduction des risques et sevrage par abstinence ainsi que les mesures de prévention. Seuls quatre cantons signalent l'existence de services de conseils "conçus pour encourager les fumeurs à adopter des alternatives moins nocives". Une ville envisage un projet pilote à bas seuil pour promouvoir des alternatives au tabagisme chez les fumeurs. Concernant le cannabis, une ville a lancé un projet pilote de réduction des risques liés au fait de le fumer.
Les demandes des autorités locales aux services fédéraux concernent en priorité une information claire sur la réduction des risques et les bonnes pratiques en la matière, ainsi que le soutien à des recherches dans le domaine. Rappelons que l'OFSP a introduit en 2009, sans base légale comme l'a confirmé le jugement du Tribunal administratif fédéral en avril dernier, une prohibition du vapotage nicotiné au prétexte du besoin de connaissance. Neuf ans après et son abrogation, l'administration fédérale n'a aucune recherche ou étude à présenter sur le sujet, un niveau de compréhension confondant et cultive toujours le même mépris envers les usagers.
Le rapport d'Infodrog:
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